Afrique: Recep Tayyip Erdogan, Président de la République de Turquie - «Mon attente sur l'Afrique c'est de la voir garder son unité »

Interview exclusive du co-fondateur et président d'Allafrica Amadou Mahtar Ba et le président turc Recep Tayyip Erdoğan.
23 Décembre 2017
interview

Amadou Mahtar Ba, d'AllAfrica, a eu un entretien exclusif avec le président turc, Recep Tayyip Erdogan, alors qu'il se préparait pour des visites officielles au Soudan, en Tunisie et au Tchad. Une tournée qui lui permettra de porter à 24 le nombre de pays africains qu'il a visités depuis son arrivée au pouvoir. C'est la première interview d'Erdogan après le vote des Nations Unies sur le dossier Jérusalem et sa première avec un organe de presse africain. Dans la conversation avec le cofondateur et président exécutif d'AllAfrica, le président turc a abordé une série de sujets brûlants africains notamment le terrorisme, la santé, le droits des femmes, la liberté de la presse et l'esclavage en Libye.

Vous vous apprêtez à entamer votre deuxième tournée africaine de l'année 2017. Lorsque vous rentreriez de ce voyage, vous auriez visité 24 États africains depuis votre arrivée au pouvoir. Comment expliquez-vous cet intérêt énorme que vous semblez avoir pour l'Afrique ? Quels sont les piliers de votre stratégie africaine ?

J'aimerai tout d'abord, par votre intermédiaire, envoyer mes salutations, en mon nom et au nom de mon peuple, à l'Afrique entière. Évidemment, la série de visites africaines n'est pas récente. 2005 a été déclarée année de l'Afrique. J'étais à l'époque Premier ministre et j'avais déclaré que mes visites continueraient. A l'époque, nous n'avions que 12 ambassades sur le continent africain mais avons décidé d'inaugurer dans l'ensemble du continent des ambassades qui sont actuellement à 39. Évidemment, nous désirons avoir une ambassade dans chaque pays africain. Nous allons réussir cela parce que nous avons eu la détermination en 2008. Il y a eu le Sommet de partenariat Turquie-Afrique car nous continuons à développer ces relations.

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Vous savez que lors de cette visite je vais d'abord me rendre au Soudan. Je vais y séjourner deux jours, ensuite je me rendrai au Tchad et en Tunisie. Je vais avoir des entretiens bilatéraux mais également, puisse que nous allons être accompagnés d'une délégation importante d'hommes d'affaires turcs, nous aurons également des rencontres, des Conseils d'affaires entre les hommes d'affaires turcs et africains.

Actuellement pour pouvoir développer ces relations de façons encore plus approfondie, évidemment, un pilier important est constitué par la compagnie aérienne turque. La Turkish Airlines qui dessert 51 destinations africaines dans 33 pays. Cela facilite le déplacement des Turcs vers l'Afrique ou vice versa. Avec ce rôle important qui est joué par cette compagnie aérienne et même pour les vols en provenance d'Afrique, donc la Turquie sert de point d'escale. En comparaison avec il y a 15 voire 16 ans, la Turquie qui a énormément changé.

Évidemment, ma visite au Soudan a un autre sens parce que le chef d'État de ce pays s'était rendu dans notre pays la semaine dernière à l'occasion du Sommet extraordinaire de l'OCI (ndlr : Organisation de la Coopération Islamique). Ce n'est pas une visite que nous allons rendre en réciprocité mais c'est une visite qui avait déjà été planifiée il y a un certain temps. Nous avons beaucoup de points communs sur le plan civilisationnel, culturel avec le Soudan. Nous y effectuerons cette visite et permettre aux hommes d'affaires de se rencontrer. Et puis, nous allons en tant que leaders politiques, nous adresser aux hommes d'affaires.

Ensuite, nous allons nous rendre au Tchad et je crois que cela aura un écho important dans ce pays de même qu'en Tunisie. Évidemment, entre temps, il y a eu la lavée des sanctions par les États-Unis envers le Soudan et nous nous en réjouissons. Nous espérons que ces développements réjouissants continueront.

