En visite à la Banque, les 12 et 13 janvier 2012, dans le cadre de la mobilisation des ressources pour l'Initiative pour l'alimentation en eau et l'assainissement en milieu rural et la Facilité africaine de l'eau, Michel Camdessus, a déclaré : «Nous devons passer à une stratégie dont l'Afrique prenne la responsabilité et qui soit déterminée par la demande et non plus par l'offre éventuelle des donateurs, pour chercher les fonds et les allouer le plus efficacement possible à l'eau et l'assainissement et au changement climatique.»
Que pouvons-nous retenir de vos discussions avec le président de la BAD, Donald Kaberuka ?
Michel Camdessus : Je retiens d'abord la grande satisfaction d'avoir rencontré un vieil ami et aussi une convergence complète sur la manière dont le président et moi voyons, non seulement les missions de la banque aujourd'hui, les problèmes auxquels il faut répondre, mais plus que jamais à plus long terme, à un moment où l'inclusion des plus pauvres dans la société et le changement climatique doivent être traitées par une institution qui a déjà démontré son savoir-faire dans ce domaine.
Pourquoi continuez-vous à travailler pour l'eau alors que vous avez déjà beaucoup et longuement travaillé pour l'Afrique ?
J'ai essayé de travailler pour l'Afrique depuis longtemps en effet. Chaque fois que je me réveille le matin, je me dis que depuis plusieurs heures, il y a sur tous les sentiers sinueux d'Afrique, des femmes et des jeunes filles, qui, au lieu d'aller à l'école se hâtent pour aller chercher de l'eau, en courant tous les dangers. Je pense que je ne peux pas me résigner à cela.
Je pense que si j'ai encore un peu de crédibilité et d'énergie, je dois la consacrer à une institution dans le monde qui est véritablement centrée sur la réalisation des objectifs du millénaire, consistant à régler dans le long terme, les problèmes d'accès à l'eau et son assainissement, puisque nous savons malheureusement que la moitié des lits d'hôpitaux en Afrique sont remplis de personnes qui souffrent, pour avoir consommé de l'eau non potable. Voilà pourquoi, j'essaie de convaincre les donateurs qu'il y a encore un grand chantier au service de l'humanité. C'est la raison pour laquelle je travaille sur l'eau et j'essaie de convaincre tous les donateurs potentiels qu'il y a encore là un grand chantier au service de l'humanité, et de ce qu'il y a de plus essentiel dans la politique de développement.
Pensez-vous que la communauté internationale est suffisamment sensibilisée pour comprendre la nécessité d'investir dans l'eau et l'assainissement ?
Pour peu qu'on soit mis en présence de l'ampleur de ce problème, on parviendra à mobiliser les énergies. Ce que j'observe depuis quatre mois que je travaille intensément sur ce sujet avec la BAD, c'est qu'on peut , non seulement arriver à convaincre les pays avancés, mais de plus en plus les pays africains, de prendre en main ce problème et de se mobiliser pour le résoudre. Et un des points que j'ai discuté avec le président Kaberuka et sur lequel il me semble tout à fait d'accord, ainsi que les administrateurs de la Banque que je rencontre, c'est que nous ne pouvons plus nous contenter maintenant d'une stratégie d'accès à l'eau, d'assainissement, d'inclusion, d'adaptation climatique, seulement déterminée par l'offre de financement des donateurs. Mais nous devons passer à une stratégie dont l'Afrique prenne la responsabilité ; une stratégie déterminée par la demande et non plus par l'offre éventuelle des donateurs, et à partir de là, si nous mettons le continent africain en responsabilité, pour chercher les fonds et les allouer le plus efficacement possible, pour l'accès à l'eau et son assainissement, pour le combat contre le changement climatique, si l'on va de ce que les Anglo-saxons appellent une «Supply driven strategy» à une «Demand driven strategy», on change les données du problème et on se rend compte qu'on peut trouver beaucoup plus de ressources et une plus grande efficacité dans la mise en oeuvre de ces politiques.
J'observe avec plaisir qu'un certain nombre de pays africains, un peu plus économiquement en meilleure position que d'autres, sont déjà prêts à être à la fois, contributeurs à ces facilités, quitte à recevoir du financement de ces dernières. Ils recevront d'autant plus de financement que l'exemple qu'ils donneront eux-mêmes en contribuant au financement de ces facilités, amènera les apporteurs d'aide traditionnels à mieux faire leur devoir que par le passé. Et pour cette raison, j'ai l'espoir que nos efforts culmineront, d'abord au cours du forum de Marseille auquel la présentation de la Banque sera essentielle pour fédérer les initiatives et les soutiens, et qu'au cours des prochaines années nous verrons beaucoup plus de pays africains prendre la tête de cette stratégie et y contribuer avec leurs propres ressources.
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Aristide Ahouassou