Au Kenya, le projet de raccordement du dernier kilomètre rend accessible l'électricité à tous

12 Août 2021
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African Development Bank (Abidjan)
communiqué de presse

"...L'accès à l'électricité est avant tout un droit pour chaque citoyen, et il est donc du devoir du gouvernement du Kenya de fournir de l'électricité à tous" - George Tarus, chef de projet KPLC du projet de raccordement électrique du dernier kilomètre.

Il est 6 heures du matin. Jacqueline Mwendo arrive au dispensaire d'Olosho-Oibor, village situé sur un territoire isolé du comté de Kajiado, au sud de Nairobi, la capitale du Kenya. La population y est particulièrement vulnérable.

Aux premières lueurs du jour, une dizaine de patients attendent Jacqueline au dispensaire. Cette infirmière dirige seule le petit centre de santé depuis deux ans. En plus des consultations, elle s'occupe de l'administration, de la gestion et de l'entretien du centre médical.

Avec toutes ces tâches, elle est vite débordée. Cependant, depuis quelques mois, son travail est facilité par l'arrivée de l'électricité : « Avant, nous n'avions qu'un petit panneau photovoltaïque, se souvient Jacqueline. On était tributaire de la météo et la faiblesse du courant ne me permettait pas d'alimenter un réfrigérateur pour conserver les médicaments et les vaccins ». Ironie du sort, à quelques centaines de mètres, sur la crête de la colline, une vingtaine d'éoliennes dominent le paysage.

Le petit dispensaire de campagne est désormais raccordé au réseau national. Grâce à une électricité fiable et régulière, Jacqueline Mwendo peut désormais connecter un ordinateur pour passer ses commandes de médicaments, envoyer ses rapports, mais surtout, elle peut utiliser un stérilisateur de seringues et un monitoring médical. Lorsqu'une urgence survient en pleine nuit, elle peut aussi recevoir ses patients à la lueur d'une lampe électrique. « Avec l'arrivée de l'électricité, mon travail au quotidien s'est amélioré, et tous les patients en bénéficient : c'est un changement vital », se félicite-t-elle.

En 2017, le gouvernement kenyan a lancé le « Projet de raccordement du dernier kilomètre », avec l'objectif de raccorder au réseau électrique national les 47% des habitants privés d'électricité dans les régions les plus reculées. Les populations à faibles revenus sont particulièrement ciblées. Sans électricité, les perspectives d'avenir sont limitées. Le projet vise à réduire la pauvreté et à améliorer les conditions de vie des bénéficiaires, à l'image de Peter Muthoka, un agriculteur.

Sur les coteaux du Parc national d'Ol Donyo Sabuk, ses champs offrent une vue imprenable sur la montagne. Mais pour Peter Muthoka, sans électricité, l'heure n'était pas à la contemplation. Privé dès la naissance de sa main gauche, il n'avait d'autre recours que l'utilisation d'une pompe électrique pour puiser l'eau nécessaire à la croissance de ses quelques arpents de maïs. Pour irriguer, Peter utilisait donc un générateur polluant et gourmand en pétrole... et donc en shilling.

Pourtant, à quelques centaines de mètres de là, un transformateur basse tension avait été installé il y a quelques années par la Compagnie d'électricité et d'éclairage du Kenya (KPLC), mais l'investissement pour étendre le réseau jusqu'à son puits était trop onéreux, et Peter était frustré de « voir » l'électricité sans en bénéficier.

Depuis, un véritable changement de paradigme a motivé le gouvernement kenyan, comme l'explique George Tarus, chef de projet du « Projet de raccordement du dernier kilomètre » : « ce projet n'est pas rentable mais l'accès à l'énergie est avant tout un droit et nous nous devons de donner l'électricité à tous. »

La compagnie KPLC optimise l'utilisation de ses 45 000 transformateurs de distribution à travers le pays. Elle fournit de l'électricité aux habitants dans un rayon de 600 mètres autour d'un transformateur.

Peter Muthoka fut l'un des premiers bénéficiaires du projet. Une fois raccordé, il a pu pomper beaucoup plus d'eau et a réinvesti ses économies en essence pour augmenter sa capacité de production. Aujourd'hui, il cultive des tomates et davantage de maïs qu'il vend avec sa femme sur le marché. « Si je continue comme cela, je construirais une belle maison ici sur mon terrain pour y accueillir toute ma famille et y vivre mes derniers jours », espère-t-il.

À travers ce projet, tout le pays marche sur la voie du développement. Aussi la Banque africaine de développement a financé ce projet à travers un prêt de 135 millions de dollars. « On avait besoin de la Banque africaine de développement, car mettre en place un tel projet suppose beaucoup de fonds », précise George Tarus, conscient que la Banque est le partenaire incontournable du développement africain. Depuis sa création en 1964, l'institution panafricaine fait de l'électricité l'un des leviers de la croissance continentale : d'une part, l'accès à l'énergie améliore les conditions de vie des populations ; d'autre part, elle favorise la création d'entreprises et d'emplois. C'est le cas de Joël Kasiva, un père de famille de Mwatate, dans le comté de Machakos.

Avant l'arrivée de l'électricité, Joël Kasiva vivait avec ses deux fils dans une maison sans électricité. Chaque jour, il se rendait en moto taxi à Tala, la grande ville la plus proche de son village, dans l'espoir d'y trouver un emploi et de rapporter un peu d'argent pour nourrir sa famille. Ses revenus étaient dérisoires, ses conditions de vie très difficiles. Mais en 2019, quand sa parcelle fut connectée au réseau basse tension, Joël construisit d'abord une épicerie, avant de se lancer dans un salon de coiffure : fer à friser, sèche-cheveux, tondeuse, avec aujourd'hui une télévision. Son petit commerce ne désemplit pas. « Avec cette connexion et le business, j'ai plus de revenus pour l'école, pour la santé et j'épargne pour le futur, se félicite-t-il. Je suis heureux ! Mon fils veut devenir disc-jockey. J'ai pu lui offrir une formation et lui acheter du matériel. »

Dans son village, Joël Kasiva est un exemple. De nombreux éleveurs ont vécu l'arrivée de l'électricité comme une véritable bénédiction : moulin, broyeuse à fourrage, chauffeuse... les bienfaits de l'électricité sont nombreux.

En comptant les abonnés professionnels et les particuliers, le taux d'électrification au Kenya passerait de 53% en 2016 à 75% début 2021. Le gouvernement kenyan et KPLC ne comptent pas en rester là. Il y a un an, la Banque africaine de développement leur a octroyé un deuxième financement. Le nouvel objectif est de raccorder, au minimum, 285 000 particuliers et 15 000 commerciaux. De nouvelles lignes basse tension et de nouveaux transformateurs seront installés. En parallèle, le Kenya continuera d'investir dans les énergies renouvelables, en particulier l'éolien et le solaire, pour faire en sorte que le pays demeure autosuffisant en énergie.

Atteindre 100% d'électrification d'ici à 2026 n'est plus une chimère. Pour Peter Muthoka, cet objectif est déterminant car, « sans électricité, les Kenyans resteront dans l'obscurité ». Pays aux mille couleurs, le Kenya veut continuer à briller sur la scène internationale

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