TUNIS — Présenté en avant-première mondiale au festival de Sundance aux États-Unis puis en avant-première européenne à Rotterdam, Where the Wind Comes From, premier long métrage de la réalisatrice tunisienne Amel Guellaty, a été projeté pour la première fois en Tunisie dans le cadre des 36e Journées cinématographiques de Carthage (JCC), après un parcours remarqué dans plusieurs festivals internationaux.
En lice pour le Tanit d'or, le film a été présenté mercredi soir lors d'une séance nocturne à guichet fermé. La salle de l'Opéra de Tunis, d'une capacité de 1.800 places, n'a pas suffi à contenir l'affluence, certains spectateurs prenant place dans les allées, témoignant de l'attente suscitée par cette première tunisienne.
Coproduction entre la Tunisie, la France et le Qatar, Where the Wind Comes From est une fiction de 99 minutes, dont la sortie dans les salles tunisiennes est prévue pour le 14 janvier 2026.
Entourée de son équipe artistique et technique, composée exclusivement de professionnels tunisiens, Amel Guellaty a exprimé sa satisfaction de présenter son film en Tunisie. « Ce film parle des jeunes Tunisiens, de leurs rêves, de leurs espoirs et de leurs problèmes », a-t-elle déclaré avant le début de la projection.
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Le film met en scène Alyssa (Eya Bellagha), 19 ans, jeune femme rebelle et indocile, et Mehdi (Slim Baccar), 23 ans, timide et introverti, liés par une amitié étroite. Tous deux ont recours à l'imaginaire pour échapper à une réalité marquée par la précarité, les tensions familiales et l'absence de perspectives.
Leur quotidien bascule lorsqu'ils découvrent l'existence d'un concours artistique organisé dans le sud de la Tunisie, perçu comme une possible porte de sortie vers une autre vie. Ils décident alors de prendre la route, sans certitude, mais portés par l'espoir d'un avenir différent.
De Tunis à Djerba, le road trip devient un espace de liberté, ponctué de moments de complicité, de tensions et de confrontations. Leur relation, fondée sur une amitié profonde sans dimension amoureuse affirmée, évolue au fil des escales.
Au fil du voyage, le film aborde la question de la condition féminine. Une scène de violence, au cours de laquelle Alyssa est agressée pour son audace et sa manière de s'habiller, met en lumière la persistance des réflexes machistes dans la société tunisienne, malgré une évolution relative des mentalités.
À travers ses personnages, Where the Wind Comes From propose un renversement de certains schémas traditionnels : Alyssa incarne une figure féminine courageuse et émancipée, tandis que Mehdi révèle une masculinité sensible et artistique, éloignée des archétypes dominants du cinéma commercial.
Diplômée en droit de la Sorbonne, Amel Guellaty est également photographe, un regard visuel qui imprègne l'esthétique du film. Après plusieurs années de développement, ce premier long métrage marque une étape importante dans son parcours.
Sans adopter un regard exclusivement sombre sur la réalité tunisienne post-révolutionnaire, le film revendique une approche optimiste de la jeunesse, misant sur la liberté d'esprit comme force de résistance face aux difficultés matérielles. Une orientation qui s'inscrit dans une édition des JCC marquée par une forte présence de réalisatrices, aussi bien dans les sélections que dans les jurys.
Loin des codes spectaculaires du road-movie hollywoodien, Where the Wind Comes From privilégie une exploration intime des désirs, des rêves et des fragilités d'une génération souvent réduite à ses manques.
La projection s'est achevée sous une longue ovation d'un public majoritairement jeune, désormais suspendu au verdict du jury, attendu lors de la cérémonie de clôture samedi soir au Théâtre de l'opéra de Tunis.