Les États fragiles sont devenus une question prioritaire pour les institutions de développement, et notamment pour la Banque africaine de développement. En mars 2008 la Banque a créé une Facilité pour les États fragiles (FEF) qui est un cadre institutionnel destiné à répondre de manière globale aux besoins des pays.
Pour Mme Margaret Kilo, Cheffe de l'Unité des États fragiles, la performance dans l'approche des défis auxquels sont confrontés les États fragiles dépend directement de l'appropriation par l'État des opérations de la FEF et de la volonté de travailler en étroite collaboration avec les partenaires dont la Banque. En outre, parlant de gouvernance, elle estime que cela est une question difficile à résoudre qui requiert des engagements à long terme.
Depuis la mise en place de la Facilité pour les États fragiles en 2008, quel est le principal enseignement enseignements que vous tirez de vos interventions?
Nous avons tiré de nombreux enseignements dans la mise en Å"uvre des programmes de la Facilité. Mais la principale leçon est la diversité frappante des États fragiles, en termes de la particularité des situations, des besoins et du rythme de la relance et du progrès des pays. Ã- cet égard, l'expérience de la Banque montre que la performance est étroitement liée à l'engagement ferme des gouvernements et à un partenariat renforcé avec la communauté internationale.
La Banque africaine de développement est passée d'une Facilité Post-crise à une Facilité en faveur des États fragiles. Pourquoi ce changement de dénomination?
Ce changement s'expliquait par la nécessité pour la Banque d'avoir une approche plus large de la question de la fragilité et d'accroître la performance des opérations. A cette fin, la nouvelle Facilité a été créée pour accroître le niveau de ressources affectées aux Etats fragiles et avoir une plus grande souplesse des institutions et des politiques et des procédures commerciales spécialisées.
Le changement a permis à la Banque d'intégrer un appui renforcé aux États fragiles au sein d'une Facilité unique dotée de ressources et d'instruments visant à répondre efficacement aux besoins des pays. Le nouvel instrument a permis de fournir un appui durable et adapté aux États fragiles et de s'adapter au contexte et aux conditions de fragilité de chaque pays. Comme vous le savez, la fragilité peut être due à la détérioration de la gouvernance, à la mauvaise gestion des situations post-conflit, aux transitions politiques ou à une crise prolongée.
Accroître la performance des opérations
Parmi les nombreux défis auxquels sont confrontés les États fragiles, quel est, selon vous, le plus crucial auquel il faut s'attaquer, pour permettre à un pays de se redresser plus rapidement?
C'est une question difficile parce que chaque pays a ses propres réalités. Cela étant, je pourrais citer la gouvernance comme étant une urgence, dans la mesure où elle est transversale. La gouvernance ou l'absence de gouvernance est à la base de la plupart des défis qui interpellent les Etats fragiles : effondrement des États, mauvaise gestion des ressources naturelles, manque d'accès aux services sociaux de base, conflits ethniques ou violence, etc. Toutes ces difficultés favorisent généralement la fragilité des États. Par conséquent, dans un contexte de sortie de crise ou de fragilité, des efforts et ressources substantiels devraient être déployés pour la mise en place et le renforcement de la gouvernance.
Comment expliquez-vous que la question de la « fragilité » ou des « États fragiles» soit devenue une priorité dans le programme de développement mondial ?
La raison principale de cette évolution est que le progrès économique ou les gains de développement enregistrés pendant des décennies de travail acharné dans cette catégorie de pays peuvent être effacés tout d'un coup du fait des situations de fragilité. Au nombre de ces situations, on a l'instabilité politique due à la guerre civile, la violence ethnique, ou encore les chocs exogènes comme la baisse des prix des matières premières.
On pourrait également citer les récentes crises énergétique, alimentaire ou financière ou plus généralement le fardeau de la dette. Les liens entre la fragilité et le développement sont donc évidents. Partant de ce constat, les institutions de développement, comme la Banque ont réalisé qu'une attention particulière devrait être accordée à la fragilité. C'est la raison pour laquelle la Banque a mis en place la Facilité en faveur des États fragiles pour répondre aux besoins des pays admissibles. Contribuer à faire face aux difficultés des États fragiles est l'une des priorités majeures de la Banque parce que la majorité des Etats fragiles sont des membres régionaux de la Banque.
La fragilité est une priorité
Comment l'Unité des États fragiles travaille-t-elle en partenariat avec les autres institutions?
La Banque a établi des partenariats efficaces aux niveaux national et mondial avec des organisations internationales et agences de développement travaillant dans ce secteur. Dans certains pays comme le Libéria ou la République centrafricaine, nous mettons en Å"uvre des stratégies nationales conjointes, avec notre institution soeur, la Banque mondiale.
Au niveau mondial, nous travaillons avec le Réseau international sur les situations de conflits et de fragilité de l'OCDE (INCAF) afin d'élaborer des directives stratégiques pour améliorer les réponses des donateurs aux situations de conflit et de fragilité. En outre, la Banque est membre du Dialogue international sur la construction de la paix et la reconstruction des États et du Groupe de travail des banques multilatérales de développement sur la fragilité et les conflits.
Comment la Banque envisage-t-elle le futur dans ses interventions en faveur des États fragiles?
La Banque continuera de renforcer son engagement dans les pays, en affinant son approche fondée sur les enseignements tirés des expériences antérieures. Comme l'a déclaré le Président de la Banque, Dr Donald Kaberuka, à l'occasion de la réunion sur la reconstitution des ressources du Fonds africain de développement - 12 (FAD-XII) tenue en février 2010, à Cape Town (Afrique du Sud), « La Banque continuera à soutenir ces pays dans la reconstruction des institutions fragmentées, la réhabilitation des infrastructures, le renforcement des capacités, et l'apurement des arriérés. »
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Sanogo Bakary