«Passeport Diplomatique» vous invite à découvrir la diplomatie sous un autre jour : relations diplomatiques, enjeux internationaux et partage culturel. Pour ce troisième épisode, immersion au coeur des relations Royaume-Uni - Maurice, avec le haut-commissaire britannique, Paul Brummell.
Comment décririez-vous le rôle principal du Haut-commissariat britannique à Maurice aujourd'hui ?
J'ai la chance d'arriver à un moment particulièrement important pour la relation entre le Royaume-Uni et Maurice. En mai, nos deux pays ont signé un accord historique sur l'archipel des Chagos. Il témoigne d'un respect mutuel du droit international et marque un changement d'échelle dans notre relation bilatérale. Parallèlement, nos deux ministres des Affaires étrangères ont signé un cadre de partenariat stratégique, qui repose sur quatre piliers stratégiques. Ce cadre fixe véritablement l'orientation de ce sur quoi nous nous concentrons en tant que Haut-commissariat, de ce que nous faisons actuellement et de ce que nous avons l'ambition de faire avec Maurice à l'avenir.
Parlez-nous de ces quatre piliers stratégiques...
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La sécurité maritime et la lutte contre la migration illégale sont des thèmes majeurs à l'échelle mondiale, mais qui résonne aussi très fortement à la suite de la signature de l'accord sur l'archipel des Chagos, car cela signifie évidemment que Maurice aura une vaste étendue maritime à surveiller. Nous sommes donc très désireux de nous associer à Maurice et sommes en soutien dans cette mission.
Le deuxième pilier porte sur le climat et l'environnement. Dans ce domaine, nous travaillons avec Maurice de multiples façons afin de vous aider à renforcer votre résilience face aux menaces induites par le changement climatique. Le troisième pilier concerne la croissance, le commerce et l'investissement.
Nous développons un partenariat commercial stratégique renforcé, afin d'identifier les secteurs dans lesquels le Royaume-Uni et Maurice souhaitent travailler le plus étroitement ensemble pour soutenir nos ambitions en matière de commerce et d'investissement. Nos échanges commerciaux bilatéraux s'élèvent à environ Rs 70 milliards par an, mais nous souhaitons aller encore plus loin. Enfin, le quatrième pilier est axé sur la réforme institutionnelle et la bonne gouvernance. Par exemple, nous aidons à concrétiser la vision du Premier ministre dans la création de la National Crime Agency.
Si vous deviez expliquer votre travail de haut-commissaire à un collégien, comment décririez-vous une journée type?
Je ne suis pas sûr d'avoir déjà vécu une journée vraiment typique, mais chaque journée m'a semblé très spéciale et très différente. En réalité, mon travail est centré sur l'humain. Car les liens entre deux pays se développent et se construisent grâce à des personnes formidables qui accomplissent des choses remarquables et travaillent ensemble.
Ainsi, mon rôle en tant que haut-commissaire est de les rassembler, de faire en sorte que de grandes choses puissent se concrétiser dans la relation bilatérale. Cela peut, par exemple, consister à travailler avec des collègues du gouvernement mauricien sur des enjeux mondiaux majeurs. Cela peut aussi être de travailler avec des entreprises britanniques qui souhaitent développer leurs échanges commerciaux et leurs investissements à Maurice. Il s'agit également d'aider les citoyens britanniques présents sur le territoire.
La plupart viennent souvent pour des vacances et passent des moments fantastiques dans des complexes hôteliers de luxe. Mais il arrive parfois des problèmes de santé, la perte d'un passeport, ou d'autres difficultés. C'est là que nous devons intervenir et essayer d'apporter notre soutien. À cela s'ajoute toute une série d'initiatives culturelles.
Quel message adresseriez-vous à un jeune Mauricien qui rêve d'étudier, de faire de la recherche ou de travailler au Royaume-Uni, mais qui a le sentiment que l'accès à ces opportunités est limité ?
La première chose que je dirais, c'est: excellent choix. Nous sommes très fiers du fait que le Royaume-Uni compte certaines des universités les mieux classées et les plus réputées au monde. Je me réjouis de voir le grand nombre d'étudiants mauriciens qui poursuivent leurs études dans des universités britanniques, notamment grâce à des programmes tels que la bourse Chevening ou la bourse du Commonwealth.
