La tension continue de monter entre les forces de sécurité soudanaises. D'un côté l'armée régulière dirigée par le général al-Burhan, de l'autre les forces RSF dirigées par le général Hemedti. Les paramilitaires ont été déployées dans Khartoum et d'autres villes du pays faisant craindre un embrasement. Ce jeudi, l'armée a dénoncé une initiative sans son accord préalable, et qui « augmente les risques sécuritaires ». Communauté internationale et classe politique appellent au calme.
France, Allemagne, Norvège, Royaume-Uni, États-Unis et Union européenne, se sont déclarés « profondément inquiets ». Les pays parlent d'actions qui « menacent de faire dérailler les négociations vers un pouvoir civil ». Le groupe rappelle que de ce processus dépend la reprise de l'aide internationale...
Au Soudan, les ex-chefs rebelles Malik Agar, Minni Minnawi et Gibril Ibrahim demandent aux deux généraux de résoudre leur différend. Le Bloc Démocratique souhaite une désescalade, tout comme la grande coalition civile FFC qui elle accuse l'ancien régime d'être à la manoeuvre et de chercher à détruire le processus politique en cours pour revenir au pouvoir.
Ces déclarations font suite au sérieux avertissement verbal, lancé jeudi par l'armée aux RSF. Son porte-parole a déclaré « tirer la sonnette d'alarme face à un tournant dangereux et historique ». Le colonel Abdallah a dénoncé un déploiement des paramilitaires « sans approbation ». Un « viol de la loi » qui « pourrait entraîner l'écroulement de la sécurité du pays », dit-il. Les RSF ont été déployées à Merowe, au Nord de Khartoum, mais aussi en plusieurs endroits de la capitale, créant une situation précaire avec, désormais, des soldats rivaux postés en ville.
Rivalité politique
Cette escalade illustre la rupture entre les deux généraux à la tête des deux corps, Abdel Fattah al-Burhan et Hemedti, en désaccord sur la façon d'intégrer les RSF au sein de l'armée. Une disposition prévue dans le futur accord politique censé rendre, à terme, le pouvoir aux civils.
« Chacun joue des coudes pour renforcer son pouvoir, avant une éventuelle transition démocratique », explique un journaliste soudanais. D'un côté, le général al-Burhan, à la tête de l'armée - soutenu par d'anciens partisans d'Omar el-Béchir, et les islamistes- qui s'accroche au pouvoir, affirme ce même journaliste, tout en essayant de limiter l'ascension de son rival. De l'autre, le général Hemedti, chef des Forces de soutien rapide, les RSF, qui s'efforce depuis plusieurs mois de transformer son image de chef de milice en homme politique, soutenant les pro-democratie.
La rivalité entre l'armée et les RSF s'est accentué ces derniers mois alors qu'approchait l'échéance de la remise du pouvoir aux civils. Et a éclaté au grand jour mois avec des déclarations contradictoires et des voyages séparés à l'étranger, au point de faire craindre à certains observateurs, une confrontation directe sur le terrain, notamment à Khartoum.
Un face à face tendu : Al-Burhan bénéficie d'armements lourds et du soutien de l'Égypte, précise une autre source. Tandis qu'Hemedti lui dispose de plusieurs dizaines de milliers de guerriers impitoyables, et du soutien de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis.
Les grands perdants de cette rivalité, ajoute cette même source, sont une fois de plus les civils, dont l'accord politique censé leur rendre le pouvoir a été à nouveau suspendu.