Dans le cadre de sa contribution à la Campagne du Secrétaire général des Nations Unies «Tous UNIS pour mettre fin à la Violence à l'égard des Femmes», et en conformité avec sa mission, la Banque africaine de développement (BAD) a choisi cette année de traiter le thème: «Les Femmes en Première Ligne du Développement: la Lutte contre la Violence».
En effet, des analyses de la BAD concluent que «l'égalité des genres est à la fois un objectif de développement en soi et une condition préalable à l'accomplissement des autres résultats du développement»; et que «l'égalité des genres peut augmenter la croissance économique». Par ailleurs, l'amélioration du statut des femmes impacte de nombreux aspects du développement (santé, nutrition, éducation ... ).
En Afrique du Nord en général et en Tunisie en particulier, l'autonomisation économique des femmes reste ainsi particulièrement problématique, en dépit d'un cadre réglementaire plutôt satisfaisant. Ainsi, alors qu'elles représentent 60% des diplômés du supérieur, les femmes comptent pour moins de 30% de la population active et n'occupent que 6% des postes à responsabilité. Dans ce contexte, le département régional Afrique du Nord (ORNA) de la BAD a organisé, le 2 décembre à Tunis, un panel de discussions et de sensibilisation, réunissant des représentants du Gouvernement tunisien, de la société civile, du secteur privé, des partenaires techniques et financiers et de Groupements d'Intérêt Economique (GIE) de femmes. Le directeur du département Afrique du Nord à la BAD, Jacob Kolster, a, dans ce contexte, souligné en introduction que «la violence à l'égard des femmes constitue une des contraintes à leur participation effective et pleine au processus de développement du continent africain».
La stratégie genre de la Banque a ensuite été présentée par Assitan Diarra-Thioune, économiste régional à la BAD, puis celle du gouvernement par Fayçal Sahraoui, représentant du ministère de la Femme, la famille et l'enfance. Me Khedija El Madani, avocate, a rappelé le cadre juridique tunisien, son histoire et son application, et Mabrouka Gasmi, présidente du groupement d'intérêt économique (GIE) des femmes potières de Sejnène a partagé l'expérience de son association sur le terrain. Illustration des contraintes à l'autonomisation économique des femmes, le court métrage Selma, de Mohamed Ben Attia, a également été projeté. En parallèle, une exposition d'artisanat était organisée.
Réfléchir ensemble à un engagement concret
Outre la sensibilisation, ce panel de discussion a été l'occasion de réitérer l'engagement et la détermination de la BAD à soutenir les efforts du gouvernement en faveur des femmes en Tunisie. L'assistance, nombreuse (plus d'une soixantaine de personnes) et variée, n'a pas manqué d'exprimer des besoins multiples. Quelques pistes de partenariat se dessinent d'ores et déjà, notamment pour une meilleure prise en compte de la problématique du genre lors de la préparation du Document de stratégie pays 2017-2021 de la BAD pour la Tunisie qui sera lancée début 2016, ainsi que celle des projets. Dans ce cadre, les participants seront régulièrement consultés afin de définir conjointement une approche innovante et efficace en faveur des femmes, et en particulier, de leur autonomisation économique.
De ces discussions, il ressort que le cadre juridique est nécessaire mais non suffisant, et que les actions ne doivent pas s'arrêter au plaidoyer. La réalité reste en deçà des attentes et le travail engagé doit se poursuivre, car en Tunisie l'accès aux infrastructures et aux services de base peut être renforcé pour une vraie égalité des chances. Il a ainsi été rappelé que le dernier recensement de 2014 indique un taux d'analphabétisme deux fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes et que de nombreux foyers à Sejnène ne sont pas actuellement raccordés à l'eau potable. Des recommandations concrètes ont été formulées, par exemple pour le partage des bonnes pratiques dans la région, une approche décentralisée, et l'utilisation d'indicateurs d'impact précis. Les hommes doivent être partie prenante de toute cette démarche et l'importance de l'éducation, de la formation et de la sensibilisation à tous les niveaux a été largement soulignée.
Assitan Diarra-Thioune a conclu que la BAD, qui s'engage davantage en faveur d'une plus grande implication des femmes dans le processus de développement, soutiendra les priorités du gouvernement tunisien et notamment ses axes économiques. En effet, comme l'a rappelé la représentante de l'ONU Femmes en Tunisie, Hela Skhiri, le manque d'autonomisation économique des femmes est à la fois une cause et une conséquence des violences à leur égard.