Au terme de la Conférence de Dakar sur la Gestion des Finances Publiques – Information financière axée sur les résultats, le Président de la Fédération internationale des experts comptables francophones (FIDEF) a tiré un bilan plus que positif.
Se félicitant de la qualité des échanges de ces trois jours (28-30 Octobre 2015), M. Mamour Fall, par ailleurs, Président de l'Ordre des experts comptables et comptables agréés (ONECCA) du Sénégal, a indiqué la voie que le partenariat public-privé doit prendre pour que les défis d'une bonne gestion des finances publiques soient relevés dans les pays africains de l'Afrique francophone.
Quel est le bilan le que vous pouvez tirer après ces deux jours de réflexion sur la Gestion des Finances Publiques ?
Nous avons une très grande satisfaction à l'issue de ces deux journées de conférence. Cela fait un an que nous travaillions sur ce projet. Au bout du compte, nous avons obtenu un résultat intéressant.
D'abord en termes de participation, nous avons eu près de 200 participants venant d'une vingtaine de pays d'Afrique francophone et du monde également parce que nous avons Le Québec, la France qui ont accepté de faire le déplacement.
Nous avions 17 organisations internationales qui étaient également représentées à ces travaux.
Il y a eu des partenaires au développement mais également des organisations professionnelles comptables, des organismes d'intégration économique, le tout pour discuter d'un sujet qui est d'une très grande actualité.
Réformer les finances publiques, les orienter vers l'information financière publique pour des résultats palpables est devenu un enjeu planétaire. Puisque servir des populations, utiliser des ressources importantes dans le cadre des dépenses budgétaires et en face ne pas avoir une évaluation de ce à quoi étaient destinées ces dépenses-la, est devenu quelque chose de totalement inacceptable et inconcevable.
Tous les Etats l'ont compris et sont en train de faire des efforts dans ce sens-là. Le Sénégal est bien entendu dans ce mouvement de réforme.
L'objectif pour nous c'était d'aider la profession comptable à se mettre à niveau avec toutes les autres parties prenantes, notamment le secteur public pour voir ensemble comment apporter notre pierre à l'édifice puisqu'il s'agit de bâtir nos pays, notre continent. Par conséquent, nous avons un rôle à jour là-dedans.
Un appel a été lancé, donc un grand chantier est ouvert. Est-ce que la profession comptable est prête à relever le défi ?
Absolument ! La profession comptable est totalement impliquée dans l'appel. Elle a endossé l'appel et elle va se mobiliser pour être prête à relever le défi de la généralisation de la réforme des finances publiques, de la généralisation de l'information financière publique axée sur les résultats.
La Fédération Panafricaine des experts comptables (PAFA) dont je suis membre du Conseil d'administration était très impliquée et sa présidente était présente à cette réunion de Dakar.
Tous ensembles, nous avons répondu positivement à l'appel et nous sommes en train déjà de voir avec les bailleurs, comment faire pour que cet appel ne soit pas vain.
Que ça ne soit pas un appel en l'air mais suivi d'actions concrètes. Juste après la clôture de la conférence, nous avons tenu une première réunion et nous avons décidé de mettre en place un comité de suivi pour ne pas relâcher le mouvement et aller au bout pour réaliser les vœux.
La question de la formation et celle de la masse critique d'experts comptables ont été au cœur de vos préoccupations pendant ces assises de Dakar.Comment votre corporation compte régler ces problèmes pour mieux faire face aux défis à venir ?
C'est une excellente question. En réalité, le problème qui est posé ne concerne pas le nombre d'experts comptables en lui-même mais plus le nombre de ce que l'on appelle les professionnels comptables.
Nous concevons bien sûr que les experts comptables soient ceux qui sont les seuls habilités par l'autorité publique à signer des comptes d'entreprises pour garantir leur sincérité, leur fiabilité et bien entendu l'image fidèle de la situation financière des entités qui sont contrôlées.
Mais au-delà de ces experts comptables qui sont en nombre très réduit et ce qui est tout à fait normal, compte tenu des niveaux de qualification, de l'expérience et de l'expertise qui sont requis, nous avons besoin d'avoir une population comptable beaucoup plus forte.
Entendons par là une grande famille de la comptabilité ou il ne s'agira pas de dire que tout le monde sera autorisé à signer des comptes ou autorisé à réaliser des audits mais simplement que tous vont participer aux activités de la profession comptable.
Ce sont eux qui produisent les comptes : les comptables publics de la direction générale du Trésor, les comptables dans les entreprises qui sont également des directeurs financiers, des contrôleurs de gestion, des chefs comptables. Tous participent à la production de la chaine d'information financière dans le pays.
De ce fait ils ont tous le droit d'être pris en compte dans cette même famille des professionnels comptables ce qui n'est pas le cas pour les experts comptables mais qui disposent quand même d'un poids non seulement dans l'économie mais surtout qu'ils ont une profession organisée, structurée autour de règles d'éthique.
C'est important parce qu'une famille se doit de partager des liens communs et parmi ceux - ci il y a les règles standards liées à la profession mondialement reconnues et qui font que le comptable ne peut pas faire n'importe quoi.
Il a des règles pour agir, pour travailler mais également des règles d'éthique à respecter dans sa mission.
Dans cette nouvelle dynamique qui condamne public et privé à travailler ensemble, quelles sont les attentes par rapport à cela ?
Nous attendons du secteur public beaucoup d'ouverture. Nous en sommes convaincus car cet esprit d'ouverture existe déjà puisqu'au Sénégal nous avons réussi avec la Cour des Comptes qui a accepté d'ouvrir ses portes pour que l'ensemble des experts comptables puissent participer à la réalisation de ces missions.
Ce qui ne veut pas dire que la Cour des Comptes est dépossédée de ses prérogatives mais au contraire, compte tenu de l'insuffisance de ses effectifs, elle peut s'appuyer sur une profession bien structurée, bien organisée, indépendante et travaillant sur des règles très rigoureuses pour lui dire donnez-nous la main et ensemble nous allons réaliser les missions qui sont les nôtres c'est-à-dire du contrôle des comptes publiques.
Ça c'est une mission de la Cour des Comptes et les experts comptables se donnent la main simplement.
C'est pareil concernant la Direction de la Comptabilité Publique, lorsque les réformes ont été engagées immédiatement, la profession comptable a été sollicitée par le Ministère des Finances et la Direction Générale de la Comptabilité Publique et du Trésor et nous avons répondu présent à l'appel.
Nous sommes membres du comité de pilotage chargé d'instaurer et d'implanter les réformes au Sénégal.
Par conséquent, il faut qu'au Sénégal comme dans les autres pays d'Afrique francophone que les administrations se sentent plus concernées avec la profession comptable privée pour plus de considération, non pas comme des concurrents ou des personnalités qui ne peuvent pas travailler ensemble mais comme des citoyens responsables, qualifiés, indépendants, avec un code d'éthique basé sur des standards professionnels qui peuvent leur apporter énormément comme solution sur les difficultés qu'elles rencontrent dans la réalisation de leur mission.
Quels sont les chantiers imminents à mettre en œuvre au sortir de cette conférence de Dakar ?
Le premier chantier c'est d'abord informer sur tout ce qui a été fait à Dakar : informer sur les pistes de réflexion qui ont été les nôtres, informer sur le rapport de la conférence pour que toutes les autorités publiques - nous allons rencontrer les ministres des finances des différents pays – puissent partager les conclusions de nos travaux dans le but de les impliquer davantage dans ce que nous faisons et bien sûr, demander leur soutien et leur endossement.