La Banque africaine de développement (BAD), qui s'est engagée pour un appui budgétaire de 500 millions de dollars en faveur de la Tunisie, en mai 2011, est en discussions avec l'Egypte pour un soutien analogue, et est également disposée à aider la Libye "le moment venu", a déclaré le président de la BAD, Donald Kaberuka, le 9 juin 2011 dans un discours lors de la cérémonie d'ouverture des Assemblées annuelles de la BAD à Lisbonne, au Portugal.
Toutefois, il a également appelé à une plus grande aide européenne à l'Afrique du Nord.
M. Kaberuka a également réaffirmé l'intention de la BAD de retourner à son siège à Abidjan, en Côte d'Ivoire, de sa base temporaire en cours à Tunis, lorsque les conditions seront réunies.
Sur la question de la Côte d'Ivoire, il a dit: "Je tiens aussi à adresser mes meilleurs vÅ"ux au peuple de Côte d'Ivoire, le pays hôte de notre siège. La résolution de la crise a en effet été un grand soulagement pour les Ivoiriens, pour la sous-région ouest-africaine et pour l'Afrique dans son ensemble ».
M. Kaberuka a en outre déclaré que la résolution de la crise a ouvert la voie à "notre retour au siège, lorsque les conditions, les services et les installations le permettront».
Il a également promis le soutien de la Banque au pays sur le "long chemin vers la réconciliation nationale et la reconstruction. Nous savons parfaitement que la tâche n'est pas aisée, et nous sommes prêts à jouer pleinement notre rôle, ensemble avec la communauté internationale".
Il a aussi indiqué que les conseils d'administration de la BAD avaient approuvé la semaine dernière l'appui budgétaire d'urgence de 130 millions de dollars à la Côte d'Ivoire, et que les fonds seraient à décaissement rapide.
M. Kaberuka a ensuite abordé la question de la Tunisie, affirmant que le peuple tunisien a toujours soutenu la Banque au cours des huit années de sa relocalisation temporaire dans le pays.
Pour la BAD, 2010 a été une «année de succès quoique tourmentée". La Banque a affiché une bonne santé financière et a réalisé une performance solide, malgré les turbulences de la révolution tunisienne et ses conséquences. Il a noté que très peu d'institutions d'importance internationale avaient vécu une situation comme celle que la BAD a connue, aussi bien à son siège social qu'à son agence de relocalisation temporaire.
Au cours des trois années précédentes, il a fait remarquer que la Banque a fait ses preuves, en ayant réagi avec rapidité et efficacité, en particulier lors de la crise financière et économique internationale, mais que maintenant il était temps de revenir au niveau antérieur d'opérations et à sa mission traditionnelle.
La BAD a maintenant à répondre aux nouveaux défis - le mécontentement et les troubles en Afrique du Nord et, plus récemment en Afrique sub-saharienne, avec son mélange explosif fait de chômage des jeunes, d'exclusion économique et sociale , et d'absence d'une véritable démocratie et de gouvernement imputable. "La flambée des prix des denrées alimentaires" est venue s'ajouter à cette combinaison inquiétante.
Avec les nouveaux réseaux sociaux disséminés un peu partout maintenant, a dit M. Kaberuka, les jeunes sont conscients de leur manque d'opportunités, de liberté et d'espoir.
En ce qui concerne l'état de l'Afrique, M. Kaberuka a déclaré que plusieurs rapports économiques ont conclu qu'il y avait un nouvel élan économique sur le continent. "L'Afrique a rebondi après la crise financière mondiale, meurtrie, mais en bonne forme», a-t-il souligné.
Toutefois, a t-il poursuivi, les filets amortisseurs qui l'ont aidé à surmonter la crise financière se sont amoindris, et maintenant il y a le problème de l'inflation galopante des prix alimentaires.
Il existe également des contraintes sur la capacité de l'Afrique à se développer. Une contrainte majeure, a-t-il précisé, a été le manque de disponibilité en énergie qui limite la capacité du continent à créer de la richesse et de l'emploi.
Néanmoins, a-t-il relevé : "Nous demeurons très optimistes quant aux perspectives de l'économie africaine, à condition que l'environnement international ne s'aggrave pas". Les économies africaines devraient connaître une croissance entre 5,6 et 6 pour cent par an.
Toutefois, M. Kaberuka a soutenu que, pour sortir plus de personnes de la pauvreté et rendre durables les acquis sociaux, une croissance soutenue est nécessaire. Dans les conditions actuelles de l'Afrique, la "barre minimum" de taux de croissance pour ces maintenir les acquis est de sept pour cent.
Par voie de conséquence, l'Afrique devait se concentrer sur ce que sont les principaux moteurs de la croissance. Ce sont, rappelle-t-il, les infrastructures, les transports, l'énergie et la connectivité. Sans des progrès dans ces domaines, les pays africains stagneront sur le chemin de croissance et l'intégration.
