Kenya - La difficile lutte des modérateurs contre Facebook et son sous-traitant Sama

Facebook, Meta,

C'est un nouveau revers pour Facebook à Nairobi. La justice kényane a confirmé mardi 28 mars sa décision de suspendre le licenciement de 260 modérateurs de contenus employés par la société Sama, sous-traitant de Facebook en Afrique de l'Est.

Il y a dix jours, 43 modérateurs ont saisi la justice pour « licenciement illégal ». Ils accusent Sama et Facebook de les avoir illégalement licenciés en blocs, en représailles pour leurs revendications syndicales, puis inscrits sur une liste noire pour les empêcher d'être recrutés par le nouveau sous-traitant de Facebook, l'entreprise Majorel, qui assure déjà la modération d'une partie des contenus de TikTok.

« C'est une opération antisyndicale déguisée en licenciement. Ce n'est pas comme si Facebook se retirait du marché de la modération. L'entreprise change seulement de sous-traitant pour remplacer Sama par Majorel. Or, les modérateurs qui ont travaillé des années pour Sama et qui ont postulé pour Majorel se sont entendus dire qu'ils étaient sur une liste noire et n'avaient aucune chance d'être recrutés parce qu'ils avaient travaillé pour Sama », selon Cori Crider, avocate à FoxGloves, une association spécialisée dans les nouvelles technologies, qui soutient les plaignants.

Cori Crider, avocate à FoxGloves, une association spécialisée dans les nouvelles technologies

« Ça te détruit émotionnellement »

Le premier à avoir défié le géant du web s'appelle Daniel Motaung. Cet ancien modérateur a porté plainte en 2022 pour « exploitation » et « torture psychologique ». Licencié pour avoir organisé une grève au sein de l'entreprise, il est de retour en Afrique du Sud et se dit encore traumatisé par son expérience.

Aujourd'hui, Daniel Motaung va « mieux ». Mais trois ans après avoir quitté Sama, il souffre encore de stress post-traumatique. Parmi les premières vidéos que le jeune homme a dû modérer, celle d'une décapitation. « Ça atteint le cerveau et ça te détruit émotionnellement. Ce travail change le cours de ta vie et altère ta capacité à fonctionner normalement en temps qu'être humain », raconte-t-il.

En 2019, Daniel Motaung a tenté d'organiser une grève, mais rapidement, il a été licencié. Il réclamait un meilleur salaire et un soutien psychologique pour lui et ses collègues. « Ils disent qu'ils m'ont toujours apporté le soutien nécessaire. Mais le seul soutien que nous avons, ce sont des coachs en bien-être. Or, ces gens ne sont pas qualifiés pour prendre en charge des problèmes de santé mentale », ajoute-t-il.

Daniel Motaung dénonce aussi le manque d'effectif et de formation appropriée pour les modérateurs. Il assure ne pas avoir été surpris d'apprendre, il y a trois mois, que l'entreprise Facebook était attaquée pour avoir relayé des appels à la haine lors du conflit dans le Tigré, en Éthiopie. « Facebook devrait mettre sur pied des équipes d'urgence pour les situations d'urgence telles que la guerre en Éthiopie, ou lors d'élections par exemple. La modération de contenu doit être faite de manière plus professionnelle », selon lui.

Jusqu'à présent, dans le dossier de Daniel Motaung, Facebook répond qu'elle n'a pas à rendre de compte à la justice kényane. Un argument rejeté en première instance. Facebook a fait appel.

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