Sénégal: Majorité à l'Assemblée nationale - Le temps des " faiseurs de roi "

" Il nous faut éviter de déboucher sur un blocage dans le fonctionnement de nos institutions ", a déclaré Pape Diop, l'un des trois députés qui ne faisait partie d'aucune des deux coalitions principales en compétition. Une " Assemblée nationale placée sous le contrôle de l'opposition débouchera sur une crise institutionnelle ", estime-t-il, car " le président de la République serait amené à gouverner par ordonnances, ce qui serait un recul pour notre démocratie "
10 Août 2022

Après la publication des résultats provisoires, aucune coalition politique n'a pu obtenir la majorité absolue à l'Assemblée nationale. Ainsi, Pape Djibril Fall, de " Mpr-Les Serviteurs ", Pape Diop, de " Bokk Gis Gis Liggey ", et Thierno Alassane Sall, d'Alternative pour une Assemblée de rupture (Aar), sont les faiseurs de rois.

Sur les 165 postes de députés à pourvoir, les résultats provisoires publiés par la Commission nationale de recensement des votes donnent 82 sièges à " Benno Bokk Yaakaar " (Bby), 56 à " Yewwi Askan Wi " (Yaw), 24 à " Wallu Sénégal ". Les coalitions En marche pour la Renaissance-Les Serviteurs (Mpr-Les Serviteurs) de Pape Djibril Fall, " Bokk Gis Gis Liggey " de Pape Diop et Alternative pour une Assemblée de rupture (Aar) de Thierno Alassane Sall ont chacune un député. Ces trois derniers seront les " faiseurs de rois " puisqu'aucune formation n'a eu la majorité absolue. Ainsi, pour faire voter des lois, choisir le Président de l'Assemblée nationale, les présidents de Commissions, entre autres, il faut des alliances pour qu'une majorité se dégage. Avec ses 82 députés, Bby n'aura besoin que d'un soutien parmi ces trois faiseurs de rois pour obtenir la majorité. Quant à l'inter-coalition " Yewwi-Wallu ", il faudra d'abord réussir à conserver l'unité qui leur donne droit à 80 députés avant d'espérer décrocher d'autres soutiens pour tenter d'imposer une supposée cohabitation. Ce, d'autant plus que le Président Abdoulaye Wade, de " Wallu-Sénégal ", théorisait récemment le regroupement de la famille libérale.

Serigne Thiam, Enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences juridiques et politiques de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), explique qu'il ne reste à l'opposition qu'à manœuvrer pour garder sa majorité et avoir le Président de l'Assemblée nationale et, éventuellement, le poste de Premier ministre. Pour ce, il poursuit que l'opposition doit avoir comme argument le fait de consolider le choix populaire dont le vote lui est favorable pour convaincre les trois autres députés. " L'opposition doit faire comprendre que le peuple est hostile aux hommes politiques qui transhument ", martèle-t-il.

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Concernant le camp du pouvoir, le spécialiste estime qu'une majorité absolue lui est favorable pour pouvoir faire passer les lois et finir les grands projets, avoir le Président de l'Assemblée nationale et éviter une cohabitation. " Maintenant tout le jeu repose principalement sur ces trois députés ", dit-il.

Arguments contre arguments

Serigne Thiam est d'avis que ce que les coalitions peuvent offrir aux trois députés pour espérer les attirer, c'est de leur promettre des postes comme celui de Président de l'Assemblée nationale, de groupe parlementaire ou président de Commission, etc.

Quant à Moussa Diaw, Enseignant-chercheur en Sciences politiques à l'Université Gaston Berger (Ugb) de Saint Louis, il souligne que pour que cette Assemblée nationale ne soit pas un blocage pour la République, il faudra être souple et grand négociateur, notamment du côté de la majorité présidentielle. Il renchérit que le chef de la majorité présidentielle sera dans l'inconfort pour aller négocier avec les trois députés qui ont obtenu des voix grâce à leur position dans l'opposition. " Basculer dans le camp du pouvoir serait vu comme une forme de trahison parce qu'ils ont été élus étant dans l'opposition et l'on a vu que la transhumance a été sanctionnée par les Sénégalais lors des dernières élections ", analyse-t-il. M. Diaw estime toutefois que le Président Macky Sall est obligé de le faire pour avoir une majorité, gouverner et faire voter des lois pour les réformes nécessaires. Cela, dit-il, fait que certains députés n'hésiteront pas à placer la barre très haute s'ils acceptent de monnayer leur position, rappelant que Thierno Alassane Sall a déjà promis de rester dans l'opposition de même que Pape Djibril Fall. Moussa Diaw pense qu'il ne reste plus que Pape Diop pour se déterminer.

Cependant, il considère que la coalition Yaw n'est pas dans une meilleure posture que la majorité pour avoir une majorité et espérer une cohabitation.

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