Dans cette interview, Mamadou Lamine N'Dongo, économiste au département Assurance qualité et contrôle de qualité, BAD, explique comment le portefeuille du Groupe de la Banque est caractérisé par des retards importants, tant au niveau de la réalisation du premier décaissement des prêts et dons qu'au niveau de l'exécution des opérations sur le terrain. Aux termes de trois jours de travaux, qui ont mobilisé des chargés d'opérations de cinq pays pilotes, sur la mise en oeuvre des projets axée sur les résultats rapides, «nous sommes parvenus à des résultats vitaux dans l'accomplissement de la mission de la Banque », estime-t-il.
Pouvez-vous nous dire ce qu'est l'approche des résultats rapides ?
L'approche des résultats rapides est un ensemble de principes de gestion qui a été initié il ya quelques décennies dans le secteur privé qui permet aux équipes des projets d'obtenir très vite des résultats concrets sur le terrain, généralement en 100 jours. Depuis une dizaine d'années, cette méthodologie est utilisée dans le secteur public, notamment dans les pays en développement. Elle fait appel à des approches très participatives ralliant les parties prenantes autour de priorités communes et d'objectifs stratégiques partagés et procède par l'utilisation progressive de résultats à court terme pour induire des changements organisationnels de grande échelle à travers le renforcement des capacités. Il faut surtout retenir que cette approche constitue une nouvelle façon de travailler à travers une forte appropriation par les équipes des projets et leur responsabilisation, une plus grande focalisation sur les résultats, une forte mobilisation des parties prenantes et l'adoption de systèmes rigoureux de suivi-évaluation et d'incitation appropriés.
Peut-on savoir ce qui justifie l'initiative de ORQR d'introduire cette approche dans les processus opérationnels de la Banque ?
Le portefeuille du Groupe de la Banque est caractérisé par des retards importants tant au niveau de la réalisation du premier décaissement des prêts et dons qu'au niveau de l'exécution des opérations sur le terrain. En effet, les délais de décaissement effectif pour les portefeuilles des trois dernières années ont été en moyenne de 20 mois après l'approbation, avec des délais de signature, de mise en vigueur et de prise d'effet qui restent encore longs. Cette situation, a affecté dans une certaine mesure la qualité du portefeuille de la Banque, avec un taux de décaissement encore modeste; une tendance à la hausse des projets âgés; un niveau quasi stable des projets à problèmes ; et un niveau des projets à risque qui restent encore relativement élevé malgré une tendance à la baisse.
La Banque a pris des mesures importantes de rationalisation des processus opérationnels dans le cadre des réformes institutionnelles engagées depuis 2006, qui incluent : la réduction du nombre de conditions spécifiques, le renforcement du processus de revue, la simplification des règles d'acquisition, l'harmonisation des procédures avec les autres bailleurs de fonds, l'accroissement relatif de la fréquence des supervisions et le renforcement de la présence sur le terrain avec une délégation d'autorité renforcée pour la gestion du portefeuille. Malgré les progrès réalisés, les retards subsistent encore, comme le montre la performance en matière de premier décaissement des projets approuvés ces trois dernières années.
Subsisteraient-ils des problèmes, soit au niveau de l'application des règles par la Banque ou au niveau des procédures dans las pays emprunteurs ?
L'examen de la situation au niveau des pays emprunteurs fait ressortir un certain nombre de problèmes dont les plus saillants sont que d'une part, les gestionnaires des projets ne sont désignés qu'à la fin du processus de prise d'effet du 1er décaissement et les parlementaires ne sont pas impliqués dans le processus préparatoire des projets ; plusieurs intervenants sont impliqués dans le processus, mais avec une coordination insuffisante ; les procédures et systèmes juridiques au niveau des pays sont dans la plupart du temps très complexes.
D'autre part, les tâches requises ne sont pas attribuées de manière spécifique aux différentes parties prenantes, avec des moyens vérifiables d'atteinte des résultats et avec des systèmes de suivi et d'incitation adéquats ; les enjeux liés aux retards en termes de coûts pour les collectivités nationales (coûts financiers et d'opportunités) ne sont toujours pas clairement perçus par les pays. Ce sont ces problèmes qui se rapportent clairement à un manque d'appropriation, de coordination, de responsabilisation et de focalisation sur les résultats que l'on souhaiterait que l'introduction de l'approche des résultats rapides à la Banque contribue à résoudre.
Vous expliquiez tantôt que cette approche constitue une nouvelle façon de travailler. Comment comptez-vous vous y prendre pour introduire cette approche à la Banque et toucher également les pays emprunteurs ?
Je dois rappeler que nous avions organisé en décembre 2008, en collaboration avec la Banque mondiale le premier atelier sur l'approche de résultats rapides dans le cadre du partenariat entre nos deux institutions. La Banque mondiale avait, depuis 2002, introduit cette approche dans ses processus et les leçons tirées de son expérience prouve que cette approche est efficace pour accélérer l'exécution des projets, améliorer leurs performances et maximiser leur impact sur le terrain. Les participants à cet atelier ont trouvé que cette méthodologie est un outil très utile et pertinent pour renforcer à la fois la supervision axée sur les résultats et la mise en oeuvre rapide des projets et programmes et ont fortement recommandé son introduction dans les processus opérationnels de la Banque.
Après avoir procédé à l'état des lieux de la problématique de la mise en oeuvre des projets qui a permis d'identifier les réformes encore nécessaires et de définir les modalités pratiques d'application de cette approche, il a été convenu de démarrer par une phase pilote avec des projets choisis dans des pays parmi les moins performants en termes de retards au démarrage. Les équipes des projets choisis recevront un accompagnement du département Assurance et contrôle de la qualité, en termes de formation, de conseils et de facilitation du processus. Au cours de cette phase, les facteurs contribuant aux retards de démarrage seront identifiés plus en profondeur, des enseignements seront tirés et des mesures de rationalisation nécessaires seront proposées. Une fois que cette expérience pilote aura été jugée concluante après une évaluation de cette phase pilote, il sera recommandé son institutionnalisation à tous les processus opérationnels de la Banque. C'est pour toucher les pays que nous avons avec nous des chargés d'opérations de cinq pays. Le présent atelier qui entre dans ce cadre vise à familiariser des équipes de projets de ces cinq pays pilotes que sont le Cameroun, le Ghana, le Kenya, le Mali et la Tanzanie et à les outiller dans leurs interactions avec leurs homologues dans ces pays.
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Aristide Agoungnon Ahouassou