Absolument, M. le Président vous avez mentionné que vous allez être accompagné par des hommes  d'affaires. Vous allez avoir des rencontres avec vos homologues mais nous avons entendu une chose de façon récurrente, les citoyens africains veulent aussi entendre un message directement de votre part. Il y a beaucoup de questions évidemment qui se posent en relation avec la Turquie et 55 Etats africains. Je voudrais qu'on puisse aborder un thème après l'autre. La Turquie est un pays musulman et vous assurez la présidence en exercice de l'OCI. Vous avez donc joué un rôle de leadership concernant Jérusalem et beaucoup de musulmans, plus de 500 millions sur ce continent africain veulent vous entendre. Quels type de message de paix avez-vous à apporter à ces citoyens particulièrement après le vote de ce soir à l'Assemblée Générale des Nations Unies?

C'est une question extrêmement importante tout d'abord pour le monde musulman la mosquée Al Aqsa qui est notre première qibla et cela revêt une grande importance. Évidemment, c'est une localité importante pour les chrétiens. Je suis effectivement le président en exercice de l'OCI et j'ai donc voulu parler aux chefs d'États musulmans mais j'ai également appelé le Pape François qui peut être considéré comme le leader du monde chrétien. J'ai partagé mes réflexions avec lui et je me suis réjoui de voir que nous avons les mêmes opinions sur ce sujet. D'autre part, j'ai aussi parlé au président de la République en Allemagne, la Chancelière, le Président Macron, le Président Poutine.

J'ai également parlé de ce sujet avec ces personnes. Il ne s'agit pas d'un problème qu'il faut cantonner au monde musulman. C'est un sujet sur lequel j'ai voulu débattre avec les autres leaders aussi parce que ce n'est pas un problème musulman parce qu'en 1980, à l'Assemblée Générale des Nations-Unies, il y a eu la résolution du Conseil de sécurité 478 qui porte la signature américaine. Malgré cette signature sur cette résolution, le fait que cette résolution soit bafouée par les États-Unis, c'était vraiment un pas erroné. Et si l'on retourne à l'année 1967, il y a une solution qui prévoit deux États. Jérusalem Est est acceptée comme la capitale de la Palestine. Si on s'était accroché à cette solution bi-étatique on n'en serait pas arrivé là, aujourd'hui. Que s'est-il passé,

Aujourd'hui, je pense que c'est une journée extrêmement importante. 128 pays ont tous été d'accord. Ils pensent tous de la même façon. Ils se sont rangés aux côté de la Palestine. C'est seulement huit États qui sont du côté des États Unis. D'autres part, 35 pays qui n'ont voté ni oui, ni non, parce qu'ils ont été sous une répression importante. Je pense que s'ils avaient la liberté de voter, ils auraient fait comme les 128 autres pays. Les pays qui se sont rangés du côté de M. Trump, on voit leur taille. Je pense que face à cette situation, M. Trump va réviser sa position. Que doit-il faire si nous sommes pour la paix ? Nous devons dire oui à cette solution bi-étatique. Mais s'il n'est pas pour la paix, il est pour l'instabilité du Moyen Orient. Evidemment, l'humanité va devoir faire payer la facture de cela à M. Trump et L'État d'Israël.

L'humanité ne désire plus de guerre. Elle désire la paix parce qu'elle est fatiguée de ces conflits surtout le Moyen Orient. On voit ce qui s'est passé en Irak, en Syrie, des millions de personnes sont en train de mourir que ce soient les femmes, les enfants. En Palestine, est ce que vous pouvez vous imaginer un enfant atteint de la trisomie 21 a été attaqué par plusieurs soldats israéliens. Un adolescent de 15 ans entouré par 20 soldats israéliens a été battu. D'autres petites filles ont subi d'autres traitements inacceptables. Donc Israël est un État d'occupation. C'est un Etat terroriste et nous devons agir dans l'union. Je ne pense pas que ce problème soit réservé au monde musulman. C'est un problème de l'humanité. Donc le vote d'aujourd'hui a donné le message, selon lequel, ce problème est un problème de l'humanité entière. 128 pays ont eu cette position équitable, juste et je remercie chacun de ces États en mon nom et au nom de mon peuple.

