Entretien - Promotion du développement rural durable

22 Avril 2011
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African Development Bank (Abidjan)
communiqué de presse

Entretien avec Modibo Traoré, chargé de gestion des ressources naturelles en chef à la BAD

Dans l'optique de mieux disposer la Banque à abriter le Fonds vert pour l'Afrique et de canaliser les différents projets qui seraient initiés dans ce cadre, les experts de la BAD multiplient les débats autour des questions liées à l'environnement, sans exclusive. Pour Modibo Traoré, chargé de gestion des ressources naturelles en chef à la BAD : «La Banque est fortement engagée dans la promotion du développement rural durable... C'est aussi l'occasion d'introduire en Afrique de nouvelles technologies plus sobres en carbone et partant, de promouvoir une croissance verte sur le continent». Il s'agit, affirme-t-il, d'un débat ouvert, auquel toutes les contributions sont les bienvenues.

Qu'est-ce que le marché du carbone dont on parle tant à la Banque africaine de développement ?

Le marché du carbone est constitué par l'ensemble des mécanismes d'échanges et de transactions des crédits de réduction d'émissions de gaz à effet de serre (GES), appelés crédits-carbone, et exprimés en réductions d'émission certifiées (CERs) 1 CER=1 tonne de co2 équivalent=1 unité de réduction d'émissions de gaz à effet de serre) dont le prix est actuellement sur le marché d'environ 13 euros la tonne de CO2 équivalent. Ces transactions ont lieu sur un marché public (une bourse de carbone) comme via le système communautaire d'échange de quotas d'émissions au sein de l'Union européenne par exemple. Elles peuvent également se faire de gré à gré entre un acheteur et un vendeur sur un marché d'échange volontaire, qui est un mécanisme d'échange de crédits carbone non lié à une réglementation internationale mais qui respecte certains standards élaborés afin d'assurer une réduction de gaz à effet de serre (GES) réelle et vérifiable. Le carbone devient ainsi une commodité comme les autres, qu'on peut placer sur un marché au même titre que le pétrole ou le cacao.

Les questions liées aux changements climatiques et au marché de carbone sont au cÅ"ur des débats à la Banque, y compris au niveau de la haute direction. Pourquoi cette question de mécanisme de financement du marché de carbone est-elle si importante pour la Banque ?

A l'issue de la conférence de Copenhague sur les changements climatiques en 2009 (COP15) les pays développés ont pris l'engagement de mobiliser jusqu'à 100 milliards de dollars par an d'ici à l'horizon 2020 en faveur de l'atténuation des effets des changements climatiques dans les pays en développement. Une grande partie de ce financement sera canalisé à travers les marchés du carbone.

Nous devons donc appuyer les efforts des pays membres régionaux de la BAD (PMR) visant à bénéficier de ces ressources à travers la préparation de projets éligibles pour les fonds du climat ; attirer des financements additionnels par rapport à la traditionnelle aide publique au développement (APD) qui se fait à travers le guichet FAD par exemple. C'est aussi l'occasion d'introduire en Afrique de nouvelles technologies plus sobres en carbone et partant, de promouvoir une croissance verte sur le continent.

Quels avantages le secteur agriculture/ressources naturelles en Afrique peut-il tirer de ce mécanisme ?

Les mécanismes de financement liés au marché du carbone et pouvant concourir à l'atteinte des objectifs de réduction des GES et d'adaptation au réchauffement climatique se mettent en place, soit par le biais des initiatives de carbone forestier pour la lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts, à travers le programme de réduction des émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts (REDD+) ; soit par le biais du mécanisme de développement propre (MDP) à travers la transformation des déchets d'élevage, de résidus agricoles et agroindustriels en énergie, la production d'énergie de biomasse, de biocarburants, l'irrigation, les engrais verts, les boisements et reboisements, etc.

