La Commission Économique pour l'Afrique (CEA) soutient que les pays africains peuvent accroître les recettes publiques de 12 à 20 % du PIB en adoptant un cadre d'action visant à renforcer la mobilisation des recettes dans six domaines clés. Elle l'a souligné dans son rapport 2019 lancé dans la matinée de ce samedi 23 mars à Marrakech. Ce qui va constituer un début de solution pour combler un déficit de financement de 230 milliards de dollars par an, au minimum, et représentant 11% du PIB.
(Envoyé spécial) – « La politique budgétaire au service du financement du développement durable rapport 2019 ». C'est le titre du Rapport 2019 de la Commission Économique Africaine (CEA), publié ce samedi 23 mars à Marrakech, au Maroc, dans le cadre des travaux de la 52ème session de la Conférence des ministres africains des Finances, de la Planification et du Développement économique.
Ce document qui met l'accent sur le rôle déterminant que joue la politique budgétaire pour attirer les investissements et créer une marge de manœuvre budgétaire suffisante pour soutenir la politique sociale et promouvoir les petites et moyennes entreprises dirigées par des femmes et des jeunes, soutient que les pays africains peuvent accroître les recettes publiques de 12 à 20 % du PIB en adoptant un cadre d'action visant à renforcer la mobilisation des recettes dans six domaines clés.
Il s'agit, selon les experts de la CEA, de faire des options en matière de politique budgétaire. Les équipes de Mme Vera Songwe stipulent que l'ancrage de la politique budgétaire dans les stratégies nationales de financement à moyen terme pourrait permettre aux pays africains de tirer pleinement parti du potentiel de l'ensemble des recettes publiques - fiscales et non fiscales - au service d'une croissance accélérée et soutenue, fondée sur la stabilité macroéconomique.
Pour préserver cette stabilité, poursuivent-ils, les pays doivent aligner leur politique budgétaire sur le cycle économique, en améliorant la mobilisation des recettes et en réduisant les dépenses afin de limiter les pressions liées à l'offre, tout en réduisant les impôts et en augmentant les dépenses lorsque l'activité économique ralentit.
Dans cette même veine, ils mettent le curseur sur les options en matière de politique fiscale. Sur ce point, l'équipe de la CEA considère que les gouvernements africains doivent élargir l'assiette fiscale en soumettant à l'impôt des secteurs difficiles à taxer, notamment l'agriculture, l'économie informelle, l'économie numérique et le secteur des ressources naturelles.
Sous cet angle, elle pense que les pays doivent réévaluer les incitations fiscales et supprimer celles qui ne répondent pas à l'objectif visé. Pour elle, limiter le recours aux incitations fiscales dans les secteurs de l'agriculture et des ressources naturelles pourrait enrayer l'évasion fiscale et améliorer la perception des recettes. Last but least.
Les experts de la CEA n'ont pas occulté les options en matière de recettes non fiscales. A cet effet, ils plaident pour l'investissement dans de meilleures méthodes et techniques de collecte des données qui pourrait renforcer le suivi du recouvrement des recettes non fiscales et des cas de non-déclaration.
A leur avis, le recouvrement des recettes non fiscales peut être amélioré par la mise en place d'institutions solides dotées d'un haut niveau d'expertise, la construction de nouvelles infrastructures et l'établissement d'une coordination efficace entre les gouvernements centraux et les collectivités locales.
Mobiliser 11 % du PIB par an sur les 10 prochaines années pour combler son déficit de financement
Vera Songwe, Secrétaire générale adjointe de l'Organisation des Nations Unies et Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l'Afrique, de son côté, souligne que le rapport est lancé dans un contexte où, à dix ans de l'échéance fixée pour atteindre les ODD, les pays africains continuent de rechercher les combinaisons de mesures susceptibles de les aider à accélérer la réalisation de ces objectifs.
Alors que, pour de nombreux pays, le financement reste le principal goulet d'étranglement, les capacités de mise en œuvre venant immédiatement en deuxième position.
A son avis, si elle veut atteindre les ODD, l'Afrique devra, selon les estimations, mobiliser 11 % de son PIB par an sur les 10 prochaines années pour combler son déficit de financement.
Aujourd'hui, souligne-t-elle, ses recettes fiscales moyennes sont en-deçà de 16 % du PIB. Avant d'indiquer qu'une mobilisation efficace et efficiente des ressources intérieures peut aider à combler une part importante de ce déficit de financement.
Entre autres outils, Mme Songwe estime que la numérisation rapide ouvre aux pays africains des possibilités particulièrement prometteuses d'accroître les recettes, de réduire les coûts de recouvrement et d'étendre la fiscalité à certains secteurs difficiles à taxer, comme l'agro-industrie, l'immobilier et les services, tout en créant un environnement propice au développement du secteur privé et en particulier des petites et moyennes entreprises.
Les exonérations fiscales, une pratique à bannir
Face à cette nouvelle projection, le Secrétaire exécutive de la CEA et son équipe ont pointé du doigt certaines pratiques à bannir. Selon eux, compte tenu de l'évolution de la composition de nombreuses économies, les décideurs doivent examiner l'efficacité des types et des ratios d'imposition.
Sous cet angle, la CEA considère que les exemptions et l'amnistie constituent des failles importantes qui ne servent qu'à accroître les bénéfices des entreprises sans être une motivation essentielle pour investir dans tel ou tel pays.
C'est ainsi qu'elle considère que la Zone de libre-échange continentale africaine devrait stimuler l'investissement et la croissance sans impact négatif significatif à long terme sur les recettes publiques.
Dans cette même dynamique, les auteurs du rapport indiquent que l'amélioration de l'administration des recettes par l'élargissement de l'assiette fiscale et la simplification du recouvrement sont des domaines importants qui pourraient aider à rapporter plus de 99 milliards de dollars chaque année sur les cinq prochaines années.
Elle fait savoir qu'un certain nombre de pays comme l'Ouganda ont récemment amélioré sensiblement le recouvrement de l'impôt, en mettant par exemple en place des systèmes électroniques de déclaration fiscale.