Dans un rapport publié vendredi 19 décembre, l'ONG Amnesty International dénonce de graves violations des droits de l'homme commises par les forces de sécurité tanzaniennes lors de la répression des manifestations postélectorales d'octobre et novembre derniers. Alors qu'aucun bilan exhaustif n'est disponible, Amnesty évoque que « des centaines de personnes auraient été tuées ou blessées à travers le pays ».
Usage de balles réelles contre des manifestants, violences policières systématiques et cadavres emportés par les forces de sécurité : autant de violences « choquantes et inacceptables », qui témoignent d'« un mépris choquant pour le droit à la vie et la liberté de réunion pacifique », estime Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International.
La répression telle que décrite dans ce rapport est d'une extrême brutalité. Selon Amnesty, des manifestants ont été visés à la tête, à la poitrine ou à l'abdomen, des impacts de balles suggérant une intention de tuer. Soit « un recours à une force meurtrière illégale », « injustifiée et disproportionnée ».
Restez informé des derniers gros titres sur WhatsApp | LinkedIn
L'ONG s'appuie sur 35 entretiens ainsi que sur l'analyse de dizaines de vidéos et de photos authentifiées. Elle affirme que les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des personnes ne présentant aucune menace, y compris lors de manifestations pacifiques, touchant parfois de simples passants. Selon ce rapport, des gaz lacrymogènes ont été tirés dans des zones résidentielles, parfois jusque dans des maisons. L'accès aux soins aussi a été refusé à certains blessés.
Dans les hôpitaux de Dar es-Salaam, Arusha et Mwanza, des soignants interrogés par l'ONG témoignent d'un nombre inédit de blessés par balles. Faute de place dans les morgues, des corps ont été entassés ou laissés à l'extérieur, racontent-ils. Des vidéos authentifiées par Amnesty montrent au moins 70 cadavres à la morgue de l'hôpital de Mwananyamala, à Dar es-Salaam. « Je n'avais jamais vu cela. Les corbeaux dévoraient la chair des cadavres », témoigne un soignant interrogé par l'ONG.
Amnesty dénonce également des cas de torture, de mauvais traitements. Plusieurs familles ont affirmé à l'ONG n'avoir jamais pu récupérer le corps de leurs proches, certaines ayant dû enterrer des vêtements ou une photographie du défunt.
Face à l'ampleur des accusations, le président tanzanien a annoncé, le 14 novembre, la création d'une commission d'enquête sur les homicides de manifestants. Une initiative jugée insuffisante par la société civile, qui s'inquiète de son manque d'indépendance. Amnesty International demande des enquêtes indépendantes et impartiales. Les autorités, quant à elles, n'ont pas répondu aux sollicitations de l'organisation.