Afrique: Les subventions du Fonds mondial au Togo - Une réussite qui passe inaperçue

analyse

Contexte

En matière de gestion des subventions du Fonds mondial de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, le Togo affiche de meilleurs résultats que la moyenne générale dans la circonscription d'Afrique de l'Ouest et du Centre.

Ce succès est particulièrement perceptible au regard de la baisse de la mortalité liée au paludisme et de la baisse de la prévalence combinée à la réduction du nombre des nouvelles infections au VIH. Le succès est également visible dans les performances programmatiques et financières des subventions où on observe des taux d'absorption supérieur à 75% - le seuil établi par le Conseil d'administration du Fonds. Pour terminer, l'absence de dépenses inéligibles dans la gestion financière des subventions depuis une dizaine d'années témoignent aussi de ce succès.

À y regarder, ce succès est dû entre autres à une appropriation pays au plus haut niveau de l'État (la présidence et la primature), à un personnel compétent et motivé, aux bonnes pratiques de gestion et d'apprentissage par l'expérience, à la mise sur pied d'une unité de gestion dont le champ d'activité s'est étendu au fil du temps.Cet article donne un aperçu du succès des subventions du Fonds mondial au Togo, tout en soulignant les défis persistants. Les informations utilisées dans cet article proviennent essentiellement des documents disponibles sur le site du Fonds mondial - et d'autres données publiques -, de la présentation par le coordonnateur de l'UGP du Fonds mondial et des échanges avec le secrétaire exécutif de l'instance de Coordination Nationale du Togo.

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Le succès dans la lutte contre les trois maladies au Togo

Depuis 2003, le Fonds mondial a investi 391,842,613 de dollars au Togo. Cet investissement a été d'une importance capitale dans la lutte contre les trois maladies dans ce pays. En effet, les tendances récentes indiquent que la prévalence du VIH est passé de de 2,9% en 2009 à 2% en 2020, selon l'ONUSIDA. La couverture du traitement antirétroviral a pratiquement doublé, progressant de 31 % en 2013 à 60 % en 2018, et dépassant le taux de couverture régional de 51 % de l'Afrique de l'Ouest et du Centre, mais restant en dessous des 90% recommandés par l'ONUSIDA. Le nombre de nouvelles infections à VIH a diminué de 21 % entre 2013 et 2018, alors que les décès liés au VIH ont été réduits de 16 % durant la même période.

Le pourcentage de notifications dont la norme est de 100% des cas de tuberculose a atteint 80 % en 2017, contre une moyenne de 48 % dans le reste de la région Afrique de l'Ouest et du Centre.

L'incidence du paludisme a diminué de plus de 25% entre 2015 et 2018, tandis que la mortalité a diminué de 8% sur la même période, selon le Rapport mondial sur le paludisme 2019. De 2013 à 2017, le taux de mortalité du paludismes'est contracté de 27 %. Les décès annuels sont passés de 1361 à 995. L'utilisation des tests de dépistage du paludisme a considérablement également augmentée. Leur nombre est passé de 808 000 en 2015 à 1 million en 2017. Bref, le Togo en 2020, a compté 0,8% des cas de paludisme dans le monde et 0,6% de décès. Tous ces chiffres témoignent d'un progrès significatif dans la qualité des soins.

Une bonne gestion des subventions du Fonds mondial

Ces résultats sont assis sur le socle d'une bonne gestion financière caractérisée par une utilisation adéquate et efficiente des ressources du Fonds Mondial. Les taux d'absorption de la subvention à la fin du cycle NFM2 de la tuberculose était de 98%, 93% pour le VIH et 81% pour le paludisme.

Pour le cycle de mise en œuvre actuel (Janvier 2021 à décembre 2023), l'allocation du Togo est de 122,915,459 USD. En juin 2022, à mi-parcours du cycle de subvention, 84,273,378 de dollars avaient été décaissés, soit 68, 56% du montant signé.

Les subventions du Fonds mondial ont permis une meilleure disponibilité des données de santé. Le pays a déployé avec succès le DHIS2005 (District Health Information Software) en mars 2018. Les établissements de santé sont pour la plupart équipés de tablettes numériques, ce qui leur permet de transmettre directement les données dans le DHIS2. Ainsi, la ponctualité de la transmission des rapports de données par les établissements de santé a été améliorée, passant ainsi d'un niveau de 14 % au début 2018 à un niveau de 56 % en décembre 2018. Les faibles niveaux de la qualité des données ont été relevée par le Bureau de l'Inspecteur Général dans son audit de 2019.

