Afrique: Des experts de l'ONU exigent une enquête sur les "possibles crimes" de l'armée malienne et du "groupe Wagner"

Une responsable des droits de l'homme de la MINUSMA, la mission de stabilisation de l'ONU au Mali, s'entretien avec des Maliens..

Au Mali, des experts de l'ONU exigent une enquête sur les " possibles crimes " de l'armée malienne et du " groupe Wagner ". C'est ce qu'a annoncé mardi 31 janvier le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, qui a mandaté ces experts indépendants.

Spécialistes des sujets liés au mercenariat, à la torture ou encore aux minorités, ces experts ont été mandatés par l'ONU mais ne sont pas salariés des Nations unies et ont travaillé à titre bénévole. Leur parole est d'ailleurs plus libre que celle des Nations unies puisqu'ils citent sans détour le Groupe Wagner. Les rapports onusiens parlent habituellement d'" accompagnateurs militaires étrangers " de l'armée malienne, ou autres formules du genre. Les experts indépendants mandatés par l'ONU dénoncent quant à eux très clairement les " possibles crimes internationaux commis par les forces gouvernementales " et le " groupe Wagner " depuis 2021.

" Exécutions horribles "

Ces experts affirment avoir reçu " des récits persistants et alarmants d'exécutions horribles, de charniers, d'actes de torture, de viols et de violences sexuelles, de pillages, de détentions arbitraires et de disparitions forcées ", notamment dans la région de Mopti, dans le centre du pays. Le cas de l'opération militaire de Moura en mars dernier est mis en exergue, les experts assurent disposer " d'informations crédibles " selon lesquelles " plusieurs centaines de personnes " auraient été " exécutées. " " La plupart appartenaient à la minorité peule " soulignent les experts, confirmant les alertes lancées par de nombreuses sources locales et par des représentants de la société civile.

" Il s'agit des opérations militaires conduites conjointement par le groupe Wagner et les Forces armées maliennes ", explique Jelena Aparac, membre du comité d'experts mandaté par l'ONU et plus spécifiquement du Groupe de travail sur l'utilisation de mercenaires. " Nous constatons que ces massacres et ces abus sont conduits de façon presque systématique. (...) On a vu des corps décapités, des exécutions extrajudiciaires, on a des informations sur des viols et des violences sexuelles, des informations sur des disparitions forcées. Ça peut être qualifié de crimes de guerre, voire de crimes contre l'humanité dans certains cas. "

" Agenda caché "

Les autorités maliennes de transition, elles, présentent toujours les supplétifs russes de l'armée nationale comme de simples " instructeurs ", démentent systématiquement les allégations d'exactions portées contre ses Fama, et démentent également tout ciblage de la communauté peule. Ceux qui osent en parler sont accusés d'avoir un " agenda caché " : c'est le reproche qu'a récemment adressé le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop à Aminata Dicko, de l'association Kisal, observatoire des droits humains pour les communautés pastorales au Sahel. La scène s'est déroulée devant le Conseil de sécurité des Nations unies, la semaine dernière.

" Climat de terreur "

Les experts onusiens évoquent d'autres opérations " définies comme antiterroristes ", à Nia Ouro, Gouni et Fakala, et se disent " troublés par l'augmentation apparente d'attribution de fonctions militaires traditionnelles au groupe Wagner. " Ces experts dénoncent également " un climat général de terreur pour les victimes et d'impunité totale pour les abus du groupe Wagner. "

" Les victimes ou les témoins n'ont pas vraiment de moyens pour témoigner, affirme Jelena Aparac, l'une des expertes mandatées par l'ONU. Il n'y a pas de suite donnée aux enquêtes, il y a des actes de torture contre ceux qui souhaitent porter plainte, donc nous sommes vraiment très inquiets sur ce climat d'impunité, et d'intimidation de tous ceux qui pourraient éventuellement témoigner ou apporte des informations. "

Les experts onusiens exigent donc une " enquête indépendante et immédiate " et précisent avoir " fait part de leurs préoccupations au gouvernement malien. "

Enquêtes non publiées

Pour rappel, la Minusma comme les autorités maliennes ont déjà annoncé des enquêtes sur Moura et sur d'autres cas où des allégations d'exactions ont été rapportés. Les autorités maliennes de transition ont toujours interdit aux enquêteurs de la Minusma l'accès aux villages en question, mais ces derniers ont tout de même pu réaliser des entretiens et recouper des faits. Côté malien, la Justice militaire a officiellement ouvert une procédure après l'opération de Moura, et dans ses communiqués, l'armée assure ouvrir des enquêtes à chaque allégation.

Mais qu'il s'agisse de celle de la Minusma ou de celle de l'armée malienne, aucune des enquêtes déjà réalisées sur Moura n'a été publiée à ce jour.

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