Afrique: L'Afrique est confrontée à un autre défi concernant la polio

10 Juin 2022

Suite à l'apparition d'un cas de poliovirus sauvage indigène de type 1 au Malawi, Rose Gana Fomban Leke, présidente de la Commission régionale africaine de certification pour l'éradication de la polio, appelle à prendre des mesures pour éradiquer toutes les formes de polio sur le continent.

Après des années de collaboration pour débarrasser l'Afrique du poliovirus sauvage indigène de type 1, et après avoir eu l'honneur de certifier la région exempte de poliomyélite sauvage en 2020, la nouvelle que ce virus a de nouveau paralysé une jeune fille de trois ans au Malawi a été perçue comme un échec personnel.

Ce cas -- et un cas similaire au Mozambique en mars-- n'affecte pas le statut d'Afrique exempte de poliomyélite sauvage, puisque le virus est venu de l'extérieur de la région, et je suis convaincue que les campagnes de vaccination multi-pays déjà en cours permettront d'éradiquer rapidement ce virus. Toutefois, il s'agit d'un rappel ferme que le travail n'est pas terminé tant que toutes les formes de poliovirus ne sont pas éradiquées partout.

En Afrique, cela signifie qu'il est urgent de mettre fin à une autre menace : une variante dangereuse du poliovirus qui se propage rapidement à travers le continent.

Depuis le début de 2020, cette variante du poliovirus -- connue sous le nom de poliovirus circulant de type 2 dérivé d'une souche vaccinale (PVDVc2) -- a paralysé plus de 1 100 enfants dans 24 pays d'Afrique.

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L'augmentation du nombre de cas est due en partie à la pause de quatre mois dans les activités de vaccination contre la polio en 2020, lorsque les pays ont commencé à mettre en œuvre des mesures restrictives pour empêcher la propagation de la COVID-19.

Les PVDVc2 apparaissent lorsqu'un nombre insuffisant d'enfants dans une communauté donnée ont été vaccinés. Si le virus vivant et affaibli contenu à l'origine dans le vaccin antipoliomyélitique oral est capable de circuler trop longtemps dans des communautés où la couverture vaccinale est faible et l'assainissement insuffisant, il est susceptible de reprendre une forme pouvant paralyser.

Le poliovirus sauvage, quant à lui, est présent naturellement dans l'environnement et n'est aujourd'hui endémique qu'au Pakistan et en Afghanistan.

Flambées épidémiques

Malgré la récente augmentation inquiétante des PVDVc2 dans la région africaine, les campagnes de vaccination ont souvent été lancées trop tard pour ralentir la propagation de la maladie ou n'ont pas touché suffisamment d'enfants. Si des mesures ne sont pas prises d'urgence, ces flambées épidémiques de polio se propageront davantage et paralyseront potentiellement des milliers d'autres enfants.

Ayant dirigé la certification de la région africaine comme exempte de poliomyélite sauvage, je sais ce que nous pouvons accomplir lorsque tout le monde s'engage à protéger les enfants avec des vaccins contre la polio.

Ce succès monumental est le résultat de décennies d'efforts de la part des gouvernements, des agents de santé, des chefs traditionnels et communautaires, ainsi que des partenaires mondiaux dont les rotariens, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) des États-Unis, la Fondation Bill & Melinda Gates, Gavi, l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'UNICEF et la Fondation Dangote. Il a rapproché le monde d'un avenir exempt de toutes les formes de poliomyélite. J'en appelle à nouveau à ce type d'engagement.Heureusement que nous disposons de connaissances, d'outils et de stratégies qui ont fait leurs preuves et qui ont été utilisés pour mettre fin à la poliomyélite sauvage, et qui constituent la base de ce dont nous avons besoin pour éradiquer les PVDVc2.

Les gouvernements devraient travailler ensemble pour mettre en œuvre des campagnes coordonnées de haute qualité pour lutter contre la poliomyélite et collaborer avec les dirigeants locaux afin d'engager efficacement les communautés à encourager l'adoption du vaccin antipoliomyélitique.

Grâce au soutien continu des partenaires, ils devront soutenir les agents de santé qui traversent inlassablement les zones touchées à pied, en bateau et à vélo pour atteindre les enfants des communautés isolées.

L'action rapide des gouvernements est essentielle. Dès qu'une flambée épidémique est détectée, il convient de mettre en place un plan de campagne de vaccination et de mobiliser les ressources administratives, financières et humaines disponibles pour le mettre pleinement en œuvre. Tout retard ne fera que mettre davantage d'enfants en danger.

Equipes d'intervention rapide

L'Initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite (IMEP) apporte son soutien et est prête à déployer des équipes d'intervention rapide pour apporter une aide supplémentaire aux pays qui connaissent des flambées épidémiques.

Ce travail est en cours au Malawi, au Mozambique et dans les pays voisins où les gouvernements ont réagi rapidement. Il s'appuie sur le succès de ces équipes multidisciplinaires qui ont aidé les pays à éradiquer les flambées épidémiques dans le passé.

En outre, un nouvel outil -- le nouveau vaccin antipoliomyélitique oral de type 2 (nVPO2) -- sera de plus en plus disponible tout au long de cette année pour les pays confrontés aux PVDVc.

Le nVPO2, dont l'innocuité et l'efficacité ont été prouvées et qui pourrait contribuer de manière plus durable à éradiquer les flambées épidémiques de PVDVc, a déjà été utilisé dans plus de 15 pays africains, touchant plus de 80 millions d'enfants de moins de cinq ans. L'approvisionnement et l'utilisation constants de ce nouveau vaccin sont grandement nécessaires.Alors que le déploiement de ce vaccin se poursuit dans toute la région, il est absolument nécessaire de rappeler qu'aucun vaccin, aussi efficace soit-il, ne fera la différence en l'absence de campagnes de vaccination complètes, efficaces et de qualité.

En août 2021, un an après la certification de l'Afrique comme étant exempte de poliomyélite sauvage, j'ai présidé un événement parallèle spécial sur la polio organisé en marge de la réunion du Comité régional africain de l'OMS. Il était réconfortant d'entendre les engagements pris ce jour-là par les ministres de la Santé de tout le continent en faveur d'un monde sans poliomyélite.

Nous disposons des outils et de l'expertise nécessaires pour protéger les enfants de la paralysie. Les pays touchés devraient donc continuer à placer la polio en tête de leurs programmes nationaux de santé si nous voulons empêcher la propagation de ces flambées épidémiques.

Ensemble, nous avons débarrassé l'Afrique du poliovirus sauvage indigène et, dès son retour en tant que poliovirus importé, nous nous sommes mobilisés rapidement pour le contenir. Nous devons agir avec la même urgence pour éradiquer une fois pour toutes les variantes de poliovirus. Un avenir exempt de toute forme de polio est possible.

Rose Gana Fomban Leke est professeure émérite d'immunologie et de parasitologie à l'Université de Yaoundé, au Cameroun, et présidente de la Commission régionale africaine de certification pour l'éradication de la polio (ARCC).

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