Cote d'Ivoire: Populisme et irresponsabilité

20 Juillet 2022
opinion

"Il y a nécessité d'avoir des coopérations militaires, le Mali seul ne peut pas lutter contre le terrorisme d'autant plus qu'il est transfrontalier et international". Cette analyse froide et très objective du sociologue malien Mohamed Amara, lors d'un entretien accordé le week-end dernier, au journal Mali Tribune, résume parfaitement la situation dans son pays.

Une réalité qui saute aux yeux mais que la junte au pouvoir refuse de voir ; en torpillant notamment des coopérations militaires censées justement aider ce vaste pays de l'Afrique de l'ouest à lutter contre la menace djihadiste. C'est le cas notamment de la Force Barkhane et de la Force Takuba qu'elle a liquidées ; et aujourd'hui de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) qu'elle saborde... avec le dernier scandale en date : l'affaire, très médiatisée, de 49 militaires ivoiriens injustement séquestrés dès leur arrivée à l'aéroport de Bamako le dimanche 10 juillet 2022, et présentés, à tort comme des " mercenaires " supposés venus faire un coup d'Etat.

Naturellement, l'accusation est très grosse et frise - disons-le tout net- le ridicule. Car, le colonel Assimi Goïta et ses frères d'armes, qui ont renversé le 30 juin 2020, le président démocratiquement élu Ibrahim Boubacar Kéïta (décédé le 16 juin 2022) savent mieux que quiconque qu'on ne fait pas un putsch en débarquant dans un aéroport, qui plus est sans être armé.

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Faut-il le souligner, ces 49 soldats ivoiriens, qui ne sont pas des mercenaires, font partie du 8ème détachement des Eléments nationaux de soutien (NSE), des effectifs déployés par les pays contributeurs de troupes à la Minusma. Leur déploiement s'inscrivait dans le cadre d'une opération de relève routinière, qui a lieu tous les six mois et se déroulait parfaitement, sans accroc, depuis 2019, jusqu'à ce fâcheux incident. D'où vient alors, subitement, cette histoire de mercenaires à laquelle, pour dire vrai, personne ne croit et ne comprend rien ?

A la vérité, c'est une manipulation grotesque tendant à discréditer cette mission, placée sous la responsabilité des Nations unies, sur fond d'un populisme dangereux. Avec la volonté cynique de régler des comptes avec les autorités ivoiriennes du fait de leur soutien clair - et d'ailleurs justifié- aux sanctions de la Cedeao contre le Mali il y a quelques mois.

A la vérité, la Côte d'Ivoire et le Mali peuvent-ils s'opposer à ce point ? Ces deux pays sont liés par une histoire et un présent qui transcendent les petits calculs. Des décennies de coopération et des populations qui s'imbriquent. Un gouvernement responsable ne saurait avoir toutes ces données et se comporter avec autant de légèreté et d'aveuglement comme le fait la junte malienne.

Manifestement, le premier souci d'Assimi Goïta et ses hommes n'est pas de vaincre les terroristes qui gagnent chaque jour du terrain et ont pris le contrôle du centre et du nord du pays ; mais plutôt de placer le Mali sous coupe réglée et de jouir de ses ressources avec la complicité de leurs nouveaux amis, dont les mercenaires de Wagner.

En optant pour cette voie, la junte engage, hélas, le Mali dans une aventure périlleuse à l'issue très incertaine. Ce que confirme, sans fioritures, Mohamed Amara en ces termes plus qu'interpellateurs : " Sans compromis entre le Mali et la communauté internationale, il serait très difficile de se développer. Un Etat sans projet, et qui ne vit que des aides humanitaires meurt à petit feu. Il serait important que le Mali et la communauté internationale parlent la même langue". A cela s'ajoute le risque très grand de devenir le pays mal aimé de la sous-région, surtout si la junte s'attaque, comme le fait en ce moment, à la Côte d'Ivoire dont on sait le poids politique, diplomatique et économique en Afrique de l'ouest et particulièrement dans l'espace Uemoa.

Incontestablement, Assimi Goïta et ses amis, arrivés par effraction au pouvoir, se livrent à un jeu dangereux, qui consiste à faire le vide autour d'eux en piétinant, à dessein, des relations internationales et en froissant des voisins. Un jeu machiavélique dont ils ne sortiront pas, pour sûr, gagnants. Car, à force de tirer sur la corde, elle finira par rompre. Ils cherchent donc à tirer profit d'une situation illégale. Mais, à force de jouer avec le feu, Assimi Goïta et ses " amis" finiront par se brûler les doigts...

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