Maroc: Le personnel médical laissé pour compte

Elle n ' est pas si nouvelle que ça, la nouvelle recette pour la réforme du système de santé

"Création d'une Haute autorité de la santé, mise en place d'une Agence marocaine du sang et une autre pour médicaments et produits de la santé, digitalisation du système de santé national, augmentation progressive du nombre des étudiants dans les facultés de médecine et de pharmacie publiques de 20% puis 40% à la fin du mandat du gouvernement, mise en place des groupes régionaux de santé avec une offre complète réunissant l'ensemble des infrastructures de santé pour un parcours clair de prise en charge des patients, réhabilitation des centres de santé... ", telle est la recette préparée par le gouvernement Akhannouch pour la réforme du secteur de la santé.

Intervenant lors de la séance plénière de la Chambre des représentants consacrée aux questions orales autour de la politique publique de santé, Aziz Akhannouch a évoqué, soi-disant, " une nouvelle vision pour la réforme " basée sur " une approche globale qui touche l'ensemble des domaines, avec une démarche menée aux niveaux régional et local pour améliorer l'accès aux soins, notamment à travers l'établissement d'une carte régionale de la santé ".

Pour certains professionnels du secteur de la santé, les réformes proposées sont des demandes anciennes déjà sollicitées par les syndicats et les praticiens, et ce à maintes reprises. " En effet, les mesures annoncées par Akhannouch étaient censées être mises en place il y a si longtemps. Tel est le cas par exemple de la carte sanitaire qui est une condition sine qua non avant d'entamer n'importe quelle réforme puisqu'elle permet de cerner l'offre de soins de santé dans ses trois composantes, à savoir infrastructures, ressources humaines et équipements lourds.

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Idem pour l'informatisation et la digitalisation du système de santé déjà évoquées dans une demande ancienne des médecins et qui n'a jamais été prise en compte ainsi que pour l'idée de créer des CHU dans chaque région et la mise en place des Groupements sanitaires régionaux ", nous a indiqué Badreddine Dassouli, président d'honneur du Syndicat national des médecins du secteur libéral (SNMSL). Et d'ajouter : " Les réformes du secteur ne datent pas d'aujourd'hui, mais la vraie question est de savoir s'il y a une vraie volonté de réforme ou pas ".

Pour d'autres professionnels, la réforme proposée par l'Exécutif pèche par l'absence d'une vraie vision concernant la pièce maîtresse de toute réforme, à savoir le personnel médical. Selon eux, toute réforme est condamnée à l'échec faute d'un personnel médical bien formé et en nombre suffisant. " Les expériences mondiales en la matière démontrent que les infrastructures sanitaires même les plus performantes ne valent rien sans un personnel de qualité ", nous a confié Mohammed, médecin. Et de préciser : " Prenez l'exemple du système de santé cubain qui dispose des meilleurs médecins et qui offre les meilleurs soins alors que le pays ne dispose ni d'infrastructures adéquates ni de budgets énormes ".

Selon ce médecin casablancais, la situation du personnel médical est alarmante comme en témoigne le nombre de plus en plus important d'abandon de postes de la part des médecins. Et ces personnes choisissent par la force des choses l'exil puisqu'elles ne peuvent plus pratiquer la médecine au Maroc et parce qu'elles doivent payer à l'Etat des sommes énormes allant jusqu'à 1.000.000 de DH.

Mly Mehdi Fatmi "La nécessité de formuler une politique publique coordonnée et crédible passe par l'adoption d'une charte nationale de santé".

Face à cette situation, ces médecins déserteurs immigrent vers l'étranger pour rembourser leur dette envers l'Etat et s'affranchir de la tutelle du ministère de la Santé. " Pis, l'Etat refuse souvent d'accepter la démission de ces médecins même s'ils disposent des sommes d'argent nécessaires ", a-t-il confié.

Cependant, Badreddine Dassouli estime qu'il ne faut pas se focaliser seulement sur les médecins puisqu'il y a aussi toute une chaîne de personnel qui doit être reconsidérée (infirmiers, ambulanciers, administrateurs,... ). " Une structure sanitaire ne fonctionne pas uniquement avec les médecins ", a-t-il noté. Et de poursuivre : " La réforme du système de santé n'est pas l'affaire du seul ministère de la Santé, elle est l'affaire de tous. La santé ne doit pas être perçue dans une perspective étroite. Il faut l'implication d'autres secteurs ministériels, la société civile, et surtout les professionnels de la santé. Ces derniers doivent être impliqués dans toute vision de réforme et doivent être au moins consultés puisqu'il s'agit d'hommes et de femmes de terrain qui savent pertinemment où le bât blesse ".

A ce propos, notre interlocuteur considère que la réponse à la question de pénurie du personnel médical passe par faciliter l'accès aux facultés de médecine, réduire les années d'étude et prendre en compte les spécificités du secteur de la santé dominé par des femmes médecins.

Des attentes et des demandes qui trouvent écho dans l'intervention de Mly Mehdi Fatmi, au nom du Groupe socialiste à la Chambre des représentants, qui estime que la nécessité de formuler une politique publique coordonnée et crédible passe par l'adoption d'une "charte nationale de santé" en concertation avec toutes les parties prenantes pour définir les responsabilités et les domaines d'intervention afin d'assurer l'accès universel aux services de santé; l'organisation d'un dialogue national élargi pour réformer le cadre légal, institutionnel et réglementaire du système de santé, notamment la mise en place d'un Conseil national de la santé, l'intégration des politiques et programmes de santé dans une perspective stratégique unifiée selon les catégories, les thèmes et les fonctions fondamentales de la santé publique.

Les députés usfpéistes soutiennent que la réforme du secteur passe par le développement de la gouvernance du système de santé à travers la bonne activation de la régionalisation avancée, et le développement d'un système de suivi et d'octroi des ressources en tenant compte des facteurs démographiques et épidémiologiques des diverses parties; la révision de la structure organisationnelle du ministère de la Santé, avec la restructuration du système de soins dans le cadre d'un schéma managérial de décentralisation dans lequel l'autorité occupe une place éminente; l'institutionnalisation du travail participatif et le développement des mécanismes de coordination afin de jeter les bases solides d'un partenariat entre les secteurs public et privé, la société civile et les groupements du sol ; l'adoption d'une nouvelle stratégie de réforme des établissements de santé, en les regroupant dans le cadre de pôles régionaux tout en leur accordant une pleine indépendance.

Et comme tout projet de réforme a besoin de moyens financiers conséquents, le Groupe socialiste pense améliorer le financement de la santé grâce à la réforme de ce secteur, en adoptant un système global reposant sur l'augmentation des financements publics tout en l'accompagnant d'une rationalisation des dépenses et d'une amélioration de la gestion, avec une augmentation de son budget de 10%; la révision de la nouvelle politique de fixation des prix des médicaments en les soumettant au prix le plus bas des pays de comparaison au lieu de la moyenne, avec une révision de leur système fiscal, et le contrôle des mécanismes de commercialisation des fournitures médicales et la connaissance de leurs prix.

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