Le problème de la déclaration des enfants à la naissance se résout au fil des ans au Sénégal. Par ailleurs, les bonnes performances enregistrées cachent mal les poches de résistance. Douze candidats n’ayant pas de date et lieu de naissance ne figurent pas dans la base des examens et concours. Ce qui remet sur la table le caractère des problèmes liés à l’état civil dans la gestion en amont comme en aval des examens et concours.
Des enfants sénégalais risquent de payer pour la négligence de leurs parents à ne pas déclarer leur naissance sur les services d’état civil. Après six ans dans le cursus scolaire, des candidats au concours d’entrée en sixième risquaient de rater ce premier test à cause d’un défaut de pièce d’état civil. Ainsi, réside toujours la lancinante question de l’état civil en milieu scolaire.
Le Directeur des Examens et Concours, M. Amadou Moctar Ndiaye, en conférence de presse, le mardi 30 juin 2015 à Dakar, informe qu’à cette date, « nous avons enregistré 251 152 candidats sur un total de 251 164 candidats attendus, soit un écart de 12 candidats encore non identifiés contre 243 948 pour la session de 2014 ». Ce qui donne une évolution de 2.95.
Ces résultats découlent d’une campagne de mobilisation lancée par le Ministre de l’éducation national, M. Serigne Mbaye Thiam lors de la semaine de l’école de base, le lundi 1er juin 2015 à Kédougou. Un événement qui s’est déroulé sous le thème : « La pièce d’état civil : un droit pour l’enfant, un devoir pour les communautés et les collectivités locales ».
Lors de l’organisation du CFEE/Entrée en 6ème de l’année 2014, informe le Directeur des Examens et Concours, près de 600 candidats de l’Inspection d’académie de Kolda couraient le risque d’être laissés en rade. Ceci, parce que ne disposant pas d’un extrait ou d’un bulletin de naissance en bonne et due forme pour s’inscrire régulièrement à ces examens et concours.
A en croire M. Amadou Moctar Ndiaye, à la date du jeudi 28 mai 2015, les statistiques montraient que pour le CFEE/Entrée en 6ème qui a débuté ce mercredi 1er juillet, sur 251 164 inscrits, 52 110 ne détenaient pas de pièce d’état civil. Pour le BFEM, à la même date, le nombre de candidats sans pièce d’état civil s’élevait à 1 130.
Pour sécuriser les examens, le Ministère de l’Education nationale utilise un logiciel qui, tant que le candidat n’a pas une date de naissance, ne peut pas figurer dans la base de données. Ce qui garantie une visibilité et une traçabilité au niveau des statistiques.
Entre autres facteurs explicatifs, les autorités sénégalaises pointent du doigt un problème d’encrage culturel. « On peut trouver une stratégie par un système de gestion de proximité des naissances à l’image des centres d’état-civil qui sont délégués par les communes pour les déclarations de naissance ». A cela s’ajoute l’expérience des campagnes de vaccination avec les systèmes de parrainage par les élèves eux-mêmes.
Le Directeur des Examens et Concours pense que : « on gagnerait à sortir de cet encrage qui s’est sédimenté dans nos pratiques pour régler la question de l’état-civil car beaucoup d’écoles d’excellence comme le Prytanie militaire de Saint-Louis refusent l’accès avec des jugements supplétifs. Le même blocus est également relevé en cas de concours où l’on exige du candidat un bulletin de naissance authentique ».
Médina Yoro Foulah, un cas d’école
Médina Yoro Foulah est l'un des 45 départements du Sénégal. Réputé pour son éloignement, son environnement "impropice", il est situé dans la région de Kolda, en Casamance, le long de la frontière avec la Gambie. Malgré son caractère enclavement, cette localité a pu réussir à doter tous ses candidats à l’examen de pièce d’état civil. Moussa Diop, responsable au bureau Unicef de Dakar estime que cet état de fait est la grande contradiction quand on fait le tour du pays.
« Cette zone très démunie a réussi à travailler avec les partenaires sur place, l’administration, l’Unicef pour arriver à résoudre le problème de l’état civil. C’est un travail de longue haleine déroulé sur tout le cycle. Ce qui montre qu’il est bien possible d’y arriver dans les années à venir si tout le monde s’engage », a-t-il martelé.
Pour lui, asseoir une bonne synergie dans les différentes administrations et les partenaires du ministère de l’éducation, permettrait d’arriver à régulariser l’ensemble des élèves qui sont dans le système éducatif. « On ne peut pas laisser un élève dans le système pendant six ans pour ensuite constater à la veille d’un examen qu’il n’a pas pièce d’état-civil. On ne peut pas avoir un bon système si on ne rationalise pas la base de donnée qui commence par l’état-civil ».
M. Diop pense ainsi que le plaidoyer à retenir c’est qu’au delà des efforts consentis par l’Etat et ses partenaires, de retenir l’importance de la responsabilité parentale.
Le département de Médina Yoro Foulah se distingue par sa stratégie mise en place. Au niveau de son Inspection d’académie, il y a un enseignant détaché qui s’occupe spécialement de l’état-civil. Ce dernier est chargé de parcourir tout le département pour tenir des réunions avec les parents d’élèves, sensibiliser les enseignants et les directeurs d’école ou les tenants des classes d’examen.
Des systèmes de check point avant l’arrivée de l'élève en classe d’examen
L’expérience de Médina Yoro Foulah sera démultipliée. Le Directeur des Examens et Concours, M. Amadou Moctar Ndiaye qui l’a confié appelle, par ailleurs, à la conscientisation des Sénégalais sur l’état civil qui est devenu un problème national. Le ministère de l’éducation est en train de faire tout son possible, de concert avec les autres départements ministériels concernés, pour régler ce problème. « Etant dans une dynamique de recherche action, il serait bon qu’après cette campagne de sensibilisation de capitaliser l’ensemble des expériences acquises sur le terrain, de les partager avec les Inspections d’Académie et les IF pour qu’elles puissent porter l’exemple de Médina Yoro Foulah ».
L’administration scolaire est conviée à mettre en place un dispositif qui permettrait d’assurer le suivi. Il sera question de trouver des stratégies permettant de procéder à des systèmes de check point consistant à inclure à travers une logique participative les comités de gestion des écoles installées par décret et qui doivent faciliter le traitement des dossiers liés à l’état-civil.
De l’avis de M. Ndiaye, « s’il y a quelqu’un qui a intérêt à stabiliser ces statistiques c’est l’Etat à travers le ministère de l’éducation nationale. Une absence de maîtrise des statistiques conduit à une conjecture ou des projections dont vous n’avez aucune maitrise de la valeur des chiffres ».