Soudan: A Khartoum, les civils pris entre les feux croisés de l'armée et des paramilitaires

(Photo d'illustration) - Des membres de RSF détruisent des barricades autour de la zone de sit-in à Khartoum.

Les combats se poursuivent entre les forces armées soudanaises dirigées par Abdel Fattah al-Burhan et les paramilitaires des forces de soutien rapide. Le face à face est toujours incertain alors que les deux armées sont lancées dans une guerre de propagande. À Khartoum, le conflit a tourné à la guérilla urbaine. Malgré les appels à la désescalade qui se multiplient à l'étranger, les deux camps poursuivent leur guerre fratricide qui a fait 97 morts selon un bilan dressé ce lundi matin par le syndicat des médecins. Sans eau ni électricité dans certains quartiers, les civils vivent sous les feux croisés.

Les échanges de tirs sont continus dans la ville malgré l'annonce d'une trêve humanitaire de 3 heures censée permettre aux civils d'évacuer les zones de combat. Au milieu du chaos, certains habitants se sont aventurés dans la rue pour aller faire le plein de provisions dans les rares échoppes encore ouvertes.

À l'intérieur les gens se bousculent, certains comme Kamal n'avaient plus de nourriture depuis deux jours : « C'est au-delà de tout ce que je pouvais imaginer. Je suis sous le choc. Si les deux parties ne négocient pas, le pays va se fragmenter. Malheureusement on s'y attendait... »

Malgré les risques de balle perdue, des hommes ont étendu un tapis à même le sol pour partager l'iftar, la rupture du jeûne en ce mois sacré du ramadan. « C'est une guerre entre deux armées, mais ce sont les citoyens qui versent leur sang. On ne sait pas qui va gagner, les deux forces sont puissantes, mais les civils se retrouvent pris entre deux feux. Ce sont des jours difficiles, on ne sait pas de quoi demain sera fait ».

Les habitants du quartier se hâtent de rentrer chez eux, la nuit tombe et les combats redoublent d'intensité.

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Ces combats, nous les redoutions depuis le coup d'État du 25 octobre. On ne peut pas avoir deux armées dans un seul pays. Même si nous, révolutionnaires, nous avons un problème avec l'armée, ce n'est pas pour autant que les FSR d'Hemedti ont le droit de prendre le contrôle du pays. Et plus tard, quand tout cela sera terminé, on va devoir régler le problème avec l'armée. Mais les FSR doivent partir, ça doit se terminer. Nous ne pouvons pas accepter d'avoir deux armées dans un pays. Les seuls à souffrir de cette situation ce sont les pauvres citoyens. Vous savez, dans notre pays, 50 à 60 % de la population gagne sa vie au jour le jour. Et là, avec les combats... Nous espérons que cela va se terminer. Il va y avoir des victimes, mais nous espérons que ce sera le moins possible.

Asma al-Amin, responsable d'un comité de résistance à Khartoum, une organisation de la société civile

Situation confuse

Pour l'heure, il est toujours difficile aujourd'hui de cerner le rapport de forces. Chaque camp revendique des succès militaires. Les FSR prétendent détenir l'aéroport et le Palais présidentiel, ce que dément l'armée qui assure quant à elle conserver son QG. Les deux clament avoir pris la télévision nationale, qui continue d'émettre des chants patriotiques à longueur de journée.

Les tirs et les bombardements se sont poursuivis ce dimanche dans les rues de Khartoum. Bien que les deux parties aient accepté d'ouvrir des couloirs humanitaires durant trois heures l'après-midi, les combats n'ont pas ralenti, au grand regret des médecins qui comptabilisaient dimanche déjà plus de 600 blessés.

Nous allons bientôt être à court de matériel médical. Pour le moment ça va, mais le personnel est exténué. Certains sont mobilisés depuis vendredi, non-stop depuis trois jours. C'est dangereux dehors. Toutes les villes sont figées. On entend encore des tirs autour de l'hôpital, on ne peut pas passer d'un quartier à l'autre. Les ambulances ne peuvent pas circuler, elles ne peuvent pas nous ramener des poches de sang ou des fournitures médicales supplémentaires. Certains blessés ne peuvent pas rejoindre l'hôpital. Des médecins voudraient venir aider, mais n'y arrivent pas non plus. Etre dehors est très dangereux. Mais nous devons pouvoir faire venir plus de personnel, nous devons recevoir des fournitures médicales supplémentaires. Il faut trouver une solution dans les prochaines heures. Les deux forces militaires doivent mettre un terme à cette situation, elles ne peuvent pas nous laisser dans cette situation d'urgence. Tout cela doit cesser. Cela doit être considéré comme une situation humanitaire très grave.

Le témoignage d'un médecin travaillant dans un hôpital de Khartoum

Le Programme alimentaire mondial a quant à lui suspendu son aide humanitaire, après la mort de trois de ses employés. Et Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU a réclamé que les responsables soient « traduits en justice au plus tôt. » La Ligue arabe et l'Union africaine se sont chacune réunie en urgence dimanche. Moussa Faki Mahamat, président de la commission de l'UA, se rendra au plus vite au Soudan pour « engager les parties vers un cessez-le-feu. »

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