Afrique: Palais de l'Elysée - Quatre objectifs déclinés pour refonder les relations France-Afrique

8 Juillet 2022

Le second mandat du Président français Emmanuel Macron qui s'ouvre cherchera à atteindre des objectifs précis : consolider les relations France-Afrique, soutenir la société civile et promouvoir l'entrepreneuriat des jeunes du continent.

PARIS- Emmanuel Macron entend mettre à profit son second mandat pour renforcer et consolider les liens " privilégiés et historiques " qui lient la France au continent africain. C'est du moins ce qu'a fait savoir l'Élysée, mercredi dernier, à des journalistes africains en visite dans la capitale française. " Nous inaugurons un second mandat. Et il s'agira, pour les cinq prochaines années, de mieux écouter les forces vives d'un continent qui reste un partenaire privilégié à écouter et à accompagner ", a déclaré un diplomate français sous le couvert de l'anonymat, soutenant que l'Élysée s'est déjà fixé quatre objectifs pour concrétiser sa vision de ce qu'il appelle " le nouveau départ " avec l'Afrique qui sera bénéfique aux deux parties. Le premier cherchera à intensifier et à consolider les relations avec des pays " historiquement partenaires " de la France comme le Sénégal, la Côte d'Ivoire, entre autres. Mais, Paris souhaite aussi s'ouvrir à d'autres pays africains. Et c'est cela qui explique, selon l'Élysée, les déplacements du Président Macron, lors de son premier mandat, au Nigeria, au Ghana, en Éthiopie et au Kenya. Des pays avec qui la France avait des " relations bilatérales jugées faibles, mais qui vont être améliorées ".

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Le deuxième objectif va renforcer l'interdépendance entre l'Afrique et l'Europe. Le monde connait des crises qui ont fini de démontrer qu'au-delà de la sécurité et des migrations, le destin des deux continents était lié. " Sur le plan de la santé et d'autres secteurs, nos sorts sont, en réalité, intimement liés. Et la crise alimentaire qui se profile montre également que nous avons à élaborer des réponses ensemble ". Et l'indépendance sur laquelle la France veut travailler " au maximum ", c'est celle économique, " non pas dans une logique ancienne " d'utiliser les ressources naturelles africaines pour nourrir les puissances européennes, mais pour faire en sorte que ces ressources produisent de la valeur ajoutée sur place et profitent d'abord et avant tout à l'Afrique et aux Africains. " Et pour cela, la France va accroitre au maximum le financement des infrastructures en Afrique ". Le troisième objectif consistera à aider les pays africains à répondre au défi de l'emploi des jeunes. Et la solution que Paris compte tester et promouvoir est le soutien à l'entrepreneuriat en apportant les financements.

Quatrième et dernier objectif visé par l'Élysée pour ce quinquennat qui s'ouvre, c'est de travailler davantage dans un cadre européen. Les liens particuliers avec l'Afrique vont certes continuer et se renforcer, mais Paris veut désormais jouer " un rôle d'entrainement vis-à-vis des partenaires européens " pour que ces derniers s'intéressent encore plus au continent africain. Les besoins en financement sont réels en Afrique. Le continent veut plus d'infrastructures, plus d'innovation et de créativité. Seulement, il y a un problème : la perception du risque qui est " moins le risque politique ". Le continent est, en effet, globalement stable, et ce, malgré l'image véhiculée par la presse. Cependant, l'Élysée reconnait tout de même qu'il y a de sérieux problèmes de gouvernance et de stabilité du cadre de financement qui ne favorisent pas le développement et l'épanouissement de la jeunesse en Afrique.

Le Fonds pour la démocratie en place avant fin décembre 2022

C'était un des engagements d'Emmanuel Macron en octobre 2021 : le Fonds d'innovation pour la démocratie en Afrique sera mis en place avant la fin de l'année, annonce Paris qui s'empresse toutefois de préciser que ce fonds, d'un montant de 30 millions d'euros, étalé sur trois ans, " n'est pas pour financer des opposants ", mais pour soutenir des acteurs de la société civile engagés dans la défense de la démocratie. Mieux, la création d'une Maison des mondes africains et des diasporas va être bientôt concrétisée pour être ce lieu qui incarnera " la centralité des relations Afrique-France ".

Les cinq prochaines années verront Paris soutenir aussi " beaucoup de projets et programmes " en faveur des jeunes et des femmes. L'idée est d'être " un réel partenaire dans la définition des projets " de développement. " Des instructions ont été données aux Ambassades pour qu'elles travaillent davantage avec les entrepreneurs locaux. Bref, avec tous les interlocuteurs locaux porteurs de projets viables ". Les appuis aux artistes, aux entrepreneurs et aux sportifs vont être triplés les prochaines années. C'est pour dire que " Paris ne veut plus que l'intervention militaire prenne le dessus sur l'aide apportée au quotidien pour soutenir la jeunesse africaine ".

" Ce qui est reproché aux dirigeants africains devient un reproche fait à la France "

Paris le dit clairement : la solution des problèmes soulevés en Afrique n'est pas dans le discours politique, mais dans le lien qui sera construit désormais avec le continent " à un niveau autre " que celui des canaux classiques. " Nous accorderons une oreille attentive aux jeunes entrepreneurs, aux intellectuels, aux artistes et aux universitaires pour justement bâtir cette nouvelle relation basée sur le respect mutuel, le dialogue et les échanges ", a annoncé l'Élysée qui décèle cependant " un amalgame, une grande confusion " dans la relation France-Afrique. Aujourd'hui, regrette Paris, tout ce qui est reproché aux Gouvernements locaux devient un reproche à la France. " Dans l'esprit de beaucoup de jeunes africains, la France est comptable des actes des Gouvernements locaux. Cette manière de voir les choses doit évoluer et changer ", a soutenu notre interlocuteur qui s'est empressé d'ajouter : " La France est dans une station compliquée et inconfortable. Quand nous prenons nos distances, on nous taxe d'être complaisants. Et si on prend position et critique certains actes, les mêmes personnes nous disent que nous n'avons pas de leçons à recevoir de vous. L'heure est quand même venue de clarifier tout cela et de repartir sur de nouvelles bases conformément au souhait du Président Emmanuel Macron ". Et Élysée de rappeler les défis à relever absolument, à savoir maintenir les relations bilatérales, mais en ayant, dans le même temps, des " espaces de partenariats " avec la jeunesse et la société civile africaine.

" Le populisme en France a son symétrique en Afrique "

Interpelé sur la montée en puissance de l'extrême droite et les conséquences (supposées ou réelles) sur les relations France-Afrique, l'Élysée minimise et rassure. " Rien de troublant ne s'annonce. La France et Macron optent pour le maintien des relations privilégiées avec l'Afrique ". Mais notre interlocuteur a une crainte : celle de voir " deux populismes " se rencontrer. " Le populisme que l'on voit en France, je vois le symétrique dans les pays francophones. Et il faut plutôt avoir peur que les deux se rencontrent et tombent d'accord sur un point : la rupture ". " Chez nous, en France, des voix s'élèvent pour dénoncer nos relations. En Afrique, on entend, dans beaucoup de pays, des slogans " France dégage ". Eh bien, si on croise les bras, nous serons tous perdants ", a déclaré l'Élysée qui veut combattre la " désinformation ", montrer ce que la France et ses organismes font au quotidien " pour le triomphe de la démocratie en Afrique, lutter contre la pauvreté et promouvoir la jeunesse, les artistes et les intellectuels du continent ".

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