Les récentes sécheresses en Afrique de l'Est, qui affectent déjà directement 10 millions de personnes en Ethiopie, au Kenya, et en Somalie, nous rappellent à une réalité des plus pressantes du continent africain : l'Afrique est le continent le plus vulnérable au changement climatique. C'est pourquoi cet enjeu est devenu une priorité du développement du continent, car il menace d'éradiquer les gains socio-économiques importants réalisés par les pays africains depuis une décennie. Plus que jamais, le changement climatique doit être géré de front, avec des stratégies et des programmes qui permettent à la fois de mitiger les effets du ce phénomène, mais aussi de s'y adapter, voire d'en tirer des avantages.
Les défis pour l'Afrique en changement climatique
Les deux tiers du continent africain est aride ou semi-aride. L'une des conséquences prévues est l'accroissement du nombre et de l'intensité des sécheresses et inondations. En matière d'eau, le continent ne possède que 9% des ressources mondiales en eau. De plus, cette ressource est mal distribuée et les capacités de rétention de l'eau via des barrages est largement sous-développées : elle se situe à 200 mètres cube/personne/an en Afrique comparé à 5 961 m cubes/personne/an en Amérique du Nord. Les experts estiment une crise d'accès aux ressources hydriques en Afrique en 2020, notamment en Afrique du Nord.
En matière d'agriculture, les dangers du changement climatique sont particulièrement élevés en Afrique. Le secteur agricole contribue pour 30% du PNB africain et emploie 70% de la main-d'oeuvre. Comme seulement 5% des terres sont irriguées, le secteur subira de forts impacts de baisse de productivité si des mesures d'adaptation ne sont pas rapidement mises en place.
En matière d'énergie, même si le continent est bien pourvue en ressources, le niveau d'accès à l'énergie reste très faible. Plus de 75% de la population sub-saharienne n'ont pas accès à l'électricité.
Et quand elle est disponible, sa fiabilité et son coût ne sont pas au rendez-vous. La plupart des entreprises africaines soulignent l'accès à une énergie fiable et à prix compétitive est le facteur numéro un pouvant favoriser le plus leur expansion.
De manière plus générale, le changement climatique, avec ses risques de migrations de population et de hausse de probabilité de transmission de maladies, devrait donc affecter les populations les plus démunies, accroissant déjà leur fragilité.
Plus que jamais donc, l'Afrique doit saisir au corps ce défi pour s'engager dans la voie du développement pro-climat.
Comment y arriver ?
Comme des financements se mettent en place pour répondre au changement climatique, ce phénomène peut aussi offrir de nouvelles voies de développement pour le continent, en gestion des ressources naturelles, en énergie renouvelables, en efficacité énergétique. Notamment en matière d'énergie, le continent dispose de toutes les formes d'énergie renouvelable: il a des ressources en eau (par exemple, le site d'Inga en RDC), en vent, en biomasse, en solaire.
Pour l'Afrique donc, il est plus que jamais temps de développer ce potentiel immense d'énergies renouvelables, peu émettrices de gaz à effet de serre. C'est pourquoi la Banque propose une nouvelle stratégie dans le secteur énergétique qui met l'accent sur l'élargissement de l'accès et encourage les investissements massifs dans l'énergie propre. Le développement des énergies renouvelables pourrait être le pilier central du développement accéléré du continent, celui permettant la création de PMEs, l'expansion du secteur agricole, l'amélioration de la compétitivité, l'innovation, le développement des emplois. Les technologies en la matière sont mieux maitrisées, plus fiables, moins dispendieuses que par le passé.
Un Fonds vert pour l'Afrique
Avec une croissance prenant appui sur une énergie à faible carbone et propre, l'Afrique suscitera plus que jamais l'intérêt et la participation des bailleurs de fonds et des investisseurs privés.
A cette fin, la BAD propose la création d'un fonds spécial, le Fonds vert pour l'Afrique, en tant que mécanisme de financement pour s'attaquer aux besoins de croissance à faible carbone du continent, y compris la mise en valeur de son potentiel d'énergie propre.
Le fonds serait essentiellement financé par les ressources allouées à l'Afrique dans le cadre des financement internationaux qui se mettent en place. L'installation de ce fonds en Afrique ne pourrait que renforcer l'appropriation de ses ressources par les pays africains et leur plus grande participation au processus de prise de décisions concernant l'utilisation effective des fonds.
En disposant d'un tel outil financier, le continent pourrait cheminer de manière plus autonome vers une croissance verte et affirmer d'autant sa contribution concrète à la résolution d'un des enjeux les plus importants de notre temps.
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Yvan Cliche