Performances programmatiques et financières

Le Fonds mondial fournit des financements basés sur les performances programmatiques et financières. Les notes varient de C (inacceptable) à A1 (dépassement des objectifs).

Pour la subvention en cours, en 2022, le Togo a eu une note de B1 pour le VIH et la tuberculose, et un score de A2 pour le paludisme.

Le tableau 1 ci-dessous présente le taux d'absorption et les notes du Togo pour les subventions du nouveau modèle de financement.

Tableau 1 : Classement et taux d'absorption des subventions du Togo depuis 2014

Classement

TAUX D'ABSORPTION

VIH

Tuberculose

Paludisme

VIH

Tuberculose

Paludisme

Fin NFM1 (2014-2016)

B1

B1

A2

92%

79%

84%

FIN NFM2 (2017-2019)

B1

B1

B1

93%

98%

81%

S1 2022 NFM3

B1

B1

A2

75%

78%

56%

Une appropriation pays au niveau supérieur : la Présidence et la Primature de la République

1 L'Instance de Coordination Nationale (ICN)

Elle est présidée par le président de la République. Le Président de la République togolaise est le président statutaire de l'ICN du Fonds Mondial au Togo. Dans les faits, le président délègue cette tâche à un membre du gouvernement. Actuellement, c'est la ministre des Travaux publics qui préside l'ICN du Togo.

2 La primature est le bénéficiaire principal unique

Le Togo a un bénéficiaire principal unique : la primature. Ce bénéficiaire est doté d'une UGP. Cette dernière a progressivement étendu son champ d'activité, passant ainsi du volet médical du VIH en 2009 à toutes les subventions du Fonds mondial à l'heure actuelle.

Actuellement, en plus des subventions du Fonds Mondial, les subventions de GAVI (administré par la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit - GIZ - qui opère en tant que société fiduciaire) sont des compléments aux financements consacrés au renforcement de la gestion du système de santé et des cas de paludisme.

3 Historique de l'Unité de Gestion des Projets du Fonds mondial

À sa création en 2009, l'UGP du Fonds mondial était sous la tutelle de la Direction Générale de la Santé (DGS) du Ministère de la Santé et était appelée UGP-MS. Elle était appuyée à ce moment par des experts de la coopération allemande (GIZ) dont la structure servait aussi d'agent fiduciaire entre 2009 et 2012. L'UGP MS a d'abord eu la charge de la gestion du volet médical relatif aux dépistage, soins et traitement de la subvention VIH dans le round 8. Le volet prévention communautaire du VIH était quant à lui géré par Population Services International (PSI). Le Ministère de la Santé était premier récipiendaire en 2009.

Fort de cette première expérience de gestion qui s'est avérée concluante, l'UGP MS a obtenu le volet bio-médical de la gestion du paludisme Round 9 à partir de 2011 et celle de la subvention tuberculose à partir de 2012. Le volet communautaire de la subvention paludisme R9 a été géré par Plan Togo.

En 2014, en prévision du nouveau modèle de financement du FM, l'UGP MS a été placée sous la responsabilité de la Primature ; est ensuite devenue UGP et s'est vu confier à partir du 1er octobre 2015 et jusqu'à ce jour, l'ensemble des subventions du Fonds mondial (volets médical et communautaire). Les programmes nationaux de lutte contre les maladies, les régions sanitaires du Ministère de la Santé et la Centrale d'Achat des Médicaments Essentiels et Génériques (CAMEG) sont les sous-récipiendaires du volet médical. Et les trois ONG de la société civile sont les sous-récipiendaires du volet communautaire. Il est à noter que les sous-récipiendaires constituent la cheville ouvrière des subventions.

L'UGP est dotée d'une autonomie de fonctionnement. Elle coordonne les activités administrative, programmatique, financière et suivi/évaluation. Le renforcement des capacités institutionnelles et techniques des entités partenaires fait également partie de ses missions.

Système de gestion financière

La gestion financière par l'UGP se fait par une répartition des tâches entre les différentes subventions (VIH, Paludisme et Tuberculose). L'UGP organise de façon périodique des missions de contrôles comptables et de validation des opérations financières au niveau de chaque sous-récipiendaire (SR). Les SR sont accompagnés des gestionnaires comptables dans l'exercice de leurs activités. Mais afin de faciliter la gestion comptable, des logiciels comptables (Tomportail version win puis web) ont été achetés et installés au niveau de chaque centre. Toutefois, les données en ligne sont centralisées au niveau du PR. Les gestionnaires comptables ont été formés pour en faire une utilisation optimale et efficiente. Un Manuel de procédures est périodiquement mis à jour ainsi qu'une intégration administrative du personnel comptable dans leur structure d'affectation.