Donc vous pensez que le Président Trump doit revenir sur sa décision mais s'il campe sur sa position parce qu'il n'a pas encore fait preuve d'une volonté de faire marche arrière. Quel sera la prochaine action ?

Bon ! Qu'il fasse un pas en arrière ou pas à partir de maintenant,  pour nous, la prochaine étape c'est de voir dans la Palestine les 128 pays et puis tous ces États qui se sont abstenus de voter, il va falloir que nous travaillons ensemble. Tout d'abord, je pense qu'il faut que la Palestine soit reconnue par chacun de ces pays comme un État indépendant. Une fois que cela est obtenu, je pense que les États Unis d'Amérique vont devoir faire une lecture juste de tous ces développements. Je ne pense pas qu'ils puissent insister sur une erreur aussi flagrante. Je crois qu'ils vont finir par voir ce qui est juste. Il ne faut pas que les États Unis continuent juste avec Israël. Ce n'est pas digne des États-Unis.

On pourrait parler pendant des heures de cette affaire mais j'aimerai revenir à la question de l'Afrique. Vous avez dit dans vos remarques qu'il y a des relations traditionnelles, historiques entre la Turquie et l'Afrique. Dans certains des Etats que vous allez visiter surtout au Tchad et en Tunisie, il y a la question du militantisme, du terrorisme. La Turquie a énormément d'expérience dans le domaine du terrorisme. L'Union Africaine estime qu'à la suite de la défaite de Daesh, il y'aura 6000 jeunes africains qui vont rentrer chez eux. Ce qui va poser une menace importante aux pays de la région. Quelle est votre position sur cette question ? Quels seront les conseils de la Turquie aux pays africains dans ce type de contexte ?

Que ce soit le Soudan, le Tchad, la Tunisie surtout évidemment le Tchad qui est en train de lutter contre Boko Haram, nous avons à peu près une expérience de lutte anti-terroriste de 35 à 40 ans. Nous avons payé une très lourde facture. Nous ne voulons plus payer ce lourd tribut vécu ces dernières années. Notre lutte anti-terroriste est devenue beaucoup plus rigoureuse. Nous avons obtenu un succès mais dans cette lutte anti-terroriste au sein même de notre pays. On peut même partiellement parler d'une lutte contre Daesh mais c'est surtout en Irak et en Syrie qu'il y a des organisations de ce groupe terroriste qui a connu de lourdes pertes. A Al-Bab, dans un territoire de 2000 mètres carrés, Daesh a été éradiquée.

D'autre part, vous avez des forces de la coalition qui ont également poussé de façon importante Daesh vers le Sud. Donc actuellement, ce n'est que 5% du territoire syrien qui est sous le contrôle du Daesh. Le reste est sous le contrôle de régimes et des forces de la coalition. Il en va de même pour l'Irak où l'on peut presque parler d'une éradication de ce groupe dans le pays. Maintenant, que va-t-il s'en suivre ?

Évidemment, ce que vous venez de signaler n'est pas négligeable. Aujourd'hui, au Tchad il y a environ 600 mille réfugiés. Quid de ces réfugiés. Le Soudan aussi a connu des problèmes importants. Nous le savons, le pays était divisé entre le Soudan et le Soudan du Sud. La Tunisie semble être calme mais l'instabilité est parfois perceptible. J'espère que l'unité tunisienne ne soit pas perdue pour nous que ce soit au niveau politique, commercial, économique, militaire, culturel. Nous sommes prêts à la collaboration et c'est pour cela que je serais accompagné de nos hommes d'affaires dans ces visites.

Notre premier objectif, toujours dans ce cadre, c'est notre solidarité. Nous devons être solidaires dans tous ces domaines. Et d'ailleurs, en tant que président en exercice de l'Organisation de la Coopération Islamique je dois aussi assumer certaines autres fonctions. Nous avons, par exemple, notre Agence de coopération turque (Tika) qui est actif sur le terrain avec des projets sociaux surtout pour rendre des services aux citoyens sur place et cela permet bien sûr une harmonie entre les Turcs et les Africains.

