Deuxième journée de manifestation au Sénégal pour faire cesser "l'instrumentalisation" de la justice ainsi que les "arrestations arbitraires" selon les organisateurs.
A moins d'un an de la présidentielle, les tensions s'aggravent au Sénégal, notamment en raison de l'intention supposée du président Macky Sall de vouloir briguer un troisième mandat. Mais il y a aussi des dossiers judiciaires ouverts contre l'opposant Ousmane Sonko et l'hypothèque qu'ils font peser sur sa candidature à la présidentielle.
Les 14, 15 et 16 mars : c'est à ces dates que l'opposant Ousmane Sonko avait appelé ses partisans à manifester. Ce mercredi 15 mars, deuxième jour des manifestations, seuls les rassemblements hors de Dakar ont été autorisés.
Des dossiers devant la justice
Dans la capitale, les autorités ont bloqué l'initiative de l'opposant Ousmane Sonko qui avait demandé à ses partisans de venir le soutenir alors qu'il est attendu demain au tribunal.
Le leader du Pastef (Patriotes du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité, ndlr) doit comparaître pour diffamation contre un ministre. Outre ce dossier, il est également accusé dans une affaire de viol présumé.
Deux dossiers qui pourraient menacer sa candidature à l'élection présidentielle qui doit se dérouler l'année prochaine.
"Quand il s'amuse à dire qu'un tel est accusé de détournement, il devrait avoir le courage de s'assumer jusqu'au bout", estime le sociologue et éditorialiste Pathé Mbodj selon qui "il n'y aurait plus de justice s'il y avait des justiciables au-dessus des lois. Cet opposant a fait des déclarations publiques portant sur l'honneur et la dignité d'un concitoyen. Ce concitoyen porte plainte. Est-ce qu'il faut passer cela par pertes et profits ?" s'interroge-t-il.
Des signes qui ne trompent pas
Pour ses partisans, les dossiers judiciaires visant Ousmane Sonko auraient pour but de l'écarter de la présidentielle pour laisser la voie libre au président Macky Sall, à qui certains prêtent l'intention de vouloir briguer un troisième mandat.
Ce dernier ne s'est toujours pas exprimé sur le sujet mais à en croire Maurice Soudieck Dione, enseignant-chercheur en sciences politiques à l'université Gaston-Berger de Saint-Louis, il y a plusieurs signes qui ne trompent pas.
Selon lui il y a "d'abord, en instaurant le parrainage qui a écarté la plupart des concurrents. Ensuite, il a supprimé le poste de Premier ministre puis il a coopté celui qui était deuxième à l'élection présidentielle, en l'occurrence Idrissa Seck, dans son gouvernement. Depuis 2019, il pose les jalons et il continue de poser les jalons. Il a tiré les conséquences des évènements de mars 2021 (14 personnes sont mortes lors d'émeutes ayant suivi l'arrestation de l'opposant Ousmane Sonko, ndlr) en renforçant les équipement des membres des forces de défense et de sécurité et en recrutant également un nombre plus important de membres des forces de défense et de sécurité..."
A moins d'un an de l'élection présidentielle et alors que la crispation de la vie politique fait craindre des violences dans le pays, le journaliste Yan Demba Tine ne dissimule pas l'inquiétude des Sénégalais.
"Les Sénégalais sont divisés (...) soit tu es d'accord avec ce qui se passe, soit tu n'es pas d'accord, soit tu préfères garder la neutralité. Mais on a constaté que beaucoup de chefs religieux appellent au calme, à la sérénité, à la paix. A l'approche de la présidentielle c'est toujours un peu compliqué mais cette année c'est beaucoup plus compliqué", assure-t-il à la DW.
Nouvelle illustration de la tension qui règne dans le pays : les forces de l'ordre sénégalaises ont tiré des grenades lacrymogènes aujourd'hui pour arrêter les partisans de l'opposant Ousmane Sonko qui tentaient de se rendre chez ce dernier, bloqué chez lui par les policiers.