Sénégal: Crise Casamançaise (1982-2022) - Des lueurs d'espoir brillent au sud

Maibata Sana , une demineuse avec le programme humanitaire de Handicap International en Casamancel
30 Décembre 2022

Sous le feu des projecteurs des décennies durant pour avoir basculé dans le chaos, la Casamance se relève peu à peu d'une crise armée qui a soufflé, le 26 décembre 2022, sa quarantième bougie. Casamance, quand les armes se taisent, la vie redémarre en fanfare.

ZIGUINCHOR - 26 décembre 1982 ! Il y a 40 ans, éclatait, en Casamance, un conflit armé. Quarante ans de larmes et de douleur. Un conflit sans fin qui va plonger cette partie du sud dans le chaos. Des villages entiers ont sombré. Des Casamançais ont péri dans ce conflit. Des centaines d'autres ont perdu l'usage de leurs membres inférieurs pour avoir sauté sur des mines (plus de 860 victimes d'après plusieurs statistiques).

Le conflit en Casamance a provoqué 52.800 déplacés dont la plupart avaient trouvé refuge en Guinée-Bissau et en Gambie, a révélé, en 2014, l'Agence nationale pour la relance des activités économiques et sociales en Casamance (Anrac). En 2018, le député Demba Keïta a révélé que 829 personnes ont été tuées par les mines. Aussi, le parlementaire de la 13ème législature avait ajouté que plus de 70 villages ont été rayés de la carte régionale et " des hectares de terres sont devenus inaccessibles aux populations parce que pollués par les mines ". Cinq départements (Ziguinchor, Bounkiling, Bignona, Goudomp et Oussouye) sont plongés dans le désarroi total.

Du Nord au Sud, d'Est en Ouest, des villageois avaient abandonné leurs terroirs pour trouver refuge ailleurs. Des familles se sont disloquées à jamais. Des orphelins, cette crise armée en a beaucoup créés. Et beaucoup d'autres Casamançais sont tombés sous les balles de deux parties belligérantes. Un traumatisme sans fin !

Quarante ans après, les Casamançais recouvrent la liberté, celle de se mouvoir sans crainte. Une paix durable s'y construit grâce à la volonté des Chefs d'État qui se sont succédé à la tête du Sénégal. Un des premiers combattants du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc), Youssouph Coly, a fait cinq ans dans le maquis. Tout comme ses pairs, il portait un projet phare : l'indépendance de la Casamance naturelle. Aujourd'hui, ce missionnaire de la paix dit regretter tout ce qui s'est passé et se bat pour le retour d'une paix définitive dans le Sud du pays.

" Il faut réfléchir à comment résoudre définitivement cette crise qui n'a que trop duré. Oui, il y a eu beaucoup d'échecs. Parce qu'il n'y a pas eu d'accords et un cessez-le-feu concrets. Ces cessez-le-feu-là, c'était juste pour calmer les gens du Mfdc. Mais, aujourd'hui, tout est fini, avec cette accalmie notée dans toute la Casamance naturelle. Nous ne voulons que la paix, et rien que la paix ", soutient-il, saluant les efforts des Chefs d'État à travailler à résoudre le conflit armé.

Pour sa part, le professeur Nouha Cissé, observateur du conflit casamançais, indique que les deux alternances de 2000, avec le président Abdoulaye Wade, et de mars 2012, avec Macky Sall, ont apporté la bonne nouvelle et un souffle nouveau. Même si, reconnait-il, c'est l'actuel président de la République du Sénégal " qui a davantage prolongé les discussions en vue de régler définitivement cette crise armée ". Aussi, il a salué toutes les bonnes initiatives. " Par moments, il y a eu une confiance créée entre l'État et le Mfdc.