Nous accueillons aussi des étudiants africains dans les universités turques. Ces personnes vont évidemment jouer un rôle d'ambassadeur dans leur vie adulte et dans cette lutte anti-terroriste. Nous continuerons à être solidaires pour les questions sécuritaires.

Je voudrais aborder une autre question qui a prêté à confusion en Afrique, c'est la question du réseau de Fethullah Gülen que votre administration qualifie d'organisation terroriste guleniste. Pendant de longues années, les  Africains ont pensé que ce réseau était soutenu par le gouvernement turc. C'est pourquoi beaucoup d'élites et de leaders inscrivaient leurs enfants dans les écoles de ce réseau en Afrique mais on a vu ce qui s'est passé l'année dernière. C'est la première fois que vous vous adressez à un média africain depuis cet événement. Alors aujourd'hui, M. le Président, est ce que je peux inscrire mes enfants, mes neveux dans les écoles qui sont gérées par une autre organisation ?

Mon frère Ahmadou (ndlr : Amadou Mahtar Ba) sans m'attarder sur cette question. Je vous dirai très clairement qu'aucun enfant ne doit être inscrit dans ces écoles parce que l'éducation n'a été qu'un masque pour ces personnes. Et c'est sous ce prétexte que la religion a aussi été utilisée. Vous savez dans la sourate Maoun, notre bon Dieu parle de ceux qui sont en train de prier avec mépris. Ceux qui sont certes en train de prier mais sans en avoir conscience ou la conviction. A partir de là, il ne faut pas tomber dans ce piège. Le 15 juillet 2016, qui a perpétré cette tentative de coup d'État ? C'est eux-mêmes et on le sait. Il a été constaté et certaines personnes ont déjà été condamnées à la prison à perpétuité. D'autres ont écopé des peines d'emprisonnement très longues. Ce sont ces personnes qui ont voulu m'assassiner ainsi que les membres de ma famille mais notre bon Dieu nous a protégés et nous avons pu avec quelques minutes d'écart fuir leur bombe. Malheureusement, deux de mes gardes rapprochés ont succombé aux attaques de ces personnes.

Nous avons eu 251 martyrs, 1293 vétérans. Vous voyez ce bâtiment dans lequel nous nous trouvons, c'est un bâtiment vétéran. Autour de ce complexe, 29 policiers sont tombés en martyrs, 36 personnes ont été blessées et vous voyez juste en face le monument des martyrs avec le croissant et l'étoile. Ce qui permet de commémorer et de ne pas oublier tous ces événements. La procédure judiciaire est en cour. Ce que nous disons à l'Afrique c'est la chose suivante : nous ne voulons pas que vous subissez ces mêmes dégâts. Ils se sont bien enrichis ces fegülenistes.

En 1999, le terroriste principal s'est enfuit aux États-Unis. Il est actuellement en Pennsylvanie et nous avons fait parvenir à l'administration américaine cinq colis de dossiers. Nous avons demandé l'extradition de cette personne mais malheureusement, nous ne l'avons toujours pas obtenu. De quelle alliance, de quel partenariat stratégique pouvons-nous parler ? Si demain les États-Unis viennent avec la même demande, nous n'allons pas agir dans le sens demandé parce que vous gardez le responsable de 251 martyrs et 1293 personnes blessées avec des condamnations qui ont été prononcées par nos juridictions et on demande l'extradition qu'on n'arrive pas à obtenir. Il n'y a pas de peine capitale ici en Turquie alors qu'elle existe aux États-Unis. Je dis qu'il ne faut pas tomber dans ce piège.

