M. Mthuli Ncube, économiste en chef de la BAD a présidé, mercredi dans la capitale éthiopienne, la deuxième séance plénière de la Conférence économique africaine, sur le thème : Croissance durable en Afrique du Nord - quelles leçons pour le continent ?
Devant plus de 400 personnes, comprenant des économistes, décideurs politiques, journalistes et représentants de la société civile, M. Ncube a, au nom du président Donald Kaberuka, fait un bref exposé sur la situation socioéconomique des pays du Maghreb (Egypte, Maroc, Algérie, Tunisie et Libye).
Il s'est félicité des efforts consentis par le Groupe de la Banque, depuis la révolte des jeunes, pour aider à juguler la crise. «La BAD a investi dans des programmes inclusifs, et dispose de 42% de son portefeuille dans la région», a-t-il souligné.
Il ne fait aucun doute que la réalisation d'une croissance durable, est indissociable avec la bonne gouvernance. Mais pourquoi n'a-t-on pas vu venir la révolte ? Comment en est-on arrivé à un taux de chômage aussi élevé en Tunisie ? Comment réaliser une véritable intégration du Maghreb avec l'Afrique au Sud du Sahara ? Y a-t-il, à moyen ou long terme, possibilité de contagion des pays au Sud du Sahara ? Ces questions ont été soulevées, pour enrichir les débats.
«La révolution a surpris tout le monde, y compris les dirigeants politiques», a admis l'ancien premier ministre d'Algérie, Sid Ahmed Ghozali. Les politiques, a-t-il expliqué, avaient tourné dos à la bonne gouvernance, s'illustrant dans la gabegie, la corruption et le pillage systématique des ressources naturelles. «Nous étions déconnectés de la réalité... Les pouvoirs avaient tourné dos au peuple et il y avait beaucoup de difficulté à passer à l'Etat de droit,» s'est-il exclamé.
M. Ghozali en a appelé à la responsabilité, l'union et à la solidarité des pays du Maghreb et l'occident, pour amorcer un partenariat gagnant-gagnant. Il dit : «L'Afrique, jadis, berceau de l'humanité, pourrait devenir le berceau de la renaissance de l'humanité... Ce continent dispose de toutes les opportunités et des richesses naturelles et humaines, susceptibles d'aider l'occident à rebondir».
Abondant dans le même sens, le professeur à London School of Economics, Diederik Vanderwalle a déclaré: «Le système centralisé dominé par une idéologie, des frustrations de la population et l'absence d'institutions modernes et d'une véritable société civile, est à la base de la guerre civile en Libye». Il note aussi qu'une minorité de Libyens a contrôlé pendant longtemps, le système éducatif, d'où le niveau élevé des chômeurs et de sans-emploi.
Pour Mme Ouided Bouchamaoui, présidente de l'union tunisienne de l'industrie et du commerce, «le chômage des jeunes, qui s'élève à 20 pourcent dans mon pays, est dû à l'inadéquation entre la formation et l'emploi ». «Les révoltes dans nos pays visaient à dénoncer les inégalités et à réclamer des avantages sociaux,» a-t-elle affirmé.
Faisant écho des inégalités sociales, Brice Lalonde, sous-secrétaire général et coordinateur de Rio+20, a noté que les inégalités sont très fortes dans les pays développés aussi. Il invite à la création d'un Maghreb s'intégrant mieux à ses voisins du Sud.
Des menaces de contagion pèsent sur les pays, qui n'ont pas d'autre choix que de mener une lutte contre la corruption, la défaillance des systèmes politiques, en vue d'amorcer une croissance durable dans le continent.
M. Ncube a expliqué que la région dispose d'énormes potentialités. «De nouvelles stratégies doivent être conçues, visant à renforcer le système éducatif, la démocratie et l'État de droit... Nous avons besoin de nous ouvrir au secteur privé, favoriser la création d'emplois, pour une croissance inclusive».
Pour sa part, un journaliste a commenté : «Nous ne devons pas attendre un bain de sang dans nos pays, pour amorcer le changement.»