Le Forum mondial de l'eau, qui se tient cette semaine à Dakar, au Sénégal, est un rappel opportun du retard qu'accuse le monde sur son engagement à parvenir à l'accès universel à un assainissement adéquat d'ici 2030.
L'accès aux services d'assainissement et d'hygiène de base est une préoccupation majeure à l'échelle mondiale, avec 3,6 milliards de personnes vivant sans assainissement amélioré et 2,3 milliards vivant sans hygiène de base en 2020.
Chez AMCOW, Speak Up Africa, l'UNICEF et Water & Sanitation for the Urban Poor (WSUP), nous pensons que nous pouvons renverser la situation grâce aux Directives africaines pour l'élaboration des politiques d'assainissement en Afrique (ASPG), une initiative lancée l'année dernière pour contribuer à améliorer les politiques nationales et infranationales d'assainissement et d'hygiène à travers le continent.
Les directives fournissent au continent des normes essentielles pour l'amélioration des politiques d'assainissement et d'hygiène, donnant aux gouvernements nationaux une structure qui les aidera à tourner la page sur l'état actuel des services d'assainissement et d'hygiène inadéquats pour ses populations.
Ceci dit les orientations politiques peuvent-elles être mises en œuvre et le seront-elles ? Nous avons examiné de près les implications des six domaines des directives et sommes convaincus que cela aidera les pays à hiérarchiser les interventions clés à mettre en place.
Les exemples suivants démontrent comment les nations africaines peuvent mettre en place les systèmes pour assurer l'accès universel à un assainissement sûr.
Systèmes et services d'assainissement, Afrique du Sud. Depuis les années 2000, les autorités locales ont relevé les défis de l'assainissement dans la région de Durban avec une approche décentralisée, dans laquelle les systèmes d'assainissement autonomes ont été améliorés et adoptés comme des solutions viables, efficaces et rentables. L'installation de milliers de blocs sanitaires et de toilettes à séparation d'urine a également fourni des options d'assainissement pour les établissements informels, avec une approche qui cherchait à maximiser à la fois les capacités financières et les caractéristiques du terrain et des communautés locales.
Hygiène et changement de comportement, Rwanda. Souvent, le changement de comportement - une partie importante des améliorations vitales de l'hygiène - est absent des politiques nationales EAH, qui sont davantage axées sur la prestation de services. Cependant, au Rwanda, une stratégie nationale de lavage des mains donne des résultats positifs, même malgré les défis lancés par Covid-19. En février 2021, un rapport de l'USAID indiquait que « les niveaux de lavage des mains autodéclarés sont élevés au Rwanda pendant la période de pandémie ».
Dispositions institutionnelles, Sénégal. Le manque de clarté dans les mandats institutionnels et les responsabilités respectives entrave les efforts visant à fournir des services d'assainissement et d'hygiène en Afrique et dans de nombreux pays en développement à travers le monde. Le Sénégal a lancé un programme conçu pour mettre à jour les documents de politique et de stratégie d'assainissement et clarifier les rôles et les responsabilités des parties prenantes. Le programme contribue à accroître l'efficacité et la coordination entre les institutions nationales et les autorités de l'ensemble du secteur.
Régulation, Zambie. Des réglementations efficaces sont essentielles pour garantir un système d'assainissement solide qui puisse fournir des services adéquats à tous. En Zambie, la création en 2018 d'un cadre réglementaire pour la gestion des déchets d'assainissement dans les communautés urbaines a été une avancée majeure. Ce cadre, combiné à des normes améliorées pour les technologies d'assainissement et à un nouveau programme de surveillance de la qualité des eaux usées, stimule l'action non seulement des services publics d'eau et d'assainissement du pays, mais aussi du secteur privé.
Développement des capacités, Afrique du Sud. En Afrique du Sud, le gouvernement national a fait des progrès dans le renforcement des compétences de la main-d'œuvre de l'assainissement. Suite à l'achèvement d'une analyse des lacunes en matière de compétences en 2015, une série de programmes de formation ont été introduits dans diverses institutions du secteur public, notamment le Département de l'eau et de l'assainissement, les municipalités, les agences de gestion des bassins versants et les offices des eaux. Le plan directeur national de l'eau et de l'assainissement du pays comprend un chapitre consacré au renforcement des capacités, reconnaissant que ses ambitions ne seront pas atteintes "sans aborder la question des capacités - les personnes qualifiées nécessaires pour entreprendre le travail".
Financement, Tchad. Traditionnellement, les investissements du secteur public dans l'assainissement en Afrique se sont concentrés sur l'assainissement collectif, mais cela est en train de changer maintenant que l'on reconnaît de plus en plus que les services d'assainissement autonomes sont beaucoup plus rentables et peuvent atteindre une plus grande partie de la population. Le Tchad, pays qui au début des années 2000 ne disposait quasiment pas d'infrastructures d'assainissement, a fait des progrès significatifs dans sa manière d'investir dans l'assainissement et par conséquent la proportion de la population ayant accès à des toilettes améliorées avait atteint 16,1% en 2019. Les bailleurs de fonds externes, notamment la Banque africaine de développement et l'Union européenne, ont joué un rôle important.
Chacun de ces exemples ne représente qu'une pièce du puzzle de la riposte à la crise de l'assainissement. Mais il s'agit néanmoins d'un bon début qui montre qu'il est possible de faire des progrès significatifs sur les six éléments décrits dans les Directives africaines d'élaboration des politiques d'assainissement. Nous avons à présent besoin que les pays reproduisent et combinent rapidement ces succès pour apporter un changement durable.
Avec la volonté politique de concevoir les bonnes politiques vers un objectif commun, les Directives africaines d'élaboration des politiques d'assainissement devraient générer un haut niveau de confiance et de certitude parmi les autorités du continent.
Le cadre d'action existe : nous pouvons y arriver.
AMCOW
Speak Up Africa
UNICEF
Water & Sanitation for the Urban Poor (WSUP)