Nous avons mis en place une fondation pour une éducation de meilleure qualité soit assurée et ce n'est pas dans un but lucratif que cette fondation va agir. Par exemple au Soudan, avec le gouvernement en collaboration avec le ministère de l'éducation nationale, nous allons désormais confier la gestion de ces écoles à cette fondation pour l'éducation. C'est de même pour le Tchad et la Tunisie. Mais il y a toujours certaines écoles qui continuent à exister en changeant de nom, en essayant de se masquer, ou de tromper les dirigeants ou responsables africains. Ils n'hésiteraient pas à recourir à tout type de mensonge. Je crois que l'Afrique doit désormais déjouer ce coup. On peut toujours donner des réponses si on nous pose des questions et on peut toujours assurer le suivi de ces dossiers par l'intermédiaire de nos ambassades et l'unité sera toujours de premier ordre.

C'est très clair et nous savons que cette situation a été traumatisante pour beaucoup de familles. Vous avez vu ce qui s'est passé en Libye avec des marchés d'esclaves qu'on y a découvert ainsi que des atrocités. Alors en tant que leader musulman, que pouvez-vous dire à la jeunesse africaine en général sur la migration et sur les risques qui peuvent être reliés à ce phénomène ?

Concernant les réfugiés, nous avons 3,5 millions en provenance de la Syrie actuellement dans notre pays. Ce sont pour nous des personnes qui sont importantes. Nous les accueillons en tant qu'invités. Nous avons nos bras grands ouverts pour les accueillir. Nous essayons de satisfaire leurs besoins mais évidemment aucune personne ne souhaite être coupée de son pays natal. Jusqu'à présent, nous avons dépassé 30 milliards de dollars parce que nous avons agi avec un sens d'humanité et de conscience humaine et aussi par solidarité islamique. Alors est ce que nous avons reçu l'aide de la part de l'Union européenne ? Jusqu'à maintenant oui, c'est 900 millions d'euros. Est-ce que nous avons reçu quelque chose du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés : 550 millions de dollars mais, à notre niveau, nous avons dépensé 30 milliards de dollars parce que cela est pour nous une mission.

Concernant ces réfugiés évidemment nous ne pouvons pas accepter que ces personnes soient victimes d'une traite ou soient vendus comme esclave parce que notre religion s'y oppose. Donc pour la Libye, je fais appel aux dirigeants et aux citoyens libyens de ne surtout pas tomber dans ce piège. Surtout ne pratiquer pas ces traites d'esclave interdites par notre religion l'islam. Les musulmans doivent toujours agir contrairement à cette approche. Je voudrais inviter tous mes frères et sœurs libyens d'agir comme Aboubacr. Je pense que s'ils agissent de cette façon, la Libye pourrait avoir un avenir prometteur. La Libye n'est pas un pays pauvre. C'est un pays très riche au contraire mais ils ont voulu faire de la Libye un tel pays c'est pourquoi ils l'ont exploité et dont les revenus sont déposés dans les banques de ces grandes puissances qui veulent nous donner des leçons.

Pour les dirigeants libyens, il est absolument primordial de mettre de côté les zizanies et d'initier un processus démocratique au plus vite. Ceci pour respecter la volonté du peuple libyen. C'est seulement en respectant la volonté populaire libyenne que nous devons mettre en place un régime politique. C'est ainsi que nous voulons évidemment voir la Libye.

Il faut aussi voir la chose suivante : croyez-moi la Libye pourrait un être un pays exemplaire en Afrique. Pourquoi ? Regardez la côte libyenne, elle est très longue avec une superficie importante et une densité faible en termes de population. Donc il faut au plus vite agir et aider la Libye pour que la croissance reprenne. Moi j'aime beaucoup la Libye et je suis vraiment très attristé par la situation actuelle dans ce pays. J'espère que nous pourrons relever ce défi au plus vite. Nous pouvons contribuer à la paix interne et nous sommes prêts à y faire ce que nous pouvons pour y arrive

 J'aimerai aborder  la question des droits de l'homme. La Turquie et les droits des femmes. Elles ont obtenu le droit de vote en 1934 dans un pays musulman bien avant plusieurs pays européens. En considérant le rôle qu'elles peuvent jouer dans le développement économique et humain dans les pays africains, surtout dans les pays que vous allez visiter, quelles leçons peuvent être prises de la Turquie. Et quel est le message de la Turquie pour autonomiser les femmes en Afrique ?

