En Tunisie, le quinzième anniversaire de la révolution s'est fêté dans une ambiance particulière ce 17 décembre. À Tunis, alors que des milliers de soutiens du président Kaïs Saïed, dont certains affrétés par bus, se sont rassemblés pour célébrer l'anniversaire avec des slogans pro-pouvoir, un autre rassemblement, dans le sud tunisien, à Gabès, est venu rappeler que beaucoup de revendications de la révolution n'ont jamais abouti, comme les demandes de justice sociale et environnementale.
Au centre-ville de Gabès, dans le sud de la Tunisie, ce 17 décembre, l'anniversaire de la révolution a une résonance particulière cette année. Depuis le mois de septembre, les habitants de Gabès crient leur colère pacifiquement après plus de 200 cas d'asphyxie au gaz, générés par les émanations du groupe chimique tunisien, une entreprise publique qui transforme le phosphate en engrais. Semia, 55 ans et professeure de musique, elle est venue manifester avec son fils. « Peut-être que maintenant on célèbre le 17 décembre comme date officielle du soulèvement, mais avant c'était le 14 janvier, l'anniversaire, date de la chute de Ben Ali, donc pour moi, c'est plus important de manifester aujourd'hui contre la pollution, un sujet qui nous touche tous jusqu'à présent ».
Imen, 26 ans, est étudiante en école d'ingénieur, originaire de Sidi Bouzid, là où s'est immolé le vendeur ambulant Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010. « À l'époque, j'étais encore à l'école mais je me souviens que tout le monde parlait des affrontements qui ont suivi l'immolation de Bouazizi et de la violence policière. C'est resté un moment marquant même si j'étais encore une enfant ».
Pour elle, fêter la révolution aujourd'hui revient aussi à continuer de défendre des droits. « Je suis sortie pour soutenir les Gabésiens vu que j'étudie ici, je m'identifie à leur sentiment de révolte, au final nous célébrons tous une révolution faite ensemble il y a quinze ans. Il faut aussi défendre notre droit à descendre dans la rue et à s'exprimer librement, jusqu'à présent ».
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L'éveil citoyen demeure depuis 2011
Les habitants manifestent régulièrement depuis des mois pour réclamer le démantèlement du groupe chimique tunisien. Une mobilisation possible grâce à l'éveil citoyen sur cette question depuis 2011, selon Khayreddine Debaya, l'un des porte-parole du mouvement Stop pollution créé en 2012. « Le mouvement est né après la chute de Ben Ali et nous n'avons eu de cesse de nous mobiliser d'année en année. C'est un des acquis de la révolution et nous nous battrons pour exercer ce droit de revendication jusqu'au bout ».
Depuis la manifestation massive en octobre dans la ville contre la pollution, les Gabésiens attendent toujours une décision forte du gouvernement, notamment le démantèlement des unités polluantes du complexe industriel. Un combat qui mobilise toujours les jeunes du mouvement Stop Pollution comme Yacine, 21 ans. « La révolution c'est avant tout le droit de défendre nos droits mais ce que l'on constate, c'est que nos droits sont toujours bafoués notamment le droit à vivre dans un environnement sain, donc s'engager dans un mouvement citoyen pour dénoncer ça reste important ».
Une décision de justice doit tomber le 25 décembre prochain quant à la suspension des activités du groupe chimique tunisien. Mais le mouvement peine à mobiliser au-delà de Gabès. À Tunis, 2 000 à 4 000 personnes, des soutiens du président Kaïs Saïed, se sont rassemblés pour fêter le 15e anniversaire de la révolution.