Système de pilotage des risques : l'importance de l'audit interne

Un des objectifs du Fonds mondial est d'intégrer la gestion des risques dans sa culture organisationnelle, dans la planification stratégique, dans la prise de décision et dans l'allocation des ressources. Une gestion efficace des risques constitue pour ainsi dire un élément clé de la bonne gouvernance. Précisons toutefois qu'une telle approche fournit une assurance raisonnable, mais non absolue.

L'UGP s'applique à utiliser les meilleures pratiques managériales au monde. Au Togo, la cellule audit interne (CAI) de l'UGP est rattachée à la Primature de la république et rend compte au Secrétariat général du Gouvernement. Cette cellule fonctionne à partir d'une charte d'audit interne validée par le Fonds mondial et approuvée par le Secrétaire général du Gouvernement. Cette charte définit la mission, le rôle et les responsabilités de la cellule audit interne.

En début de subventions, la cellule audit interne identifie et évalue les risques auxquels toutes les entités de mise en œuvre sont assujetties et ce, à partir de la cartographie des risques qu'elle établit elle-même. Cette cartographie des risques est actualisée annuellement et présentée à tous les acteurs lors des ateliers de planification des activités (généralement avant les 3 derniers mois de la clôture de l'exercice N-1).

Cette cartographie comprend pour chaque entité :

Les risques identifiés par modules/interventions/ activités de mise en œuvre ;

Les mesures de gestion de risque/diligences pouvant mitiger le risque ;

Les personnes responsables, et ;

Les diligences à mettre en œuvre par le Management.

Après la communication et le partage du plan de gestion de risques, la cellule audit interne élabore un plan d'audit annuel, lequel est approuvé par le Secrétaire général du Gouvernement pour l'année en cours. Ce plan d'audit comprend les missions d'audit interne et leur calendrier d'exécution. Les différentes missions d'audit visent à évaluer les dispositifs de contrôle interne mis en place au sein de chaque entité pour assurer la gouvernance et la coordination administrative, programmatique et financière.

La gestion et l'approvisionnement des stocks

Pour l'approvisionnement en stock, le Togo utilise essentiellement les plateformes du Fonds mondial, en l'occurrence wambo.org. Entre 70-80% des investissements du Fonds mondial au Togo sont consacrés à l'achat et la gestion des stocks d'intrants médicaux et non-médicaux. En sa qualité de sous-récipiendaire, la Centrale d'Achat des Médicaments Essentiels et Génériques (CAMEG) enclenche le processus d'achat pour le compte du PR, réceptionne les produits, les stockent puis les distribuent. Notons également que la CAMEG est aussi en charge du contrôle-qualité.

Difficultés

Nonobstant les succès que nous venons de présenter ci-dessus, l'UGP connait quelques difficultés dans son fonctionnement.

Sur le plan stratégique, le pays est dépendant des structures d'approvisionnement du Fonds mondial qui ont des actions limitées, car elles ciblent les symptômes et non les causes fondamentales. Sur ce plan, les difficultés sont les suivantes :

L'inadéquation et/ou inefficacité des structures de leadership et de gouvernance pour faciliter la priorisation, la coordination et la responsabilité au sein des activités de la chaîne d'approvisionnement,

L'absence de données précises et fiables pour une prise de décisions éclairées,

L'inadéquation des ressources humaines pour la fourniture de services et la gestion de la chaîne d'approvisionnement,

L'inadéquation des ressources financières pour la transformation de la chaîne d'approvisionnement.

Sur le plan opérationnel, l'UGP est victime de son succès : le personnel expérimenté quitte très souvent l'organisation pour d'autres positions d'experts à l'étranger. De plus, les multiples missions externes, incluant les visites des Agents Locaux du Fonds (LFA), les visites des équipes pays du Fonds mondial ainsi que les différentes sollicitations par le Fonds mondial pour le renseignement sans planification préalable, empiètent sur le temps de travail et créent un fardeau supplémentaire pour le staff de l'UGP.

Conclusions

La gestion des subventions accordées par les bailleurs de fonds publics oblige à un haut niveau de transparence et de bonne gestion. Cette exigence fort justifiée, représente parfois un défi pour certaines communautés ou organisations de la société civile.

Cela dit, le Togo illustre malgré tout, la possibilité de cumuler proximité avec les communautés et excellence de gestion.

Graphe: présentations des statistiques sur le Togo

Source: Banque Mondiale, 2020

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