Ces pays évidemment permettre à leurs femmes d'être impliquées dans la vie politique. Elles ne doivent plus être exclues de la vie politique. Deuxièmement, dans l'éducation les femmes doivent y retrouver leur place. Dans le domaine de la santé, elles doivent aussi retrouver leur place. Dans la vie des affaires, surtout, les femmes doivent avoir une place et personnes ne peut le nier et personne ne doit l'oublier. Plus loin, dans la société civile, les femmes doivent être également représentées et occupées les postes de responsabilité.

Mis à part cela, chez nous en Turquie, les femmes sont omniprésentes y compris dans le domaine judiciaire. Je pense que cela est aussi important pour les pays africains. Dans ce contexte, je pense que si les femmes récupèrent leur place un grand potentiel sera mis en place. Évidemment, c'est la compétence et la loyauté qui doivent être les fondements. Il y a une époque où les députés femmes n'étaient presque pas représentées au Parlement turc. Nous avons désormais atteint à 14% et je crois que cela va encore augmenter dans les prochaines élections. Nous avons aussi dans toutes les administrations, des postes de responsabilité qui sont occupés par des femmes. Ce qui est primordial ici c'est d'éradiquer la discrimination mais je pense qu'il est absolument essentiel que les femmes occupent une place importante dans la société civile. Surtout dans les organisations de la société civile qui défendent les droits des femmes. J'y crois profondément et je pense que les femmes africaines peuvent faire beaucoup dans ce domaine.

La Turquie est considérée comme un pays exemplaire pour les services de santé universelle. Avec les populations jeunes que nous avons, que peuvent faire les nations africaines pour développer leur système de santé afin de permettre un accès universel aux soins ?

L'aspect le plus important ici c'est l'éducation et la formation. Il y a 15 ans en Turquie, les facultés de médecines étaient très limitées en nombre. Mais depuis notre arrivée au pouvoir, nous avons commencé à augmenter le nombre de facultés de médecine. Deuxièmement, nous avons aussi encouragé les hôpitaux du secteur privé. Certes nous avons connu quelques soucis dans ce processus mais désormais, en Turquie, nous avons un grand nombre d'hôpitaux privés, des hôpitaux aussi de fondations privées auxquels s'ajoutent les hôpitaux universitaires qu'il va falloir peut être réformé dans le temps.

Mais nous voyons que désormais avec l'augmentation du nombre de médecins, du nombre d'infirmiers, de personnels de santé, les choses ont été facilitées et puis parce que nous avons beaucoup plus d'hôpitaux universitaires. Dans les cinq à dix années à venir, je pense que nous allons pouvoir faire concurrence au monde entier. Peut-être que nous allons figurer parmi les premiers pays grâce à des médecins absolument compétents ainsi que les infirmiers aussi les conditions physiques sont presque meilleurs que celles européennes.

On a vraiment atteint un très bon niveau qualitatif. Nous avons aussi ce projet de complexe hospitalier urbain qui désormais commence à constituer des exemples. C'est vraiment un rêve que j'avais depuis longtemps et je pense que nous avons énormément d'expériences que nous pouvons partager avec les nations africaines. Nous n'avons aucun problème dans le partage d'expériences. Par exemple, en Somalie, nous avons effectué un projet de construction hospitalière. Cet hôpital est en fonctionnement. Nous en avons fait don et dans le cadre de nos moyens, nous continuerons à le faire.

Vous avez parlé de la Somalie M. le président ! Je sais que vous attachez une grande importance à ce pays qui est sorti d'une période difficile. Seulement, hier certains parlementaires somaliens ont exprimé leur volonté de vouloir destituer le président en exercice. Alors en tant que leader mondial, en tant que personne impliquée au Somalie à l'époque où personne n'y allait. Quel est votre message au leadership somalien actuel alors qu'il fait face à ce risque de destitution?

