Guinée: Ouverture procès massacre du 28 septembre - La justice guinéenne à l'épreuve de son indépendance

Ouverture du procès du massacre du 28 septembre 2009.
analyse

Il faut croire qu'en Guinée, le 28 septembre n'en finit pas d'être inscrit dans les annales de l'histoire. D'abord en lettres d'or, comme celles du 28 septembre 1958, jour où la Guinée de Sékou Touré a opposé un non retentissant à la communauté française, au cours d'un référendum constitutionnel. Ce jour-là, les Guinéens dans leur grande majorité ont effectivement dit non à la communauté de type fédéral voulue par le général de Gaulle. Un évènement qui va hâter dans la foulée son accession à la souveraineté internationale, le 2 octobre 1958.

Ensuite en lettres de sang, puisque le lundi 28 septembre 2009, le pays a basculé dans l'horreur. Ce jour-là, en effet, une répression aveugle s'est abattue sur le stade éponyme, où étaient rassemblés des milliers de Guinéens pour s'opposer à la candidature du chef de l'Etat d'alors, le capitaine Moussa Dadis Camara, à la présidentielle de 2010, devant consacrer une vie constitutionnelle normale.

Enfin, en lettres de droit, puisque c'est aujourd'hui 28 septembre 2022 que s'ouvre le procès dit du massacre du 28-Septembre.

Treize (13) ans après cette ébauche de violence, au cours de laquelle, en plus du nombre effroyable de 156 personnes tuées, des milliers d'autres blessées avec une cruauté indicible, une centaine de femmes a été violée, au moins 109, selon le rapport d'une commission d'enquête internationale mandatée par l'ONU. Historique donc, puisque ce jugement qui entrera sans nul doute dans les annales de la justice guinéenne était aussi bien attendu par les parents des victimes, la nation tout entière et même la communauté internationale, au-devant de laquelle la CPI, qui n'a cessé de réclamer justice et a même apporté son expertise pour la tenue du procès.

%

Voici donc la justice guinéenne devant ses responsabilités. La voici donc à l'épreuve du droit et, surtout, au service du droit et rien que du droit. Va- t-on assister à un procès équitable, où les accusés bénéficient de toutes les garanties pour se défendre ? Car ne l'oublions pas, les 11 accusés, tous anciens responsables militaires ou gouvernementaux au moment des faits, bénéficient de la présomption d'innocence, jusqu'à ce que les faits qui leur sont reprochés soient établis.

Mais il faut craindre que sur cette question, les avocats des prévenus et le parquet ne soient pas sur la même longueur d'ondes.

En effet, convoqués hier au greffe du tribunal pour une comparution préalable, certains prévenus ont pris, par la suite, la direction de la prison centrale. Parmi eux l'accusé vedette, le capitaine Moussa Dadis Camara, rentré dimanche dernier à Conakry de son long exil burkinabè. Il faut dire que cette décision de détention préventive pourrait perturber le déroulement du procès, puisque le collectif d'avocats de quatre accusés a menacé de boycotter le jugement si leurs clients ne comparaissaient pas libres.

Cette décision de dernière minute du parquet alors que, " en l'état actuel de la procédure, aucune disposition légale ne permet ni au procureur, ni au président du tribunal, une mesure privative de liberté ", selon l'avocat de Dadis Camara, Me Pépé Antoine Lamah, oui cette décision préfigure-t-elle le sort des 11 accusés ? Autrement dit, faut-il craindre que les militaires actuellement au pouvoir n'instrumentalisent la justice à des fins politiques ?

La question mérite d'être posée, quand on sait qu'à l'issue du sommet de la CEDEAO tenu à New York en marge de la 77e Assemblée générale des Nations unies, il a été décidé de sanctions graduelles contre la junte militaire à se soumettre aux 24 mois comme durée de la transition en cours. Ce procès sonne donc comme un test d'indépendance de la justice guinéenne.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.