Assemblées annuelles 2024 - Les pays africains appelés à définir une position commune pour peser sur une réforme de l'architecture financière mondiale

24 Avril 2024
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African Development Bank (Abidjan)
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« La problématique du financement restera entière tant que perdurent les règles et pratiques de la gouvernance économique et financière mondiale qui entravent l'accès de nos pays à des ressources conséquentes, et à des conditions soutenables ».

À l'occasion du 2e Sommet sur le financement des infrastructures en Afrique il y a un an à Diamniadio, près de Dakar, le président sénégalais, Macky Sall, alors président en exercice de l'Union africaine, posait, en une phrase, la problématique du financement du développement en Afrique.

L'architecture financière mondiale, telle qu'elle existe aujourd'hui, pénalise grandement les pays du continent.

L'Afrique fait face au poids de la dette et les pays africains éprouvent aussi d'énormes difficultés à accéder aux financements concessionnels. Le président du Groupe de la Banque africaine de développement, Akinwumi A. Adesina, n'a eu de cesse de tirer la sonnette d'alarme. « La dette extérieure totale de l'Afrique, estimée à 1 100 milliards de dollars en 2022 et prévue à 1 300 milliards de dollars fin 2023, est troublante, déclarait-il par exemple au Forum de Doha en décembre 2023. Vingt-cinq pays d'Afrique sont en situation de surendettement ou présentent un risque élevé de surendettement... Une approche multilatérale exige que nous comprenions la structure de la dette elle-même. »

En outre, lorsque les pays africains font face à des situations d'urgence comme les catastrophes naturelles, il leur est difficile d'avoir accès aux guichets de financement d'urgence. Et que dire du risque d'investissement en Afrique qui est toujours plus élevé que le risque réel, ou de la distorsion des règles du commerce international induites par les subventions des pays développés en interne ou à l'exportation, ou encore les taxes aux frontières qui pénalisent les exportations africaines. Selon les Nations unies, l'Afrique aura besoin de 1 300 milliards de dollars par an pour financer ses Objectifs de développement durable à l'horizon 2030.

Pour faire face à cette distorsion, considérée comme une injustice par les pays africains, le Groupe de la Banque africaine de développement approfondira la réflexion lors de ses Assemblées annuelles qui se tiennent du 27 au 31 mai prochain, à Nairobi, au Kenya, sur le thème : « La transformation de l'Afrique, le Groupe de la Banque africaine de développement et la réforme de l'architecture financière mondiale ».

Selon son président, Akinwumi Adesina, connu pour son discours franc et direct, « l'architecture financière mondiale devrait être plus réactive, inclusive, responsable et repensée pour soutenir le développement accéléré du monde, en particulier celui de l'Afrique ». Dans son fonctionnement actuel, elle entrave, dénonce-t-il, le développement de l'Afrique à plus d'un titre.

Premièrement, les ressources qu'elle fournit sont insuffisantes pour permettre à l'Afrique de réaliser ses priorités en matière de croissance et de développement.

Deuxièmement, elle n'offre pas un financement climatique à l'échelle nécessaire pour permettre à l'Afrique de s'adapter aux changements climatiques. En effet, l'Afrique, qui ne représente que 3 % des émissions de carbone, souffre de manière disproportionnée des changements climatiques, avec des pertes annuelles de 7 à 15 milliards de dollars, qui devraient atteindre 40 à 50 milliards de dollars par an d'ici à 2040. Pourtant, la Banque africaine de développement évalue le déficit de financement climatique de l'Afrique à 213 milliards de dollars par an jusqu'en 2030.

Troisièmement, il est difficile de parvenir à une restructuration ordonnée de la dette, qui traîne en longueur et s'avère coûteuse, ce qui pose des risques pour les pays africains confrontés au surendettement.

Quatrièmement, l'architecture financière mondiale biaise la répartition des ressources financières internationales d'urgence en faveur des pays les plus riches qui en ont le moins besoin. Par exemple, sur les 650 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux émis par le Fonds monétaire international, l'Afrique n'a reçu que 33 milliards de dollars, soit 4,5 %.

Cinquièmement, elle apporte des réponses budgétaires inégales aux pays en développement en cas de chocs mondiaux, comme l'a illustré la pandémie de Covid-19. Alors que le montant total des mesures budgétaires prises pour lutter contre la pandémie s'élevait à 17 000 milliards de dollars, soit 19 % du PIB mondial, l'Afrique n'a reçu que 89 milliards de dollars, ce qui représente 0,5 % de la valeur mondiale.

Ces distorsions de l'accès aux financements ne sont pas sans conséquence pour les populations africaines. En 2021, la Banque africaine de développement a évalué à 29 millions le nombre d'Africains qui ont basculé dans l'extrême pauvreté et environ 22 millions d'emplois perdus sur le continent à cause de la pandémie de Covid-19. L'Indice mondial de vulnérabilité climatique 2022 souligne que neuf des dix pays les plus vulnérables du monde en matière climatique (Tchad, République centrafricaine, Érythrée, Guinée-Bissau, République démocratique du Congo, Soudan, Niger, Afghanistan, Liberia et Somalie) sont en Afrique - le continent qui reçoit le moins de financement climatique.

Les Assemblées annuelles du Groupe de la Banque à Nairobi devraient être un conclave clé pour les pays africains. Il sera question de savoir ce que les institutions de financement peuvent faire en mieux et comment elles peuvent améliorer leurs modèles opérationnels actuels pour prendre en compte les besoins réels en Afrique.

« L'architecture financière internationale a un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre l'insécurité alimentaire dans le monde, le changement climatique, une dette sans cesse croissante, les effets perturbateurs du Covid-19, en plus de contribuer à une préparation plus efficace pour faire face à une future pandémie. Cela est essentiel pour un avenir qui est déjà là », préconisait déjà en 2023 M. Adesina, dans une tribune, au journal français Le Monde.

Les pays africains devraient repartir de leur conclave de Nairobi armés pour prendre part efficacement aux discussions mondiales sur la réforme du système financier international, notamment celles portant sur les institutions financières internationales. Le continent devra aussi en sortir doté de solides arguments pour peser sur les discussions internationales relatives à la coopération sur la fiscalité internationale, d'autant plus que les pays africains sont les plus pénalisés en matière d'évasion et de fraude fiscales et autres transactions fiscales illicites. De même, l'Afrique demeure à ce jour, la seule région du monde à ne pas disposer de réserves de liquidités pour se protéger contre les chocs.

Sur toutes ces questions, Nairobi permettra aux pays africains de contribuer qualitativement aux débats sur la réforme du système financier mondial.

Les Assemblées de Nairobi devraient être sans doute le point de départ pour le continent d'exiger davantage de justice. Comme le dit la sous-secrétaire générale des Nations unies, Amina J. Mohammed : « Le monde n'est pas confronté à une crise des ressources, mais à une crise du partage ».

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