Madagascar: Grève des greffiers - La coupure de paiement des salaires dans l'air

Le ministre de la Justice, François Rakotozafy

Le ministre de la Justice lance un nouvel appel à la raison au syndicat des greffiers. Il brandit la menace de sanctions, allant jusqu'à la suspension de salaire pour ceux qui refusent de se plier à la réquisition.

Le torchon brûle. François Rakotozafy, ministre de la Justice, durcit le ton contre le syndicat des greffiers de Madagascar. Il affirme que des réquisitions ont déjà été émises et que les résistants encourent des sanctions. Le garde des Sceaux va même jusqu'à parler de suspension de salaire.

"Il y a déjà eu des réquisitions et la loi prévoit des sanctions contre ceux ou celles qui refusent de s'y plier. Quelle est la chose la plus importante, la sanction ou la prise de conscience? Cependant, ceux qui pensent que le ministère n'appliquera pas les sanctions comme la coupure de solde, se méprennent. Nous n'avons pas peur de le faire et nous n'hésiterons pas à le faire puisque la population ne doit pas être prise en otage", a déclaré le ministre Rakotozafy.

En marge d'une visite de courtoisie de l'ambassadeur de France, à Faravohitra hier, le garde des Sceaux s'est voulu ferme face à la résistance des greffiers syndicalistes. À l'entendre, son département n'hésitera donc pas à franchir le rubicon qu'est la suspension de solde, le cas échéant. Toujours selon le membre du gouvernement, des auxiliaires de justice "souhaitent reprendre le travail, mais ils en sont dissuadés par leurs collègues à coup de menaces".

Toutefois, en soutenant "Antananarivo n'est pas Mada-gascar", le ministre de la Justice affirme que la situation est revenue à la normale dans plusieurs juridictions. Pour le cas de la capitale, il avance l'exemple du Pôle anticorruption (PAC), où le défèrement des personnes accusées de vol de carburants de la Jirama a pu se tenir, vendredi. Prévu il y a une dizaine de jours, il a été ajourné à cause de la grève du syndicat des greffiers, justement.

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Le syndicat des greffiers a décidé de tenir "une grève illimitée", depuis le 6 octobre. Une revendication d'amélioration de leurs conditions de travail et de leur statut, traduite par un arrêt de travail qui, dans les faits, est sans service minimum. Une négociation de quatre heures entre les grévistes et le ministre Rakotozafy, le 10 octobre, n'a pas suffi à détendre le bras de fer. Au contraire, les greffiers ont décidé de renforcer leur mouvement. Ils ont même refusé le service minimum requis par le garde des Sceaux.

Guerre des nerfs

Afin de désamorcer la paralysie du système judiciaire, des réquisitions ont été émises par le ministère la semaine dernière. De prime abord, des grévistes, sujets de ces réquisitions, continuent de faire de la résistance, sans quoi François Rakotozafy n'aurait pas haussé le ton, hier. Contacté, Alain Michel Randriamaro, président du syndicat des greffiers de Madagascar, est tout aussi cash.

"Une telle attitude ne fait que booster notre amour propre. Il n'y a même pas 1% des greffiers qui ont repris le travail. Seuls ceux qui ont peur des sanctions ont accepté de se plier aux réquisitions. Nous sommes maintenant dans une guerre des nerfs et pour notre part, nous sommes déterminés à mener la lutte jusqu'à terme, quoi qu'il nous en coûte", fulmine le président du syndicat des greffiers. Répliquant toujours au garde des Sceaux, il affirme, "il n'y a ni menace, ni représailles contre ceux qui veulent reprendre le travail".

Le dialogue est pour l'heure rompu entre les deux parties. Le ministre de la Justice affirme pourtant qu'il est toujours prêt à discuter avec le syndicat des greffiers. "Je n'ai aucun intérêt à ne pas accéder à leurs revendications si c'est de mon ressort. Sinon, je porterai leurs doléances auprès des responsables concernés", assure-t-il. Alain Michel Randriamaro affirme pourtant avoir lui-même demandé à rencontrer le membre du gouvernement, mais n'a pas eu de réponse jusqu'à hier.

Face à la presse, hier, François Rakotozafy a parlé de "mauvaise foi". Le ministre de la Justice atteste que jusqu'à hier, il n'a pas eu de demande d'audience "officielle". En l'état actuel des choses, chaque partie semble vouloir mettre à profit les armes à sa disposition. Le département ministériel compte visiblement mettre en marche le rouleau compresseur légal. À l'instar de la gestion d'autres mouvements syndicaux au sein de l'administration, l'avis de la Haute cour constitutionnelle (HCC) du 6 avril 2005 pourrait à nouveau être brandi.

Cet avis concerne la portée de cette disposition constitutionnelle sur le droit de grève au sein de la fonction publique. "Ce droit est limité, au même titre que toute liberté constitutionnelle, même en l'absence de législation spécifique (... ) Le gouvernement a le pouvoir de prendre des mesures de limitation du droit de grève, propres à sauvegarder l'intérêt général", explique la Cour d'Ambohidahy.

La HCC affirme aussi que "le gouvernement peut procéder à des réquisitions de fonctionnaires à titre individuel ou collectif. Que, le cas échéant, il peut prendre des mesures exceptionnelles d'embauche pour assurer le bon fonctionnement du service (... )". La Cour ajoute, "en cas d'interruption du service ou d'inexécution des obligations du service, du propre fait de l'agent public, il peut être procédé à une retenue sur sa rémunération(... ) la grève illicite est susceptible de sanctions. Qu'une grève illimitée ne saurait être considérée comme licite".

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