Le 20 février dernier, Ndjamena, la capitale du Tchad, a accueilli un sommet extraordinaire du G5 Sahel. Sixième du genre, ce sommet est le premier qui se tient entre les quatre autres pays toujours membres de l'organisation, après le retrait du Mali, en mai 2022, pour les raisons que l'on sait.
Notamment le refus de le laisser exercer la présidence tournante de l'institution au moment où cela devait lui revenir de droit à l'issue de la conférence des chefs d'Etat du G5 Sahel que Bamako devait abriter trois mois plus tôt, en février 2022. Une opposition à l'exercice de son droit que le Mali n'avait pas du tout digérée et qui lui avait valu de claquer bruyamment la porte de l'organisation commune en se retirant avec armes et bagages de tous les organes et instances du G5 Sahel, y compris de la force conjointe.
Toujours est-il que ce retrait avait fragilisé l'organisation en la plongeant dans une léthargie qui rendait difficile, même la tenue régulière des réunions statutaires au point que l'on pouvait se demander si l'entité n'était pas devenue une coquille vide.
On se demande si les pays du G5 Sahel ont trouvé solution à l'équation des ressources financières
C'est donc un sommet de Ndjamena du G5 Sahel réduit à 4, qui, en plus de la délégation du Burkina conduite par le ministre de la Défense, le colonel-major Kassoum Coulibaly, a regroupé les chefs d'Etat du Niger, Mohamed Bazoum, et de la Mauritanie, Mohamed Ould El-Ghazouani, autour du président de la transition tchadienne et hôte du sommet, le Général Mahamat Idriss Deby Itno, en vue de relancer la machine d'une organisation qui a pris du plomb dans l'aile, en plus d'avoir mal à la cohésion de ses membres.
Mais le tout n'est pas de ressusciter le " machin " dont l'importance n'est plus à démontrer mais qui s'est plutôt révélé, depuis sa création en 2014, un albatros incapable de prendre son envol pour répondre à sa mission de casser du djihadiste. Les raisons de cette incapacité sont aussi connues, puisqu'elles tiennent essentiellement au nerf de la guerre qui a cruellement fait défaut, alors que de nombreux donateurs avaient entretenu l'espoir en le faisant miroiter aux yeux des pays du Sahel, pour ne jamais traduire leurs promesses en actes concrets, en gardant les cordons de la bourse solidement liés.
C'est pourquoi, au moment de relancer la machine de guerre, on se demande si les pays du G5 Sahel ou ce qu'il en reste, ont trouvé solution à l'équation des ressources financières pour éviter de tomber dans les mêmes travers qui ont plombé l'action de la force conjointe. La question est d'autant plus fondée que non seulement les attaques se poursuivent sur le terrain, mais la crise sécuritaire s'est aussi davantage accentuée dans cette partie de l'Afrique en débordant largement des frontières des pays du Sahel pour toucher aujourd'hui ceux du littoral.
Le défi est encore plus grand pour l'organisation régionale qui a déjà fait l'expérience de promesses non tenues
Une situation qui appelle, aujourd'hui encore plus qu'hier, à une mutualisation des forces et des efforts pour se donner des chances de réduire la voilure de la malicieuse hydre à têtes multiples qui ne se fixe pas de limites dans ses atrocités en plus de se moquer des frontières entre pays. C'est dire combien l'initiative de chercher à insuffler une nouvelle dynamique au G5 Sahel, paraît louable.
Du reste, au regard de la situation, on peut même se demander si le G5 Sahel n'a pas besoin de s'ouvrir aujourd'hui aux autres pays de la sous-région confrontés au même péril terroriste. Mais encore faudrait-il, pour les pays toujours engagés dans le projet, continuer de garder allumée la flamme de l'unité et se donner les moyens de leurs ambitions communes.
Cela n'est pas gagné d'avance. Surtout quand on sait qu'après le retrait du Mali, le chef de l'Etat nigérien, Mohamed Bazoum, était même allé jusqu'à annoncer la mort du G5 Sahel. Comment pouvait-il en être autrement si, au-delà du manque de financement nécessaire à son bon fonctionnement, la possibilité de conduire dorénavant une stratégie concertée et coordonnée contre les forces du mal, semblait compromise ? Toujours est-il que depuis lors, chaque pays n'a pas manqué de développer ses propres initiatives pour essayer d'endiguer le phénomène du terrorisme à l'intérieur de ses frontières.
En tout état de cause, avec ce sommet de la résurrection de Ndjamena, le phœnix est aujourd'hui appelé à renaître de ses cendres. Et si c'est une volonté de montrer que ce n'est pas demain la veille que l'on célébrera les funérailles du G5 Sahel, le défi est encore plus grand pour l'organisation régionale qui a déjà fait l'expérience de promesses non tenues et qui devra impérativement trouver les ressources financières nécessaires à sa propre survie dans un contexte où la guerre en Ukraine mobilise tout l'intérêt, l'énergie et les capitaux des puissances occidentales.