Kinshasa — Avec près de 70 pour cent des 68 millions d'habitants de la République démocratique du Congo considérés par les Nations unies comme sous-alimentés, l'amélioration de la production agricole est essentielle pour le bien-être des Congolais. Trente-huit pour cent des enfants ont un retard de croissance à cause de la malnutrition.
En dépit de sa bonne pluviométrie et de riches potentiels agricoles, le pays exploite seulement deux pour cent de ses terres arables et de ses pâturages. Aussi grand que l'Europe de l'Ouest, il a le potentiel pour produire suffisamment de vivres pour nourrir presque toute l'Afrique sub-saharienne. Le secteur agricole emploie près de 40 pour cent de la population active, mais n'assure seulement que six pour cent du produit intérieur brut et environ deux pour cent des exportations.
Exportateur de produits alimentaires avant son indépendance en 1960, le Congo importe maintenant des vivres et la plupart de ses agriculteurs se battent pour survivre. Dans les zones urbaines, les résidents plantent du maïs et du manioc le long des routes et des fossés. La production agricole augmente de deux pour cent par an, mais ce n'est pas suffisant pour couvrir les besoins de la population qui a un taux de croissance de trois pour cent. Le Congo était jadis le premier producteur de manioc en Afrique sub-saharienne, la principale denrée alimentaire de la région, mais sa production a diminué au détriment du secteur minier. Parmi ses autres produits agricoles figurent le café, le sucre, l'huile de palme, le caoutchouc, le thé et la banane. Même si le Congo produisait plus de nourriture, il aurait de véritables problèmes pour l'acheminer vers les marchés à cause du mauvais état des infrastructures.
La revalorisation de l'agriculture est maintenant en cours, après des décennies de négligence et des années de guerre. Mais, selon les analystes, la bonne gouvernance sera la principale clé du succès du secteur et du maintien de la bonne volonté des donateurs qui ont fourni des prêts et de l'expertise.
Au cours d'une récente visite à Kinshasa, Cindy Shiner d'AllAfrica s'est entretenu avec le coordonnateur du projet sur le manioc de l'Institut international d'agriculture tropicale (IITA), Nzola Mahungu. Il parle du projet qui est financé par l'USAID et la Banque africaine de développement, ainsi que du projet maïs en collaboration avec la Fondation internationale du maïs, en Corée du Sud. L'IITA supervise également un autre projet dans l'Est du Congo axé sur la gestion des ressources naturelles, sur la manière de maintenir la bonne fertilité des sols et une bonne production agricole, avec le soutien de la Fondation Bill et Melinda Gates.
Quelle est la situation de la sécurité alimentaire au Congo ?
La situation de la sécurité alimentaire au Congo est un peu mitigée. Elle est bonne et stable dans certaines villes principales et certaines zones rurales, mais elle n'est pas très bonne à d'autres endroits à cause de la sécheresse et de la guerre civile.
Le Congo exportait des produits alimentaires avant son indépendance et a de grandes potentialités agricoles. Cependant, il en importe maintenant beaucoup.
Cela est dû à plusieurs facteurs. L'une des raisons est la politique agricole du gouvernement. Les efforts étaient principalement menés sur les produits d'exportation, tels que le café et le caoutchouc, mais moins sur la culture vivrière. Et avec moins de soutien à la recherche pour fournir de nouvelles variétés, cela a négativement influé sur la disponibilité de ces cultures.
Avec l'arrivé de l'IITA, nous avons essayé de sauver la production du manioc. En 1990, le Congo était le premier producteur de manioc en Afrique. La production a chuté de 20 millions [de tonnes] à 15 millions. Ainsi, en 2000, le gouvernement a fait appel à l'IITA, et avec un financement de l'USAID, nous avons essayé de freiner la tendance à la baisse pour stabiliser la production. Maintenant, elle se relance et nous sommes à environ 16 millions de tonnes par an.
Parlant de la politique agricole du gouvernement, maintenant il y a une réforme dont le Congo va tirer profit ?
Oui, il y a une nouvelle loi qui, je pense, sera mise en application d'ici à juin ou juillet. [Le gouvernement] travaille avec des collègues de [l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires] IFPRI et d'autres donateurs pour voir comment améliorer la sécurité alimentaire au Congo.
Que dit la loi ?
Elle porte sur la gestion de la terre, sur la manière d'accéder à la terre, sur ce que doit être la participation du secteur privé, sur la politique concernant les semences, sur la politique de soutien à la recherche, etc. Elle est assez complète, mais son application sera une autre paire de manche.
Une partie de la loi porte sur la limitation de la propriété des terres congolaises par des compagnies étrangères qui gèrent de grandes plantations.Ceci a soulevé une controverse. Avec une bonne planification, il y a assez de terre pour tout le monde. Avant d'ouvrir de nouvelles terres, il y avait de grands domaines de palmiers à huile, de caoutchouc, etc. Leur simple réhabilitation fera la différence. Le Congo utilise environ 2,5 millions d'hectares pour le manioc. Leur bonne gestion et leur maintien, accompagnés d'une bonne gestion des ressources, feront augmenter la production.
Je ne vois pas de problème avec l'arrivée de nouvelles personnes. Celles-ci peuvent assurément ouvrir de nouvelles terres car nous avons assez de terres.Avec une bonne exploitation, nous pouvons avoir un partenariat gagnant-gagnant qui conservera nos terres et donnera aussi bien plus de produits agricoles d'exportation que de produits viviers.
Comment le Congolais moyen peut-il tirer profit des grands projets ?
Je pense que le bénéfice est double. D'abord ça va créer des emplois. Avec le revenu qu'il va gagner de ce travail, le Congolais moyen pourra améliorer ses moyens de subsistance et acheter des entrants pour sa propre ferme. Il pourra ainsi améliorer la culture vivrière et la productivité sur ses propres terre.
Comment fonctionne le projet sur le manioc ?
Le projet sur le manioc se concrétise par des étapes. Nous développons des technologies, de nouvelles variétés qui peuvent résister à la maladie et aux insectes nuisibles, pour avoir de hauts rendements et des qualités nutritionnelles telles que la vitamine A et des protéines contenues dans les feuilles. Si vous allez au marché, ici vous verrez que plus de 70 pour cent des Congolais consomment des racines de manioc, sous forme de fufu. Ils utilisent aussi les feuilles de manioc comme leur principale légume et cela tout au long de l'année. Nous travaillons avec des partenaires pour transformer le manioc en assurant une bonne production de qualité et une norme acceptable pour la consommation et l'usage industriel.
Nous avons des reproducteurs et des entomologistes, etc., qui peuvent développer des technologies pour les variétés. Nous développons des machines de traitement que nous donnons aux artisans locaux pour faire de la transformation. Nous travaillons avec des décideurs politiques sur la manière de stimuler la commercialisation du manioc et faisons des études d'impact.
Avez quelque chose à ajouter ?
Nous ne devons pas travailler en solitaire. Nous aimerions que tous les partenaires, dont le gouvernement, les bailleurs étrangers, l'IITA et d'autres instituts de recherche, travaillent ensemble et ne se focalisent pas sur un seul produit agricole. Le Congo est très riche en zones agricoles et a beaucoup de villes. Nous avons une population de près de 70 millions d'habitants et devons travailler dur pour maintenir la sécurité alimentaire dans ce pays.