Afrique: La Francophonie - De l'espace linguistique à l'organisation institutionnelle

Le ministre des Affaires étrangères de la Tunisie, M. Othman Jerandi a donné des assurances, lors d'un entretien, à Djerba, avec la secrétaire générale de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIT), Mme Louise Mushikiwabo.

Les pays francophones, dont la langue officielle est le français, et les pays membres de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) partagent une même affection pour la langue de Molière et la culture française.

L'organisation regroupe 88 États ou gouvernements, soit environ 900 millions d'habitants répartis sur cinq continents. Chaque année, le 20 mars est célébré comme la Journée internationale de la Francophonie et le sommet de la Francophonie réunit ses membres tous les deux ans.

Le français est la cinquième langue la plus parlée au monde avec environ 300 millions de locuteurs. Quelque 36% de francophones vivent en Europe et plus de 54% en Afrique. Sur ce continent, la langue française représente un formidable atout dans le domaine de l'éducation, des affaires ou dans la vie quotidienne pour s'informer ou dans les relations personnelles. La langue française est également la langue officielle dans 29 États et 19 régions, départements ou collectivités dans le monde. Mais comment la Francophonie est-elle devenue une institution ?

La genèse d'une organisation francophone

C'est en 1880 que le mot " francophonie " apparaît pour la première fois dans les livres. Le géographe français Onésime Reclus décrit par ce terme l'ensemble des personnes et des pays utilisant la langue française. De cet espace linguistique partagé commence à naître l'idée d'une communauté d'entraide basée sur l'utilisation de la même langue.

C'est dans cet esprit associatif et désirant propager la langue française à l'étranger qu'est créée l'Alliance française en 1883. Les premiers établissements à l'étranger pour apprendre la langue et la culture française s'ouvrent dès 1884 à Barcelone, à Mexico, à Dakar et à Maurice. Au début du XXe siècle, d'autres associations qui ont le français comme socle commun voient le jour : les écrivains belges de langue française, les pédiatres de langue française ou encore la Société des écrivains coloniaux qui devient ultérieurement l'Association des écrivains de langue française (Adelf) en 1926.

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Dès les années 1950, les journalistes et les médias se regroupent au sein de l'Union internationale des journalistes et de la presse de langue française (Union de la presse francophone, aujourd'hui). En 1955, une communauté des radios publiques francophones est créée avec Radio France, la Radio suisse romande, Radio Canada et la Radio belge francophone. Ces radios produisent toujours des émissions communes et participent au renforcement du français sur les ondes partout sur la planète.

Mais dans le sens politique et institutionnel, c'est en 1960 que quinze pays francophones fondent la Conférence des ministres de l'Éducation (Confemen) dont le secrétariat est basé à Dakar. Un an après, les pays d'Afrique qui ont fraîchement accédé à l'indépendance forment l'Organisation commune africaine et malgache (Ocam). Lors du sommet de cette organisation en 1966, le président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor, propose la constitution d'une " communauté spirituelle de nations qui emploient le français ".

L'avènement de la coopération francophone arrive d'abord avec la première Conférence intergouvernementale des États francophones en février 1969 à Niamey, au Niger. À la fin de la même année, les ministres des Sports de seize pays fondent la Conférence des ministres de la Jeunesse et des Sports de pays d'expression française (Confejes) dont le siège est à Dakar.

Cette naissance de la Francophonie, avec un F majuscule cette fois-ci, est paradoxalement arrivée grâce à la décolonisation et souhaitée avant tout par des hommes qui ont conduit les pays africains vers l'indépendance. C'est justement l'un des pères fondateurs, Léopold Sédar Senghor, qui soulignait que " ... dans les décombres du colonialisme, nous avons trouvé cet outil merveilleux, la langue française ".

