Cote d'Ivoire: Ingratitude et désespérance

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" On est toujours ingrat pour le don du nécessaire, jamais pour le don du superflu. On en veut à qui vous donne le pain quotidien, mais on est reconnaissant à qui vous donne une parure." Cette pensée du célèbre écrivain et poète français Victor Hugo résume parfaitement l'attitude de Laurent Gbagbo et ses partisans, réunis au sein du Parti des peuples africains- Côte d'Ivoire (PPA-CI), suite à la grâce présidentielle accordée à l'ex-chef d'Etat.

Dans son traditionnel message à la Nation, à la veille de la Fête nationale, le président de la République a annoncé cette mesure - importante pour la décrispation sociopolitique - accueillie, logiquement, avec satisfaction par l'opinion nationale et internationale. Tout le monde a vu en cet acte du chef de l'Etat, un geste fort d'apaisement pour la réconciliation et la cohésion sociale en Côte d'Ivoire. Surtout que l'ancien dirigeant frontiste était sous le coup d'une condamnation de 20 ans d'emprisonnement ferme pour le braquage de la représentation ivoirienne de la Bceao à Abidjan. Tout le monde, sauf... Laurent Gbagbo, lui-même, et ses camarades du PPA-CI, qui, au lieu d'exprimer leur gratitude au Président Alassane Ouattara pour sa magnanimité, choisissent de verser dans la polémique et de donner, avec mauvaise foi, dans la surenchère. Ainsi, du revers de la main gauche, ils balaient cette grâce présidentielle - que tous les condamnés appellent de leurs vœux - et exigent de la main droite une loi d'amnistie. Comme si c'était un droit absolu.

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Dans son argumentaire, qui repose incontestablement sur la manipulation, le camp Gbagbo avance que l'amnistie est une recommandation de la 5ème phase du Dialogue politique, tenu il y a quelques mois, tout comme elle a souhaité la rencontre entre le Président Alassane Ouattara et ses prédécesseurs, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo. Une thèse battue en brèche par des signataires du communiqué final de ce conclave, qui confirment que Laurent Gbagbo et ses partisans ont tout faux sur cette question.

Mais, personne n'est dupe. Derrière cette agitation, qui n'est pas du tout innocente, se cache un calcul politique simple : dans leur esprit, Laurent Gbagbo - bien qu'ayant perdu une bonne partie de son aura politique et quoique pas au mieux de sa forme - sera candidat à la présidentielle d'octobre 2025 et la grâce présidentielle, à leurs yeux, pourrait l'en empêcher. C'est pourquoi, ils veulent coûte que coûte l'amnistie, dont le chef de l'Etat ne tient pas en mains tous les leviers, car une loi d'amnistie doit nécessairement passer sur la table des députés.

Toutefois, leurs agissements, qui choquent l'entendement, relèvent purement et simplement de l'ingratitude. Car, avant de prétendre à l'amnistie, il faut d'abord " saisir " la grâce présidentielle, qui, avouons-le, n'était pas donnée. Et surtout exprimer toute sa reconnaissance à son bienfaiteur. Comme l'enseigne, avec des mots choisis, Hypolite de Livry, célèbre auteur français : " Autant un trait de reconnaissance touche l'âme, autant un trait d'ingratitude lui fait horreur." Malheureusement, et c'est regrettable, la reconnaissance n'est pas une vertu chez les pro-Gbagbo. Encore moins, l'humilité. Jamais, depuis leur chute évidente du pouvoir, en 2011, ils n'ont fait preuve de contrition en demandant pardon aux Ivoiriens pour les violences électorales de 2010-2011, dans lesquelles leur responsabilité, surtout celle de Laurent Gbagbo, est pourtant entièrement engagée. Aucun regret pour les 3000 morts officiels ; aucune résipiscence pour leur décennie de règne calamiteux marquée non seulement par la prévarication des deniers publics, mais, plus grave, par l'effritement du tissu social avec l'amplification du tribalisme, de la xénophobie. Et l'érection de la violence en mode de gouvernance.

Parfois il est essentiel de se souvenir que la reconnaissance est une vertu. Quand une personne n'est pas capable de cela, il n'y a rien à attendre d'elle. Il y a donc lieu de désespérer de Laurent Gbagbo et son monde.

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