La Conférence sur la Gestion des finances Publiques – Information financière axée sur les résultats qui s’est tenue du 28 au 30 octobre 2015 dans la capitale sénégalaise a vécu.
Leçons apprises et cas d’école, revisités de fonds en comble, ont permis aux acteurs de convenir de la nécessité de renforcer un partenariat public-privé pour une gestion plus rationnelle des ressources publiques face aux besoins des populations.
Les échos de ces assises de Dakar marquées par un Appel à l’action lancé par les ministres des Finances des pays d’Afrique francophone, professionnels de la comptabilité du public comme ceux du privé, donneurs d’ordre, Partenaires techniques et Financiers (PTF), organes de contrôle…ont dessiné ce que doit être l’avenir de la Gestion des Finances Publiques des pays qui ont la langue française en commun.
Réactions…
Renaud Seligmann, Chef du Service Département Gouvernance – Banque Mondiale, Région Afrique : « L’Afrique francophonie doit mieux faire sur le plan des effectifs des professionnels du chiffre, sans perdre la qualité»
« Il y a beaucoup d’opportunité pour une collaboration ou coopération entre experts comptables, la profession comptable dans son ensemble et les pouvoirs publics pour améliorer la transparence dans la gestion des Finances Publiques. Il y a des opportunités à la fois du point de vue de la production des comptes de l’Etat et des collectivités locales des établissements publics mais aussi pour leur certification et pour s’assurer qu’il présente une image sincère et fidèle de la position financière de ces entités.
Mais aussi beaucoup d’opportunités pour améliorer la qualité de la gestion, la performance et faire des analyses financières. Donc, il y a vraiment beaucoup de chantiers sur lesquels les deux parties peuvent travailler ensemble.
Pour arriver à cela il faut qu’il y ait d’abord un dialogue, que les deux parties voient l’intérêt mutuel de travailler ensemble mais aussi qu’il y ait suffisamment d’experts comptables, de comptables agréés et d’autres professionnels du chiffre pour pouvoir répondre à la fois aux besoins du secteur privé et du secteur privé. De ce point de vue, l’Afrique francophonie doit mieux faire et on doit renforcer les effectifs sans perdre en qualité.
La Banque Mondiale a déjà appuyé la Fédération Internationale des Experts Comptables Francophones ainsi que la Fédération Panafricaine des Experts comptables pour créer ce premier contact entre les deux parties des professions du chiffre notamment ceux du secteur public et du secteur privé.
Maintenant, nous avons plusieurs moyens pour appuyer les efforts à l’avenir. Il s’agit de nos projets d’appui aux finances publiques dans la plupart des pays africains. Nous pouvons mobiliser ces projets pour renforcer les Cours des Comptes, si besoin en s’appuyant sur le secteur privé, pour aider à la mise en œuvre des directives de l’UEMOA et de la CEMAC pour la Gestion Axée sur les Résultats (GAR), la déconcentration de l’ordonnancement, la comptabilité en droit constaté ; là encore si besoin en partenariat avec le secteur privé et pour également renforcer la participation citoyenne, et les liens entre le budget et la société civile pour la transparence de l’Etat.
Par ailleurs, nous travaillons étroitement avec nos partenaires du secteur privé, en particulier la Fédération panafricaine des experts comptables et l’IFAC pour réfléchir à une stratégie visant à développer les capacités des comptables dans le continent africain et en particulier dans les pays francophones. Par nécessairement, uniquement avec les experts comptables mais aussi les comptables assistants et les techniciens de la comptabilité pour lesquels, il y a un besoin criard. Nous sommes en train de réfléchir aux modalités que pourraient prendre cet appui à l’avenir ».
Mme Jean Moira Awinja Wameyo, chef de Division des Services Fiduciaires de la BAD : « Cette initiative est juste un début et nous allons partir avec nos partenaires sur le dialogue. On nous a interpellés sur beaucoup de choses importantes dont l’utilisation des systèmes pays.
La BAD est membre des groupes thématiques dans tous les pays. Ce que nous faisons c’est d’abord de comprendre les besoins des pays pour pouvoir les appuyer à renforcer leur système de gestion des finances publiques.
On doit toujours avoir un plan d’action. Il est aussi important que les pays et les partenaires s’approprient des réformes du système de gestion des finances publiques. Partenaires techniques et financiers, Etats, secteur privé, média, société civile…doivent travailler ensemble pour s’assurer de l’amélioration dans la gestion des finances publiques ».
Mme Sidibé Zamilatou Cissé, Secrétaire Général du Ministère de l’Économie et des Finances du Mali : « Nous sommes tous prêts à avancer pour qu’on puisse regarder dans la même direction ».
« C’est une bonne initiative. J’ai beaucoup apprécié le fait que les représentants des Etats, essentiellement du Ministère des Finances mais également de la Cour des Comptes ou de la section des comptes, ça dépend du pays, les Directeur du Trésor et la profession comptable, certains Partenaires techniques et financiers aient pu échanger sur les grandes réformes en cours sur la Gestion des Finances Publiques qui est, comme on le dit, vraiment le sang de notre économie étant donné que l’Etat est le principal acteur de développement, le secteur privé n’ayant pas encore pris toute sa place. Donc le rôle de la gestion des finances publiques est évident aussi bien dans la réduction de la pauvreté que dans le bien-être des populations d’une manière générale.
