Le binôme militaire-politique vecteur d'une stabilité durable dans le continent
La solution militaire est essentielle pour la résolution des crises en Afrique mais elle s'avère insuffisante. Une démarche inclusive qui met l'option politique reposant sur un processus démocratique concertée et acceptée de tous s'impose afin de parvenir à une stabilité durable en Afrique.
« Crises sécuritaires et instabilités politiques en Afrique: Comment maitriser les défis à la stabilité du Continent ? » C'est le thème de l'un des panels du deuxième jour des MEDays 2015, le jeudi 12 Novembre à Tanger. Un choc d'idées qui a révisé de fond en comble la situation sécuritaire dans le continent pour essayer de comprendre la résistance des extrémistes au Mali, l'expansion de Boko Haram au Nigéria et ses ramifications au Cameroun, au Niger et au Tchad, la montée en puissance de l'Etat Islamique au Libye, la balade des rebelles Chebabs en Somalie et même jusqu'au Kenya.
Un diagnostic sans complaisance met le doigt sur l'intervention militaire jugée indispensable mais insuffisante dans un contexte ou la géopolitique a grandement évolué.
L'analyse qui fait l'unanimité retient que les crises sécuritaires, voire humanitaires qui tenaillent l'Afrique trouvent leur lit dans les zones défavorisées, voire marginalisées dans les options politiques. Ce qui résulte d'une absence de processus démocratique qui prend en charge l'ensemble des préoccupations de toutes les couches sociales.
L'ex Premier ministre du Kenya, M. Raila Odinga, par ailleurs, leader de l'opposition de son pays, l'a clairement affirmé. « L'essentiel des crises africaines est dû à l'absence d'un processus démocratique comme c'est la cas en Côte d'Ivoire, au Zimbabwe, au Burundi… ».
Citant l'exemple de la Somalie, M. Odinga estime que la multitude des options prises comme le déploiement de l'armée kényane ainsi que la Mission de l'Union africaine en Somalie (AMISOM) n'a pas suffi pour faire face à la montée Chebab. A son avis, le même problème risque de se reproduire au Sud Soudan. Il craint ainsi le pire au Burundi avec une situation qu'il qualifie de grave avec les exécutions sommaires au quotidien et qui résulte du forcing du président Pierre Nkurunziza contre la volonté de la Constitution burundaise. Selon lui, « si ce n'est fait, ce problème peut conduire à une crise ethnique comme ça a été le cas au Rwanda ».
D'où la « pertinence » de l'intervention de la communauté internationale au Mali. Une intervention qui, selon l'ex-Premier ministre du Mali, M. Moussa Mara a été décisive et souhaitable même s'il y a des questions discutables notamment le point sur le mandat présidentiel. Selon lui, les gens doivent savoir que la crise malienne est également liée à la problématique profonde de l'Etat et le déploiement de l'administration sur le plan national. Se voulant prudent, M. Mara d'avertir : « On ne peut pas dire que la crise est derrière nous mais il faut que toutes les parties acceptent leurs engagement suite aux accords d'Alger ».
Il s'est par ailleurs réjoui des éléments garants de cet accord qui sont entre autres les réformes institutionnelles, de justice et de gouvernance, la lutte contre la corruption, la décentralisation et la régionalisation avec le développement des localités désertes, surtout celles du Nord. Sur la résolution de cette crise dans sa globalité, l'ex-Premier Ministre du Mali estime que le diagnostic a été approfondi et la balle est dans le camp de l'Etat appelé à se refonder profondément au bénéfice des populations.
Plus catégorique, le Secrétaire Général de la Communauté de l'Afrique de l'Est, M. Richard Sezibera conclut que les crises au Burundi, au Rwanda et en Somalie reflètent un problème de gouvernance. D'après lui, 34% des pays africains ne sont pas gouvernés d'une manière normale. Face à cette situation M. Sezibera appelle à travailler sur la question identitaire. Il cite ainsi l'exemple de la Somalie où la majeure partie des enfants ne sont pas enregistrés à la naissance. Ce qui, pour lui, pose un problème sécuritaire réel une fois adulte.
Comprendre les raisons de la crise avant d'agir
Mouhamed Ibn Chambas, représentant spécial du Secrétaire Général des Nations-Unies en Afrique de l'Ouest mise sur le binôme sécurité et politique pour la résolution des conflits qui minent l'Afrique. Une manière pour lui de mettre en exergue l'approche des Nations Unies qui, d'après lui, a toujours été globale après 70 ans d'intervention.
M. Chambas confie que l'ONU soutient sans faille une démarche sous-régionale pour lutter contre Boko Haram. A son avis, toute démarche devrait partir d'une bonne compréhension des causes qui ont aidé à la création des groupes comme Boko Haram, Etats islamiques, Al Chabab… A son avis, les Etats et la communauté internationale doivent faire face aux problèmes économiques, l'emploi des jeunes afin d'éviter qu'ils soient attirés par les organisations terroristes.
Dans cette même dynamique rétrospective, le Secrétaire Général de la Communauté de l'Afrique de l'Est, M. Richard Sezibera, juge très compliquée la crise burundaise qui, à l'en croire, remonte des années 90 avec une logique de quota dans les instances gouvernementales. Il craint le fait qu'elle soit une crise politique qui a des soubassements ethniques.
M. Sezibera s'offusque du fait que le gouvernement actuel ait foulé au pied les accords signés à Arusha. Vu l'évolution des choses, il lance : « à cette date, la crise a enregistré 28 sommets et il en aura plus avant de trouver des solutions ». Pour lui, la question de crise burundaise est connue et les solutions décelées mais il ne reste qu'à mettre tous les acteurs autour d'une même table de discussion.
Devant cet état de fait, le chef de l'opposition kényane pense que les organismes régionaux devraient veiller à l'application des accords souvent signés pour une recherche de paix.