Mais la croissance économique à elle seule ne suffit pas. La réalité a montré qu'une croissance économique qui n'est pas équitable ou à grande échelle ne créé pas des emplois durables ou des opportunités pour les jeunes et pour les femmes, a-t-il précisé.
M. Kaberuka a parlé de l'explosion du nombre de diplômés sans emploi en Afrique. Il a reconnu qu'il n'y avait pas de réponses simples, mais que la Banque traitera le sujet dans son ensemble et les implications pour ses propres activités.
Les jeunes, a-t-il poursuivi, ont protesté pour des emplois et des opportunités, et le malaise ne porte pas seulement sur «le pain et du beurre», mais aussi sur les libertés, les possibilités de vie meilleure et la manière dont ils sont gouvernés. Les jeunes s'interrogent aussi sur le leadership de leurs dirigeants.
Le point de départ pour une croissance inclusive est clair : des institutions responsables, et le président de la BAD a identifié les domaines prioritaires pour stimuler une croissance inclusive.
Il s'agit notamment d'aider les petits agriculteurs, dont beaucoup sont des femmes, en soutenant les petites et moyennes entreprises générant des emplois, et en fournissant une éducation de qualité, un accès à l'eau potable et à l'assainissement, l'égalité de genre; des revenus pour les familles vulnérables aux chocs économiques; un gouvernement qui est plus près des gens qu'il dessert. Il s'agit d'autre part de prendre des mesures contre la corruption, qui est une « taxe sur les pauvres»; de maximiser l'usage des transferts des migrants pour l'Afrique, qui se situent actuellement à 40 milliards de dollars par an, et de lutter contre le syndrome hollandais.
Ce sont là des domaines, a affirmé M. Kaberuka, où la BAD a une grande expérience. Il a à ce titre décrit des voies par lesquelles la stratégie de la BAD pourrait contribuer à apporter des solutions à ces défis pressants.
Pour l'heure, plusieurs familles qui sont sujettes à des chocs vivent avec plus de deux dollars par jour, mais peuvent retomber dans la pauvreté- la « pauvreté flottante ». Pour ces familles, M.Kaberuka a affirmé: «A travers notre politique axée sur les prêts, nous allons identifier des moyens efficaces pour appuyer les programmes au niveau national, dans les sous-régions, les provinces, les municipalités, plus proches des populations.
Le président Kaberuka est revenu sur l'état d'avancement des engagements pris en suite à l'approbation, aux assemblées annuelles de 2009 à Abidjan, d'une augmentation générale de capital, et une «généreuse reconstitution du Fonds africain de développement ».
La Banque a conçu un projet de politique portant sur sa politique de divulgation de l'information. Le document est sur le site web de la Banque. A ce sujet, il a indiqué que la BAD accueille volontiers tous les commentaires sur le document.
Un autre engagement était l'exercice d'imputabilité institutionnelle, impliquant à la fois l'enquête sur les clients et l'enquête sur le personnel.
La politique sur la décentralisation est en cours, avec une équipe déjà en place pour implanter la feuille de route approuvée à ce sujet et assurer son implantation efficace.
M.Kaberuka a confirmé que la révision du Modèle de revenus de la Banque, qui vise à assurer une résistance aux imprévus, est en place.
La Banque a aussi été engagée à mener plus d'opérations du secteur privé dans les États fragiles et à faible revenu, a-t-il déclaré. «Je confirme que, dans le cadre de notre système de gestion du risque, nous seront en mesure d'accroitre notre activité dans les pays à faible revenu en conformité avec les principes de saine gestion».
Abordant la problématique du changement climatique, il a déclaré que la Conférence de Durban sera une bonne opportunité pour signaler clairement que les problèmes particuliers du continent dans ce domaine.
Par exemple, il sera question de la conclusion de l'accord de Cancun de 2009 pour établir le Fonds vert sur le climat.
Pour l'Afrique, l'enjeu est de trouver un mécanisme de financement pour traiter des spécificités du continent, soit la protection des forêts, l'énergie propre, les États fragiles et les petites économies insulaires.
M. Kaberuka a noté que l'Afrique n'a pas reçu sa juste part en matière de financement du climat. Au cours des quatre dernières années, le continent n'a reçu que 12 pourcent des fonds déboursés dans le monde.
A propos du Sud-Soudan, il a dit que la Banque était prête à accueillir le pays parmi ses pays membres régionaux. Il a dit : «Nous devrons travailler ensemble pour aider ce nouvel État africain à partir du bon pied ».
Enfin, sur la question de la Somalie, le président a dit : «La tragédie en Somalie a assez duré, signalant que la Banque est prête à aider ce pays quand il sera prêt pour sa longue marche vers la reconstruction.