Le MDP est un mécanisme du secteur privé qui permet aux industries des pays développés de s'acquitter en partie de leurs obligations en finançant des projets de réduction des émissions dans les pays en développement, où les coûts sont souvent plus faibles. Il vise également à atténuer les coûts inhérents à la réduction des émissions dans les pays développés, tout en contribuant au financement de projets d'énergie non polluante dans les pays en développement. L'attrait de ce mécanisme réside dans le fait qu'il confère au projet une certaine image de marque et un effet de levier important pour trouver d'autres financements publics ou privés. Les projets accrédités par le MDP reçoivent une unité de crédit de "réduction certifiée des émissions" ou CER par tonne de GES non émise. Ces crédits sont négociables sur les marchés internationaux de carbone. Plusieurs projets potentiels de MDP sont répertoriés au sein de la Banque dont 17 au niveau du département de l'agriculture et de l'agro industrie (OSAN) et davantage d'autres au département du secteur privé (OPSM) et au département de l'énergie, de l'environnement et du changement climatique (ONEC).

Prévenir la déforestation est l'une des stratégies d'atténuation des gaz à effet de serre les plus avantageuses pour limiter la hausse de la température globale. Pour appuyer cette stratégie, la communauté internationale s'est engagée dans le développement d'un mécanisme pour inciter à la réduction des émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts (REDD+) dans les pays en développement. Le REDD est coordonné par l'ONU qui a mis en place le programme UN REDD. Il s'appuie sur des incitations financières et est indirectement liée au marché du carbone. Le premier objectif est de lutter contre le réchauffement climatique, mais le REDD implique et vise aussi d'autres effets positifs, dont la lutte contre la déforestation, la préservation et la restauration de la biodiversité ; l'indentification d'opportunités de crédits-carbone offrant des avantages sociaux et environnementaux ; le développement d'activités-pilotes de REDD+ pour les normes volontaires et les régimes réglementés de crédits-carbone. Des initiatives de REDD+ se retrouvent dans les projets forestiers de deuxième génération, en cours et en préparation au sein d'OSAN, tels les projets dans le Bassin du Congo à travers le CBFF et le PACEBCO, PAGEFCOM au Bénin, MARFOP au sein de la Mano River Union ainsi que d'autres en partenariat avec le FEM, l'IUCN, etc.

Les émissions de gaz à effet de serre constituent un problème environnemental majeur. Le financement du marché de carbone à travers le Fonds vert pour l'Afrique, qui serait éventuellement abrité par la Banque, ne serait-il pas une partie de la solution à cette problématique ?

Le Fonds Vert pour l'Afrique (AGF en anglais) sera doté de ressources destinées aux changements climatiques (mitigation, adaptation, renforcement de capacités, transfert de technologies). Il vise essentiellement à aider le continent à accéder plus facilement aux ressources financières allouées aux changements climatiques dans le but de répondre, de manière efficiente, aux immenses besoins et priorités de l'Afrique dans la lutte contre l'impact du réchauffement climatique. La multiplication de projets et programmes relatifs aux changements climatiques dans le pipeline permettra de démontrer la capacité de la Banque à tenir ses engagements vis à vis de ses pays membres ; à prendre en charge les besoins de l'Afrique en matière de gestion des changements climatiques et à renforcer la confiance de la communauté des bailleurs. La Banque doit démontrer sa capacité à gérer les fonds destinés au continent, son avantage comparatif en ayant un portefeuille étoffé de projets susceptible d'absorber les ressources alloués. Ce qui se fera essentiellement à travers des mécanismes liés directement (MDP) ou indirectement (REDD+) au marché du carbone. La Banque procède actuellement à l'expansion substantielle de son portefeuille de projets en vue de la mise en oeuvre du plan d'action pour le changement climatique (PACC). En plus le Président de la BAD vient de mettre en place un comité de coordination du changement climatique (CCCC) qui a pour tâche principale de coordonner l'ensemble des actions de la Banque en vue d'une réalisation rapide des objectifs visés par l'institution en matière de changement climatique.

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