Une fillette mise enceinte par ses violeurs
Les associations et organisations féminines marocaines ne décolèrent pas. Elles ont toutes, à l'unisson et à juste titre, crié leur ras-le-bol contre une décision judiciaire considérée comme étant « fort clémente » à l'égard de trois personnes (âgées respectivement de 25, 32 et 37 ans) qui ont abusé d'une fillette d'à peine 11 ans à Tifelt et qui, à la surprise générale, n'ont été condamnées qu'à deux ans de prison.
En effet, la chambre criminelle de la Cour d'appel de Rabat a condamné le 20 mars à deux ans de prison trois hommes poursuivis pour « détournement de mineure » et « attentat à la pudeur sur mineure avec violence ».
En vertu de ce verdict, l'un d'eux a été condamné à deux ans de prison ferme et les deux autres à deux ans, dont 18 mois fermes.
L'Organisation des femmes ittihadies (OFI) s'est dit, dans un communiqué parvenu à Libé, « choquée » et « sidérée » par ce verdict « qui n'a pas rendu justice à la victime ni réparé le préjudice qui lui a été causé », soulignant qu'« elle a été victime d'exploitation sexuelle et de viol à répétition par les trois monstres, près de Tiflet, ce qui a engendré la grossesse de la petite fille, comme le prouve l'expertise médicale, qui a confirmé la relation biologique entre l'un des accusés et le foetus ».
L'OFI assure la victime de son soutien inconditionnel
L'OFI, tout en mettant en avant qu'elle veille toujours au respect de la justice et à son indépendance, considère que « cette sentence va à l'encontre des dispositions de la Constitution du Royaume du Maroc, notamment les articles 117 et 110 relatifs à la sécurité judiciaire et à l'application impartiale de la loi, à la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir, ainsi qu'aux articles du Code pénal qui stipulent des peines allant de dix à vingt ans pour les crimes de viol sur mineur (articles 486-488) », a précisé l'OFI.
A titre d'exemple, les dispositions de l'article 486 du Code pénal sont claires et précises. En effet, cet article stipule que « le viol est l'acte par lequel un homme a des relations sexuelles avec une femme contre le gré de celle-ci. Il est puni de la réclusion de cinq à dix ans ». Et l'article en question d'ajouter : « Toutefois si le viol a été commis sur la personne d'une mineure de moins de dix-huit ans, d'une incapable, d'une handicapée, d'une personne connue par ses facultés mentales faibles, ou d'une femme enceinte, la peine est la réclusion de dix à vingt ans ».
Pour cette raison, l'OFI a appelé «les autorités judiciaires compétentes, y compris l'Inspection générale des affaires judiciaires, à ouvrir une enquête urgente afin de révéler les circonstances et le fondement de cette décision, et à éclairer l'opinion publique à son sujet, en prévoyant des sanctions appropriées si préjudice aux fins de justice et d'équité est avéré».
Elle a également exprimé «sa solidarité inconditionnelle avec la victime de ces actes criminels qui représentent une violation flagrante des droits de l'enfant et une atteinte criante à la morale et aux valeurs communes» des Marocains, et a déclaré être prête à «lui fournir toute forme de soutien et d'assistance durant le procès en appel de ce verdict», tout en appelant à «des peines plus sévères pour les crimes sexuels, et les agressions et violations dont les victimes sont des enfants et des femmes».
L'Association Tahadi pour l'égalité et la citoyenneté (ATEC) a, pour sa part, fustigé cette sentence, tout en appelant les autorités judiciaires compétentes à ne pas tolérer ces crimes, que l'ATEC « considère comme une violation flagrante des droits humains et des droits des enfants et des femmes ».
« En tant qu'association, nous réclamons des peines plus sévères pour les crimes sexuels, dont les victimes sont des enfants et des femmes en particulier », a ajouté le communiqué de l'ATEC.
D'autres associations sont montées au créneau en condamnant cette sentence, telles que l'ONG Jossour Forum des Femmes Marocaines qui considère ce verdict comme étant « injuste » pour la victime, tout en réclamant « des peines plus sévères face à ce crime odieux ».
Pour sa part, la sociologue, écrivaine et militante des droits des femmes, Soumaya Naamane Guessous, a adressé une lettre ouverte au ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, dans laquelle elle l'appelle à rendre justice à la petite fille, ainsi qu'à sa famille. Elle a, par ailleurs, indiqué qu'un avocat connu pour son militantisme dans le domaine des droits humains s'est engagé bénévolement pour faire appel du verdict prononcé contre les agresseurs sexuels afin de rendre justice à la victime.
De même, la colère contre le jugement rendu par la Cour d'appel de Rabat dans cette affaire monte sur les réseaux sociaux. Dans ce cadre, un internaute s'est indigné en affirmant que trois personnes «violent une fillette de 11 ans qui tombe enceinte. Ils prennent seulement 2 ans. Clémence incompréhensible de la justice marocaine pour ces criminels ».
« Une fille de 11 ans violée par 3 (je sais même pas quoi les identifier), ces viols engendrent une grossesse. Verdict : 2 ans de prison pour chacun. Je ne comprends pas ces juges. Pourtant c'est simple : appliquez juste la loi. Coupable = peine maximale », a martelé un autre internaute dans un post sur Twitter.
Mourad Tabet