Le 12 novembre 2008 a marqué un moment charnière dans l'histoire du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) et du mandat de son 7e président élu, Donald Kaberuka. Ce jour-là, la Banque a pu tester avec succès sa capacité à rassembler, en œuvrant à dégager un consensus sur la manière de répondre à l'impact de la crise financière mondiale sur les économies africaines.
À Tunis, malgré une météo hivernale et morne, un véritable sentiment d'urgence prévalait parmi les représentants réunis - ministres des Finances surtout - à l'hôtel Ramada Plaza de Gammarth, située en périphérie de la capitale tunisienne. Les participants étaient principalement soucieux de la nécessité de trouver des moyens de protéger les marchés financiers africains d'une crise comme surgie de nulle part. Une crise annoncée, en octobre 2008, par la chute du géant financier américain Lehman Brothers et par la perte sans précédent de quelque 10 000 milliards de dollars américains de capitalisation boursière sur les marchés internationaux.
C'est dans cette atmosphère particulière et fiévreuse d'incertitudes qu'est alors arrivé Donald Kaberuka, sous l'égide duquel se tenait cette réunion, le bras gauche bandé et en écharpe. Victime d'un léger accident, le président de la BAD a rassuré les personnes présentes et entériné la tenue de cette réunion importante.
La suite appartient maintenant à l'histoire : le Comité des dix ministres africains des Finances et des gouverneurs de banque centrale a été créé pour répondre à la crise financière. Et la BAD a, de son côté, lancé de solides programmes d'urgence pour atténuer l'impact de la crise sur certains des États membres régionaux affectés.
« Peu importe si votre stratégie est bien pensée, a déclaré récemment Donald Kaberuka, en se remémorant l'événement. Le fait est que vous devez aussi à tout moment être prêt à répondre aux chocs et aux crises externes. » Et d'ajouter : « Dans mon cas, ça a été la crise financière mondiale, nous avons donc mis en place une réponse contracyclique puissante, en fournissant des liquidités et un financement du commerce, et en suivant certains projets précis pour en contenir l'impact sur le continent africain. Nous avons augmenté les opérations d'appui budgétaire -- l'opération la plus importante a été un prêt de 1,6 milliard de dollars au Botswana, où les prix du diamant s'étaient effondrés », a-t-il précisé.
Certains pays africains se sont remis de la crise, surtout grâce au soutien - matériel et en termes d'expertise - de la Banque, qui les ai aidés à temps et de façon appropriée. Les interventions de la BAD ont aussi démontré sa capacité à stimuler la croissance phénoménale que connaît le continent depuis le début du millénaire. Aussi n'est-il plus possible d'ignorer le rôle de la Banque africaine de développement dans le paysage international du financement du développement.
Nelson Mandela a défini la notion de leadership comme le fait de « se placer sur la ligne de front en situation de danger ». Pour l'ancien secrétaire d'État américain Colin Powell, le leadership consistait en la capacité à « résoudre des problèmes ».
Au cours de son double mandat à la Banque, M. Kaberuka a incarné ces deux définitions du leadership. Il s'est attaqué à la crise de l'épidémie d'Ébola qui a frappé la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone l'année dernière, à la façon d'un général d'armée. La Banque a su réagir rapidement et apporter une aide appropriée quand il le fallait. Faisant fi de l'avis contraire des médecins, Donald Kaberuka a aussi pris le risque de se rendre dans les pays affectés, pour évaluer la situation sur le terrain par lui-même et ainsi prendre des décisions mieux éclairées.
Le Conseil des gouverneurs de la Banque a fait d'ailleurs mention de cette intervention dans son communiqué final, lors des Assemblées annuelles de 2015, à Abidjan : « Nous saluons le Groupe de la Banque pour son rôle de premier plan et sa prompte réaction face à l'épidémie de la maladie à virus Ébola qui a touché certaines zones de l'Afrique de l'Ouest, en particulier la mobilisation rapide d'un financement d'urgence pour appuyer les traitements et la lutte contre le virus ».
La Banque a aussi bénéficié du leadership efficace de son président lorsqu'elle a traversé des périodes mouvementées : son déménagement à Tunis en 2003, la crise financière mondiale de 2008, le "Printemps arabe" en 2011, ainsi que la crise de l'Ebola et les nombreux conflits que connaissent les États membres régionaux de l'institution. Pourtant, malgré toutes ces épreuves endurées, celle-ci a su conserver sa notation triple A, ainsi que de bonnes réserves de fonds et un capital libéré de 9,7 milliards de dollars EU. En outre, l'institution a doublé son portefeuille en l'espace de dix ans, grâce à des investissements dans le secteur privé qui ont décuplé, passés de 20 milliards de dollars EU par an à 200 milliards de dollars EU. Sur la même période, les projets et les programmes en matière d'infrastructures de la Banque ont représenté un montant de 28 milliards de dollars EU, dont la moitié a été investie dans le secteur de l'énergie.
Le communiqué des Gouverneurs concernant ces réalisations est lui aussi sans équivoque : « Nous saluons M. Donald Kaberuka [...] pour son leadership inspirant et visionnaire, qui a fait du Groupe de la Banque la première institution financière d'Afrique. Nous le félicitons pour avoir piloté avec succès, au cours de ces dix dernières années, une réorientation majeure de la stratégie du Groupe de la Banque en matière de développement et de réduction de la pauvreté, en mettant un accent particulier sur le secteur privé et le développement des grandes infrastructures dans Des secteurs comme les routes, les chemins de fer, les centrales électriques et les télécommunications, compte tenu notamment du rôle qu'elles jouent dans la promotion de l'intégration régionale en Afrique ».
Les administrateurs -- qui représentent les 80 États membres de la Banque, régionaux et non régionaux confondus, et qui suivent ses activités au jour le jour -- ont salué le travail acharné du président Kaberuka au cours des dix dernières années pour accroître le rayonnement de la Banque. Voyant en lui l'un des leaders les plus efficaces que la Banque ait eus à sa tête, ils jugent que la stratégie décennale de l'institution et l'amélioration du dialogue politique auprès des États membres sont deux des accomplissements emblématiques de son mandat.
Ancien président de la BAD, Babacar Ndiaye est d'avis que M. Kaberuka est, plus que n'importe quel autre de ses prédécesseurs, celui qui a fait entrer la Banque dans « la cour des grands », en faisant d'elle une voix africaine crédible sur les questions clés du développement.
Considérant toutefois qu'il s'agit là d'un legs partagé, Donald Kaberuka dédie son succès à « l'excellent personnel de la Banque ». Il a également admis qu'il y avait eu des hauts et des bas sous sa direction. Il a assumé ses responsabilités et mené son mandat au front.