Depuis quelques années, les Etats de l’UEMOA et ceux de la CEMAC se sont engagés dans un processus de réformes de gestion des Finances Publiques notamment la comptabilité publique dont dorénavant les normes vont se rapprocher de celles du secteur privé d’où la nécessité d’échanger avec les experts comptables de nos pays et même les fédérations des experts comptables et ceux d’autres pays tels que le Canada, la France et bien d’autres qui ont apporté leur expérience.
Nous avons surtout insisté, bien que les experts comptables nous aient fait des offres avec des possibilités de coopération avec les Etats, sur le fait que les experts comptables devraient d’abord être à l’écoute des Etats, demander aux Etats de faire un diagnostic et de leur présenter plutôt d’abord les besoins. On ne peut pas commencer par les solutions. Il va falloir d’abord identifier les problèmes. Ces assises de Dakar nous ont vraiment permis d’échanger et je crois qu’à la fin, je pense que nous sommes tous prêts à avancer pour qu’on puisse regarder dans la même direction ».
Arnaud Debray, Vice Président du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts comptables de France : « J’ai trouvé que les échanges étaient très francs et très concrets. »
« A ma connaissance c’est la première fois qu’une opération de réflexion et de travail sur ce sujet aussi important et aussi ambitieux est organisée pour de nombreux pays africains. Il est également à constater que les sujets et les réflexions ont été menés de façon profonde, non superficielle et sans langue de bois.
C’est-à-dire que la profession comptable libérale a clairement dit qu’elle pensait pouvoir jouer un rôle dans le secteur public grâce à son approche à ses compétences. Les représentants du secteur public ont aussi clairement indiqué qu’ils n’y étaient pas opposés mais que cela devrait se faire dans le respect mutuel et la reconnaissance mutuelle des compétences de chacun. J’ai trouvé que les échanges étaient très francs et très concrets.
Ce qu’il faut souhaiter maintenant c’est que dans chacun des pays les ordres nationaux des experts comptables et les représentants du secteur public continuent à discuter, à s’approcher, à se fréquenter et peut être, probablement j’espère, à mener ensemble des actions concrètes dans le rassemblement de leurs compétences techniques pour œuvrer au profit du secteur public qui a des besoins en hommes supplémentaires à ses coté ».
M. Yacoub Adetona, expert comptable au Gabon et formateur : « Il revient aux autorités de nos pays respectifs d’encadrer ces formations »
« Il y a quelque chose que je ne comprend pas sur la problématique du nombre de professionnels comptables. Des pays comme le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, chaque année forment au minimum 500 Masters en comptabilité, contrôle, audit. Ces jeunes qui sont formés et leurs écoles de formation reçoivent l’agrément Cames.
Au moment de recruter des professionnels, quand ces jeunes se présentent, on se rend compte que le niveau est lamentable. Je pense qu’il revient aux autorités de nos pays respectifs d’encadrer ces formations. Les écoles privées sont devenues simplement des fonds de commerce où les enfants vont verser des millions pour avoir un papier qui, en réalité, ne sert à rien ».
Alioune Touré, expert compte au Sénégal : « Dans les initiatives à venir, il faut revoir le paradigme de conservation des acquis »
« Avec le secteur public, le problème qui se pose c’est surtout la rétention des hommes et du savoir. Il y a des projets et programmes mis en œuvre mais la capitalisation dans la durée ne se réalise pas. On est dans un éternel recommencement. Dans les initiatives à revenir, il faut revoir le paradigme de la conservation des acquis ».
Ernest Senovot, expert comptable Sénégal : « Le gros problème de la formation c’est la qualité du corps professoral »
« Sur la question de formation, le gros problème c’est la qualité du corps professoral. Je pense qu’il est nécessaire que les professionnels travaillent avec les institutions d’appui pour accompagner ceux qui ont envie d’aller vers la recherche et d’arriver à avoir l’accréditation de professeur agrégé. Dans l’environnement que nous avons ceux qui interviennent dans la transmission du savoir en matière de comptabilité et de contrôle sont des universitaires mais ne connaissent pas la spécificité des besoins en termes de transmission du savoir. Il y a nécessité que les professionnels s’impliquent dans la recherche et la formation ».
Nichola Beninguema du Gabon : « Il faut envisager un cadre de concertation des comptables publics »
« Il faut envisager un cadre de concertation entre les professionnels de la comptabilité qui sont déjà organisés dans chaque pays et même au niveau régional et sous-régional. Peut être qu’aussi les comptables publics pourraient s’organiser à l’échelle régionale ou sous-régionale où un certain nombre problématiques peuvent être abordés ou des échanges fructueux peuvent être engagés pour finalement arriver à établir ce partenariat sur des bases plus sereines ».
Balma Faty de la Cour des Comptes du Burkina Faso
« Au Burkina Faso, les textes nous donnent la possibilité de recourir à l’assistance d’experts pour traiter de certaines questions qui sont pointues et pour lesquelles nous n’avons pas de compétence à l’interne pour exécuter nos contrôle. Dans ce cadre on peut faire appel à un expert comptable ou un expert minier pour nous aider à accomplir au mieux notre mission. En fin de compte, c’est la Cour qui signe le rapport qui sera déposé».