Car, par deux fois, l'abbé Diamacoune Augustin Senghor a été reçu au palais de la République. Depuis lors, il s'est établi cette confiance. Et malgré les méthodes décriées, il y a eu des relations soutenues entre les fractions du Mfdc et les plénipotentiaires de l'État. Cela a véritablement été prolongé par le président Macky Sall qui a compris qu'il fallait renforcer cette tendance. D'ailleurs, il avait pris ses engagements en 2012 en étant candidat à la présidentielle ", relate Nouha Cissé. De plus, l'observateur du conflit se félicite de tous les efforts qui ont concouru à l'accalmie, " facteur essentiel qui a permis d'aboutir aux accords de Bissau et de Kabrousse ".

Diabir, théâtre des combats

Jadis terre fertile et d'espoir, le quartier Diabir de Ziguinchor a connu les heures les plus sombres de son histoire il y a quatre décennies. Le ciel s'y est enténébré un 18 décembre 1983 avec la mort tragique des officiers de la gendarmerie nationale. C'est la première fois que des éléments des forces de défense et de sécurité tombent sur les champs de bataille à cause du conflit casamançais déclenché en décembre 1982.

Dans la capitale régionale du sud, la simple évocation de ce nom rappelle des souvenirs douloureux. Un épisode tragique gravé à jamais dans les mémoires des Ziguinchorois. Il a changé le cours de l'histoire de ce petit quartier qui a vu le jour bien avant les années 1950. Derrière ces nombreuses plantations d'anacarde et les manguiers qui le ceinturent, Diabir est un quartier plein d'histoire pour avoir été la zone de repli des combattants " d'Atika ".

Le " sang du conflit " casamançais y avait été versé pour la première fois. Il fut un temps où les habitants de ce quartier n'osaient pas sortir pour une petite promenade de nuit. Tous, par peur de subir les brimades des éléments du Mfdc, se couchaient très tôt ou restaient enfermer dans leurs maisons de fortune. Diabir, c'est ce quartier tampon d'une sensibilité sécuritaire extrême. Jusqu'en 2009, année à laquelle un sergent de l'armée y avait été tué lors d'un accrochage avec les combattants du Mfdc, ce quartier était fragile. La quiétude retrouvée, ce " gros village " attire les folles convoitises et tout le monde veut disposer de son lopin de terre dans cette partie de la ville de Ziguinchor. Maintenant, on peut s'y rendre à n'importe quelle heure et s'offrir une partie de balade nocturne sans être inquiété.

Niché entre l'aéroport régional, l'Université Assane Seck de Ziguinchor et l'école de formation des Eaux et forêts, Diabir, jadis rejeté, a su se relever de son épisode douloureux pour tendre vers la modernité. Par contre, avant de devenir ce hameau parfumé de paix, Diabir était dans un trou profond. Car, le 18 décembre 1983, les indépendantistes se sont retrouvés dans cette partie de Ziguinchor pour préparer l'offensive sur la commune.

Mais, ils n'ont pu mettre en exécution leur menace. Et ça a tourné très mal, confie Mamadou Lamine Mané, habitant de Diabir, témoin des événements douloureux qu'a connus ledit quartier. La Casamance a connu des heures, des nuits, des jours, des mois et des années confus. Des enfants y sont nés et ont grandi avec ce conflit et le crépitement des armes. Il était difficile de se rendre d'une zone à une autre sans être victime d'un braquage.

En revanche, la tendance s'est inversée. Aujourd'hui, la donne a complétement changé. L'État, avec ses nombreux programmes, se déploie dans la quasi-totalité des terroirs meurtris pour redonner le sourire aux populations. Un sourire synonyme d'une quiétude retrouvée. Djirack et Effock, dans le département d'Oussouye, Djibanar et Singhère Diola dans le Goudoump, Mahmouda Goundoumé et Bissine dans le département de Ziguinchor, Kouram et Touba Tranquille, dans le Bignona etc., le gouvernement du Sénégal a investi toutes ces zones. C'est le symbole d'une Nation qui met l'équité au cœur de ses actions. Le conflit armé en Casamance est une histoire tragique. Son récit en cours laisse entrevoir la lumière.

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