« Depuis l'apparition de la pandémie de Covid-19, les politiques axées sur les femmes et l'égalité des sexes occupent un rôle central dans les programmes de relance de l'Afrique », affirment de hauts responsables chargés du développement en Afrique.
Dans une série multimédia diffusée pendant les Assemblées annuelles 2021 de la Banque africaine de développement (21-23 juin), quatre hauts responsables de la Banque, spécialistes du financement des entreprises dirigées par des femmes, du capital humain et de la jeunesse, de l'agriculture, du développement social et du commerce industriel, partagent leurs points de vue sur la façon dont les femmes ont été touchées par les récents chocs économiques liés au coronavirus et s'expriment sur les perspectives qui s'offrent au continent après la pandémie.
« Les femmes doivent faire partie du processus de prise de décisions [... ] Il est indispensable que l'égalité des sexes, l'entrepreneuriat féminin et l'autonomisation des femmes soient au centre des préoccupations lorsqu'il s'agit de trouver sur le continent des solutions favorables à la résilience économique. C'est la voie à suivre pour remettre l'Afrique sur le chemin de la croissance économique », soutient Atsuko Toda, vice-présidente par intérim de la Banque africaine de développement chargée de l'Agriculture et du Développement humain et social.
L'entretien avec Atsuko Toda et trois hauts responsables de la Banque africaine de développement a été réalisé par Carol Pineau, journaliste et cinéaste chevronnée. Les interviews, diffusées en podcast, ont été réalisées en collaboration avec Foreign Policy Studios. Les participants analysent les opérations menées par la Banque pour favoriser l'accès des femmes aux activités commerciales et au financement et examinent aussi le rôle joué par les femmes dans la reprise économique post-Covid-19 de l'Afrique.
Bien que l'Afrique n'ait pas enregistré des taux élevés de mortalité et d'infections liés au Covid-19 comme observé dans certaines régions du monde, la pandémie a fait des ravages sur le continent en touchant durement les économies dépendantes du tourisme et celles liées aux exportations de pétrole et de ressources naturelles. La crise a aussi aggravé les inégalités.
Afin d'atténuer l'impact de la pandémie, les gouvernements africains ont mis en place des plans de relance et des politiques fiscales et monétaires ciblant les entreprises. Cependant, selon des travaux de recherches menés conjointement par le programme de Discrimination positive en matière de financement pour les femmes d'Afrique (AFAWA) de la Banque africaine de développement, la plupart de ces opérations ne s'attaquent pas aux barrières existantes, ou celles bien ancrées dans les mentalités liées à la discrimination sur le genre qui empêchent les femmes entrepreneures africaines de développer leurs entreprises et de trouver des débouchés commerciaux.
Par exemple, la majorité des entreprises africaines dirigées par des femmes sont dans le secteur informel. « Cela signifie qu'elles ne sont pas déclarées, qu'elles ne paient pas d'impôts et qu'elles n'ont pas d'assurance », affirme Carol Pineau dans son podcast avec Esther Dassanou, directrice de l'AFAWA, une initiative panafricaine de la Banque africaine de développement dont l'objectif est de combler le déficit de financement de 42 milliards de dollars américains qui fait défaut aux femmes entrepreneures africaines.
Durant la pandémie, les aides financières des gouvernements africains aux entreprises officiellement déclarées n'ont pas bénéficié aux entreprises dirigées par des femmes qui se sont retrouvées désavantagées, regrette Esther Dassanou.
« Tant que les femmes entrepreneures resteront confinées dans le secteur informel, nous ne les verrons pas vraiment bénéficier de tous ces différents investissements », estime la directrice d'AFAWA.
Directeur du Département du développement industriel et commercial à la Banque africaine de développement, Abdu Mukhtar, rappelle dans ce podcast que lorsque les femmes ont un accès égal à des emplois décents et à des possibilités d'investissement, leur croissance économique est synonyme de reprise économique pour l'Afrique.
« Les principaux secteurs qui devraient être à pied d'œuvre pour une vraie reprise sont l'agriculture, l'agro-industrie, les industries de services (et) les industries manufacturières. Ce sont les secteurs où les femmes sont les plus présentes », rappelle Abdu Mukhtar, soulignant qu'il est nécessaire de faire entrer dans l'économie formelle davantage d'entreprises dirigées par des femmes.
Martha T.M. Phiri, directrice du Département du capital humain, de la jeunesse et du développement des compétences à la Banque africaine de développement affirme que l'Afrique ne doit pas seulement préparer les femmes à des emplois, mais aussi à des emplois de qualité. Elle explique que la Banque africaine de développement concentre ses efforts sur des projets et des initiatives axés sur les compétences dans les domaines des sciences, des technologies, de l'ingénierie scientifique et des mathématiques connues sous le sigle « STEM ».
« Si nous voulons transformer l'Afrique, il est fondamental d'investir dans les ressources humaines », affirme Martha T.M. Phiri évoquant avec la journaliste Carol Pineau, le concours « Africa vs Virus Challenge», organisé par la Banque en avril dernier, qui a permis à des jeunes africains de trouver des solutions innovantes pour aider les communautés à survivre à la pandémie et à se relever. Martha T.M. Phiri s'est félicitée du travail d'un des lauréats du concours, une start-up scientifique et technologique dirigée en Éthiopie par des femmes, qui utilise des drones pour distribuer des tests de dépistage du Covid-19 à partir des centres médicaux régionaux vers les dispensaires situés dans les zones rurales du pays.
« Cette entreprise ne sauve pas seulement des vies, elle contribue aussi à l'amélioration des moyens de subsistance. C'est le type d'innovation, le type de créneau où les femmes doivent être présentes après la pandémie de Covid-19 », a exhorté Mme Phiri.
Pour écouter la série en quatre parties des podcasts sponsorisés, cliquez ici.