Finalement, le 20 mars 1970, pendant la seconde Conférence intergouvernementale à Niamey, 21 pays membres signent la création de l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT). Cette organisation, fondée autour du partage d'une langue commune, a évolué sans cesse : en 1998, le nom change en Agence intergouvernementale de la Francophonie, pour finalement devenir en 2005 l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Rapidement après sa création, la Francophonie, désormais devenue une institution, gagne de nombreux membres avec comme premier point commun le partage de la langue française. Mais d'autres pays, dont la langue officielle n'est pas le français, se joignent à l'Organisation comme pays observateurs ou membres associés. L'arrivée des pays non francophones, mais appréciant la culture française, témoigne également que la politique prend une part importante dans l'évolution de l'OIF. Avec seulement 21 membres à la création en 1970, l'OIF compte aujourd'hui 54 pays membres de plein droit, sept membres associés et 27 observateurs, dont la plupart sont situés en Europe centrale et orientale, ainsi que sur le continent américain.

L'organigramme et les institutions de la Francophonie

L'Organisation internationale de la Francophonie est dirigée par un secrétaire général, qui est le porte-parole politique de la Francophonie sur la scène internationale. Il est élu lors du sommet de l'OIF et placé sous l'autorité des instances avec un mandat de quatre ans. Il assure un lien entre les instances et le dispositif opérationnel qui sont les acteurs directs de la Francophonie (l'Agence universitaire de la Francophonie AUF, TV5 Monde, l'Université Senghor à Alexandrie, l'Association internationale des maires francophones, les Conférences ministérielles permanentes). Le sommet a lieu tous les deux ans et le chef de l'État hôte est aussi le président de l'OIF jusqu'au sommet suivant. Il définit les actions pour assurer le rayonnement de la francophonie dans le monde et adopte les résolutions nécessaires pour la réalisation des projets et des objectifs fixés.

La Conférence ministérielle est une autre instance importante dans le dispositif de la Francophonie. Elle prépare les sommets et assure sa continuité politique. Ce Conseil se réunit au moins une fois par an et suit le processus d'exécution des décisions prises lors du sommet.

Finalement, le Conseil permanent est composé de représentants désignés et accrédités par les différents États et gouvernements. Ce Conseil prépare les réunions de deux instances citées plus haut.

Les objectifs de l'OIF

À l'origine, la Francophonie se tourne vers la culture et la diffusion de la langue française. Mais depuis quelques années, elle se voit aussi comme un espace économique. La promotion de la langue est une opportunité économique car, selon les économistes, le partage d'une même langue permet d'augmenter significativement le commerce et les échanges.

Dans le domaine de l'écologie et du développement durable, l'initiative Objectif 2030 est un dispositif mis en place par l'OIF à travers l'Institut de la francophonie pour le développement durable (IFDD) pour soutenir la mise en œuvre des objectifs de développement durable dans l'espace francophone. Dédiée aux acteurs non étatiques, elle vise à favoriser des progrès concrets par l'information, l'appui aux actions et solutions novatrices qui allient inclusion sociale, progrès économique et protection de la planète, de même que le partage de bonnes pratiques.

Un fonctionnement perfectible ?

Justement, au niveau des bonnes pratiques, l'OIF a été fréquemment critiquée pour les défaillances en matière des droits de l'homme. Malgré l'objectif prioritaire de l'OIF, plusieurs pays membres de l'organisation ne sont toujours pas dirigés démocratiquement et ne respectent pas les droits de l'homme.

Par ailleurs, l'augmentation constante du nombre d'États et de gouvernements au sein de l'organisation (de 21 en 1970 à 88 en 2019) est souvent l'objet de critiques, car plus de la moitié n'ont que peu, voire aucun lien avec la langue française. En 1997, l'ancien secrétaire général de l'ONU, Boutros Boutros-Ghali est élu à la tête de l'OIF lors du sommet à Hanoï, au Vietnam. Lors de son mandat, on note une augmentation progressive du nombre d'adhésions. Selon Jacques Legendre, le rapporteur sur la francophonie auprès de la commission des affaires culturelles du Sénat, " à ce rythme, l'organisation peut devenir un doublon médiocre de l'Assemble générale de l'ONU ". En dépit des appels à cesser avec l'adhésion des États non francophones, chaque sommet de l'OIF apporte généralement de nouvelles adhésions.

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