Tunisie: Forum du roman arabe - Quand le rêve permet à l'écrivain de réinventer le monde et de révéler l'indicible

TUNIS — La quatrième session scientifique du « Forum de Tunis pour le roman arabe » a mis en lumière, vendredi, le rôle croissant du rêve dans la narration arabe contemporaine, désormais perçu comme un outil critique révélateur des mutations sociales et existentielles plutôt qu'un simple ornement littéraire.

Réunis autour du thème « Le rêve dans le roman arabe : symbole et esthétiques du récit », les intervenants - la romancière libanaise Najwa Barakat, le chercheur palestinien Mahmoud Al-Najjar, le romancier algérien Ismaïl Yabrir et l'écrivain yéménite Muhammad Al-Gharbi Amran - sous la présidence de l'auteur tunisien Mohamed Aïssa Meddeb, ont souligné que l'écriture onirique permet aux romanciers de remodeler le monde, de déchiffrer le réel et de dévoiler l'indicible.

Dans son intervention d'ouverture, Meddeb a rappelé la centralité du rêve dans le roman arabe contemporain, devenu une « machine esthétique » apte à sonder un paysage arabe traversé par les crises sanitaires, politiques et sociales. Il a mentionné des oeuvres phares traduites dans plusieurs langues - de "Saison de la Migration vers le Nord" (1966) du Soudanais Tayeb Salih (1929-2009) à "Le Comité" (1992) de l'Egyptien Sonallah Ibrahim (1937-2025) en passant par "Villes de sel - l'errance" (1984) du Saoudien Abdul Rahman Mounif (1933-2004) - où le rêve sert à révéler oppression, dérive existentielle et effritement du sens.

Parmi ces oeuvres, on cite "Saison de la Migration vers le Nord", un chef-d'oeuvre de la littérature arabe contemporaine, qui a été co-traduit vers le français en 1999 par le Tunisien Abdelwaheb Meddeb et le Libanais Fady Noun. Auteur multitraduit, Tayeb Salih est considéré comme l'une des grandes figures de la Littérature arabe du XXe siècle, au même titre que les égyptiens Taha Hussein et Naguib Mahfouz.

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Najwa Barakat a, pour sa part, évoqué l'usage du rêve cauchemardesque dans son roman "La Langue du secret" (2004), -traduit en français par Philippe Vigreux en 2015-, espace où la langue vacille et reflète l'effondrement des repères. Elle a souligné que le rêve permet au texte d'exprimer ce qui échappe à la conscience en état de veille.

Le chercheur palestinien Mahmoud Al-Najjar a mis en avant la dimension résistante du rêve dans la littérature palestinienne, citant les oeuvres de Ghassan Kanafani, Jabra Ibrahim Jabra et Ibrahim Nasrallah, où l'onirique devient un lieu de préservation de la mémoire et de réécriture de l'histoire face au déracinement.

L'Algérien Ismaïl Yabrir a indiqué que le rêve constitue un espace narratif affranchi des contraintes du réalisme, permettant d'exprimer la fragilité humaine dans un contexte social instable.

En conclusion, le Yéménite Muhammad Al-Gharbi Amran a affirmé que le rêve s'impose aujourd'hui comme une nécessité humaine, en particulier dans les récits issus de pays déchirés par la guerre, où il sert à raviver espoir et mémoire.

La séance s'inscrit dans le cadre de la deuxième journée du Forum de Tunis pour le roman arabe qu'abrite la Bibliothèque nationale de Tunisie (BNT). Organisé par la Maison du Roman, le forum placé sous le thème « Le rêve dans le roman arabe », se poursuivra jusqu'au 13 décembre.

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