Tout d'abord, je dois dire la chose suivante : nous ne sommes pas allés en Somalie avec certaines attentes. C'est lorsque nous avons visité ce pays que nous avons vu directement cette destruction, l'état de la population, des enfants, des mères. Je m'étais rendu une première fois avec mon épouse et nous avons vu tout ça de nos propres yeux. Nous ne nous rendons pas dans un pays en pensant à nos intérêts. Nous y allons avec notre conscience humaine, avec notre conscience islamique. Alors l'union avec la Somalie est importante. Donc s'il s'agit d'une volonté de faire disparaitre cette union somalienne, je serai attristé. Je ne connais pas les détails de ce que vous venez de signaler donc je ne peux pas me prononcer sur cette affaire.

Mais pour nous, les Africains sont des frères et des sœurs. Donc mon attente de l'Afrique c'est de garder son unité car il y a ces jeux qu'on veut toujours mettre en place dans ce continent. Il s'agit toujours de vouloir diviser l'Afrique pour pouvoir les contrôler plus facilement. C'est toujours, la politique qui a été celle des grandes puissances. J'espère que l'Afrique ne tombera pas dans ce piège. Face à cette situation, le prochain siècle pourrait être le siècle africain. Vous connaissez mieux que moi qui a voulu exploiter l'Afrique, que ce soit l'or, les gisements pétroliers, le diamant...ont été exploités. A partir de là, je crois que l'Afrique doit pouvoir relever ces défis.

Je suis journaliste. Je viens en Turquie depuis de longues années. J'ai beaucoup d'amis ici. Avec tout le progrès que vous venez de décrire sur votre pays et son développement, sur les leçons qui peuvent être tirées de l'expérience turque. Chaque année, il y a des rapports sur la violation de la liberté de presse dans votre pays. Comment vous expliquez cela ?

Ces rapports préparés par le monde occidental manquent d'impartialité et d'objectivité. Vous savez que moi-même j'ai été mis en prison parce que j'avais récité une poésie alors que j'étais maire d'Istanbul. J'ai été destitué à cause de la politique. Je connais très bien cette question de liberté d'expression mais il faut aussi savoir qu'un membre de la presse ne peut bénéficier d'une liberté sans frontière. La liberté d'une personne s'arrête là où celle d'autrui commence. Deuxièmement, un membre des médias ne peut pas soutenir le terrorisme. S'il agit comme intermédiaire aux terroristes, il doit en payer le prix.

Actuellement, les journalistes détenus en Turquie ou ceux qui ont fui le pays sont des personnes qui ont commis ce genre de crime. Ils n'ont pas été placés en détention juste parce qu'ils ont utilisé leur liberté d'expression. Non ! Ce sont des personnes qui ont commis des crimes et il y a même certains d'entre eux qui se présentent comme journalistes et qui n'ont pas de carte de presse. Oui, il y a ces rapports de ces soi-disant associations internationales de journalistes. On leur donne ces explications, ils n'ont rien à dire mais ils quittent le pays et continuent leurs critiques. Ils n'agissent pas dans l'honnêteté et la sincérité. Ils ont recours à ce type de diffamation pour créer des difficultés à notre gouvernement.

Mais vous savez, nous on ne s'arrête pas là. Pour nous, ce qui importe, c'est ce que dit le peuple turc. Imaginez-vous, moi j'ai obtenu 52% des votes de mon peuple. J'ai entamé mon mandat présidentiel avec 51% avec la participation de tous les partis politiques de ce pays, avec 86% de taux de participation aux élections et on m'appelle toujours dictateur. Mais j'ai été élu. Je ne suis pas président à l'actif d'un coup d'Etat. J'ai obtenu 51% des votes. De quelle dictature parle-t-on ? On a insulté ma famille, insulté mes filles, insulté mes petits-enfants mais le peuple turc est conscient des services que nous avons rendu que ce soit dans le transport, l'énergie, l'éducation, l'agriculture, la santé, la justice, la sécurité…Le peuple turc continue donc à voter pour nous. Pour nous, le respect de la volonté populaire est la règle d'or. Tout autre chose n'est que dérisoire.

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