Congo-Kinshasa: Dégradation « considérable » de la situation sécuritaire dans l'Est

Un hélicoptère de la MONUSCO atterrit à Beni dans la région du Nord-Kivu en RD Congo (photo d'archives)
29 Mars 2023

L'envoyée de l'ONU en République démocratique du Congo (RDC) a prévenu mercredi le Conseil de sécurité que la situation sécuritaire dans l'Est ce pays s'est « considérablement dégradée » ces derniers mois et que la situation humanitaire y est « de plus en plus dramatique ».

Conscient de la dégradation de la situation, une délégation du Conseil de sécurité a effectué une visite en RDC du 9 au 13 mars, pour marquer la solidarité et la mobilisation des Nations Unies face aux défis sécuritaires, électoraux et structurels dans ce pays.

Exactions des groupes armés

« L'intensification du conflit avec le M23 et l'activisme persistant d'autres groupes armés, notamment les ADF, Zaïre et la CODECO, pour ne citer qu'eux, continuent d'infliger des souffrances intolérables aux populations civiles », a observé mercredi la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la RDC, Bintou Keita, devant les quinze membres du Conseil.

Mme Keita, qui est également la cheffe de la Mission des Nations Unies en RDC (MONUSCO), a souligné que dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et d'Ituri, des centaines de milliers de personnes ont fui les exactions des groupes armés et les affrontements entre le M23 et les Forces armées de RDC (FARDC) mais aussi entre la CODECO et Zaïre.

« Au Nord-Kivu en particulier, les affrontements entre le M23 et les FARDC ont forcé 900.000 personnes à se déplacer. Les besoins humanitaires, déjà immenses en RDC, continuent d'augmenter. Cette crise humanitaire reste l'une des plus négligées au monde. Les populations déplacées, auprès desquelles je me suis rendue, vivent dans des conditions extrêmement précaires », a-t-elle déploré.

Mobiliser les ressources

Dans ce contexte, Bintou Keita a plaidé pour la mobilisation des ressources nécessaires pour la mise en oeuvre du plan de réponse humanitaire 2023 porté à hauteur de 2,25 milliards de dollars.

Elle a également condamné les entraves persistantes à l'accès humanitaire, notamment l'attaque d'un hélicoptère du Service aérien d'aide humanitaire des Nations Unies (UNHAS) en février qui a contraint le Programme alimentaire mondial (PAM) à, temporairement, suspendre ses vols dans les zones de conflits. Elle a appelé toutes les parties au conflit « à respecter le droit humanitaire international et à faciliter l'accès humanitaire aux personnes vulnérables où qu'elles se trouvent ».

Parmi les déplacés, la Représentante spéciale a insisté sur « la situation particulièrement précaire des femmes » et a jugé impératif de financer le Plan d'action national de prevention de l'exploitation et des abus sexuels pour leur assurer une protection adaptée. « Plus de 2 millions de dollars sont nécessaires pour soutenir ses activités, notamment dans les zones touchées par la crise du M23. Parmi les initiatives en cours, je salue la création d'un fond de soutien aux victimes et l'assistance psychologique aux femmes mise en place par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) », a-t-elle dit.

2022, année meurtrière pour les Casques bleus

Mme Keita a expliqué aux membres du Conseil qu'en réponse à ces immenses défis sécuritaires et humanitaires, la MONUSCO « travaille sans relâche dans des environnements hostiles pour remplir son mandat », soutenant en particulier le gouvernement congolais pour la protection des civils, ainsi que le désarmement et la démobilisation des groupes armés et la mise en oeuvre de la réforme du secteur de la sécurité.

Elle a souligné que 2022 a été l'une des années les plus meurtrières jamais enregistrées pour les Casques bleus de la MONUSCO, qui opère dans un environnement « de plus en plus complexe, volatil et dangereux ».

La Représentante spéciale a rappelé que les opérations militaires ne suffiront pas à elles seules à assurer la stabilité de l'est de la RDC et elle a salué les efforts régionaux en cours pour trouver des solutions durables au conflit. Elle a appelé le Conseil « à donner tout son poids à ces efforts en encourageant les parties à respecter leurs engagements et en veillant à ce que les acteurs récalcitrants rendent des comptes ».

Elle a observé que les tensions entre la RDC et le Rwanda n'ont cessé d'augmenter, entraînant plusieurs incidents transfrontaliers, ces affrontements présentant « de graves risques d'escalade régionale ».

Des élections en décembre

S'agissant des élections générales prévues pour le 20 décembre 2023, l'envoyée de l'ONU a salué les autorités congolaises et la Commission électorale nationale indépendante (CENI) « pour leur détermination à tenir les délais face aux défis logistiques, mais surtout face à l'insécurité ». Elle a noté que dans l'Est du Congo, les violences, les affrontements, les déplacements de populations et les zones sous contrôle du M23 « constituent de sérieux obstacles au travail d'enregistrement des électeurs », et dans l'ouest, les violences intercommunautaires dans la province du Mai-Ndombe qui n'ont toujours pas cessé, font aussi obstacle au processus.

La MONUSCO, en partenariat avec les agences onusiennes, soutient le processus électoral et a répondu présente en transportant 126 tonnes de matériel électoral pour la CENI au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et en Ituri. Mme Keita a salué les efforts de la CENI « qui tente de faire face aux défis opérationnels de l'enregistrement à travers l'extension des périodes d'inscription, la prise de sanctions contre les malversations de ses agents, et la dénonciation des discours de haine ».

Elle a toutefois estimé que le processus électoral reste marqué par « un manque inquiétant de confiance entre les principales parties prenantes de la société civile et de l'opposition ». Elle a réitéré son appel à l'adresse de toutes les parties prenantes congolaises pour qu'elles travaillent ensemble en vue d'assurer un processus électoral apaisé, transparent, crédible et inclusif dans le strict respect de la Constitution et de la loi électorale.

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