Mais je suis aussi conscient que cela peut représenter un choix coûteux. Toutefois, la bonne nouvelle, c'est qu'il existe un très large éventail de partenariats en matière d'enseignement transnational impliquant des universités britanniques et des partenaires mauriciens ou d'autres prestataires à Maurice. Ces partenariats - il en existe au total environ 34 - proposent, sous différentes formes, un enseignement et des standards académiques britanniques à Maurice même. Un exemple, sans doute le plus connu, est le campus de l'Université Middlesex à Maurice.
Dans le contexte du partenariat croissant entre le Royaume-Uni et Maurice, quelles opportunités ont été proposées au cours de l'année écoulée en matière de bourses, d'échanges académiques et de programmes culturels, et comment voyezvous ces dispositifs évoluer dans un avenir proche ?
L'une des plus connues est la bourse Chevening, pour un Master entièrement financé pendant un an. Ce que nous recherchons avant tout à travers la Chevening, c'est un Mauricien ou une Mauricienne capable d'apporter un changement ici. La bourse couvre l'ensemble des frais, droits de scolarité, logement et billets d'avion. Il existe également l'excellent programme de bourses du Commonwealth, qui est aussi dotéd'une offre complète pour des études au Royaume-Uni.
Ce programme est administré par le ministère de l'Éducation mauricien. Nous avons par ailleurs des programmes plus spécifiques. Par exemple, nous apportons un soutien particulier aux membres de la communauté chagossienne à Maurice, notamment à travers un programme de formation en langue anglaise financé par le British Council.
La transition énergétique devient centrale pour les économies insulaires. Comment le Royaume-Uni envisage-t-il sa collaboration avec Maurice en matière d'énergies renouvelables, de finance verte et de sécurité énergétique ?
Nous disposons d'un groupe de travail sur l'action climatique, au sein du ministère des Finances à Maurice, qui soutient le développement de la Climate Finance Unit et la mise en place du Climate Sustainability Trust Fund. En ce qui concerne les énergies renouvelables, nous nous réjouissons de constater que Maurice s'est fixé des objectifs ambitieux en matière de transition énergétique. Nous sommes très désireux de vous soutenir dans cette démarche. En appui au ministère de l'Énergie, nous venons de lancer une étude d'évaluation visant à déterminer si l'éolien offshore peut constituer un élément pertinent du mix énergétique renouvelable. Par ailleurs, l'un de mes collègues, notre envoyé pour les petits États insulaires en développement, a rencontré le ministre des Affaires étrangères, Ritish Ramful, lors de la COP30 à Belém, au Brésil.
Le Royaume-Uni est un acteur majeur de la transformation numérique, de la cybersécurité et de l'intelligence artificielle (IA). Comment ce leadership technologique influence-t-il la coopération avec Maurice ?
Je pense qu'il s'agit avant tout d'apprendre ensemble. Au sein du gouvernement britannique, nous examinons les possibilités d'exploiter l'IA afin de faire les choses mieux et plus rapidement. Les opportunités sont extraordinaires. Nous en voyons déjà les résultats dans des domaines comme la recherche médicale, où l'IA est à l'origine d'innovations majeures en matière de diagnostic. Mais je dirais que ce n'est pas un modèle où le Royaume-Uni donne des conseils sur ce qu'il faut faire. Il s'agit plutôt pour le Royaume-Uni et Maurice d'apprendre ensemble face à une situation en évolution très rapide.
Enfin, dans l'esprit de Passeport diplomatique, pourriez-vous partager une anecdote qui révèle le côté humain de la diplomatie, au-delà des communiqués officiels ?
L'un des grands privilèges du métier de diplomate, c'est non seulement de voyager, mais surtout de pouvoir s'immerger pleinement dans la culture et les traditions du pays dans lequel on est en poste. L'une des grandes joies de ma carrière diplomatique a été de découvrir les pays à travers leur cuisine, par exemple. Mes incursions dans la gastronomie mauricienne ont été, sans exception, formidables.
L'un des moments qui m'a particulièrement marqué a été ma visite au Tribeca Mall, où j'ai rencontré l'équipe de Ramsahye Maraz Dholl Puri, l'un des plus anciens fabricants de dholl puri du pays. Ils m'ont très gentiment invité à rejoindre la chaîne de préparation pour m'essayer à l'art de plier les dholl puri, ce qui a été une expérience très agréable. Et j'ai même pu repartir avec celui que j'avais préparé moi-même à la fin. C'était formidable.