Le gouverneur de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest pense que les acteurs de l’UEMOA doivent veiller à ce que leurs politiques et leurs actions exploitent pleinement le potentiel des technologies financières, en supprimant les obstacles qui y sont associés, tout en maintenant des niveaux de risque acceptables pour préserver la confiance en notre système financier.
Le plaidoyer a été fait ce mardi 27 novembre à l’ouverture du Forum de Haut Niveau sur le thème : « Innovation technologiques au service de l’inclusion financière ».
Une rencontre qui a marqué le deuxième jour des festivités de la Semaine de l’inclusion financière dans l’UEMOA que la BCEAO a organisé autour du thème : « Inclusion financière : levier de développement économique et social ».
M. Tiemoko Meyliet Koné incite ainsi les spécialistes à identifier de nouvelles pistes de progrès pour une exploitation optimale des innovations technologiques, sans préjudice pour la stabilité financière et la protection des populations de notre Union.
Selon lui, malgré la palette diversifiée des opportunités offertes par les innovations technologiques, de nombreux défis restent à relever pour préserver la stabilité financière de l'Union au rang desquelles le gouverneur de la BCEAO a cité le défi de la supervision des activités et des acteurs, au regard de la multiplication des initiatives ainsi que de la dématérialisation des supports et des opérations.
A cela, M. Koné y ajoute la nécessaire adéquation continue du cadre réglementaire aux évolutions constantes de l'environnement pour préserver l'équilibre du système financier et assurer la protection des usagers.
Dans cette dynamique, il n’a pas occulté la maîtrise des risques liés à la sécurité financière et technologique des systèmes de paiement, la lutte contre la cybercriminalité et la cybersécurité avant d’ajouter l'enjeu de l'interopérabilité des mécanismes de traitement des transactions et la protection des consommateurs, malgré la réduction des coûts des services offerts qu’entraînent les innovations technologiques.
La BCEAO dans le bain depuis longtemps
Tiemoko Meyliet Koné rappelle que, pour répondre à ces défis, la Banque Centrale, dans son rôle de Régulateur et de Superviseur, a engagé plusieurs initiatives tant au niveau de la réglementation que de la modernisation des infrastructures de paiement.
A cet égard, il a cité l'accompagnement, depuis 2012, des Etats pour la digitalisation des paiements publics, avec la mise en place d'un cadre juridique favorable, la connexion des trésors publics aux systèmes de paiement.
In fine, confie-t-il, la Banque Centrale vise le développement d'un écosystème numérique; la définition, en 2013, d'une politique de modernisation continue des systèmes et moyens de paiement, qui vise à renforcer leur solidité ainsi que leur impact sur le développement économique et l'inclusion financière dans la zone.
A cela, M. Koné y greffe, la révision, en 2015, du cadre réglementaire régissant les conditions d'exercice des activités des établissements de monnaie électronique, en vue de garantir une concurrence accrue, la sécurité des transactions et la protection des clients.
En définitive, il a ainsi cité le démarrage, en 2017, de deux importants Projets qui concernent, d'une part, l'accès des institutions de microfinance aux systèmes de paiement et, d'autre part, l'interopérabilité des services financiers numériques.
L'inclusion financière indissociable de l'expansion des innovations technologiques
L’appelle du gouverneur de la BCEAO d’exploiter pleinement le potentiel des technologies financières, en supprimant les obstacles est fait dans un contexte ou le développement remarquable de l'inclusion financière au cours de la dernière décennie ne peut être dissocié de l'expansion des innovations technologiques.
A son avis, l'inclusion financière doit être comprise comme « l'ensemble des réformes conduites, aux plans réglementaires, stratégiques, des infrastructures et du marché, pour tirer davantage profit des innovations, en vue de promouvoir l'accès des populations aux services financiers dans des conditions qui garantissent un bénéfice certain pour toutes les parties prenantes, principalement pour les populations vulnérables ».
M. Koné confie que le développement accéléré des produits de la finance digitale, favorisé par la révolution numérique intervenue au cours des dernières années, a généré des retombées significatives dans les pays en développement tout en consolidant la dynamique d'inclusion financière.
« Les innovations, et en particulier l'adoption de la téléphonie mobile et des smartphones, ont facilité l’élargissement de l’accès aux services financiers aux entreprises et aux populations jusque-là difficiles à atteindre », souligne-t-il.
Avant d’ajouter que les bénéfices sont également perceptibles en termes de célérité et de sécurité des transactions, de réduction des coûts des services, d'émergence de nouveaux modèles d'affaires.
C’est dans cette veine qu’il a brandi le rapport triennal Global Findex de 2017, qui souligne que la proportion de détenteurs d’un compte qui ont envoyé ou reçu des paiements par voie électronique est passée de 67% en 2014 à 76% en 2017 dans le monde et de 57% à 70% dans les pays en développement.
Selon lui, la GSMA, l'association mondiale des opérateurs de téléphonie mobile estime à un milliard de dollars des États-Unis, la valeur moyenne quotidienne des transactions via la téléphonie mobile.
Des opportunités au-delà de la téléphonie mobile
Le gouverneur de la Banque Centrale a vive ment salue la créativité des acteurs qui offrent au monde des espaces d'expression virtuelles et sans limite.
Selon lui, ce potentiel est loin d'être restreint, la téléphonie mobile n'étant pas le seul cas d'usage des innovations favorables à l'inclusion financière.
Tiemoko Meyliet Koné considère que le potentiel pour le développement de l'inclusion financière s'exprime déjà de façon concrète sur le terrain à travers plusieurs applications.
A son avis, l'utilisation majeure des innovations technologiques se situe en premier lieu au niveau des paiements, avec le développement du commerce en ligne, le déploiement des nouvelles solutions d'acceptation et de paiement sans contact, facilitant ainsi « le parcours client » pour utiliser le jargon des experts de la finance digitale.
Ensuite, poursuit le gouverneur de la Banque Centrale, l'identification des populations par la biométrie se répand dans le monde.
Pour lui, ces solutions s'avèrent fort utiles, notamment dans les zones où l'enregistrement des populations demeure encore un défi. Le modèle indien en est une bonne illustration.
Entre autres cas d'application, il y ajoute l'exécution des transferts de fonds des migrants à destination des pays en développement qui, selon la Banque Mondiale, ont atteint 613 milliards de dollars des États-Unis en 2017, en hausse de 7% par rapport à l'année 2016.
« Preuve de la contribution de la technologie au renforcement de l'inclusion financière », souligne M. Koné qui estime que ces fonds permettent aux personnes démunies et aux ménages de réduire leur vulnérabilité aux chocs en améliorant les moyens de subsistance.
Sur cette lancée, le gouverneur de la BCEAO pense que l'utilisation des innovations est également utile pour la mise en œuvre de la surveillance de l'écosystème.
En effet, poursuit-il, l'introduction des algorithmes, des technologies de stockage de données ou blockchain, facilite l'analyse des informations et la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.