L'ONU continue d'appeler à la fin immédiate des affrontements entre factions militaires rivales au Soudan, alors que le Secrétaire général António Guterres et les dirigeants de l'Union africaine, de la Ligue des Etats arabes, du groupe régional d'Afrique de l'Est IGAD et de l'Union européenne ont tenu une réunion virtuelle sur la crise jeudi.
Des affrontements entre les forces armées soudanaises et le groupe paramilitaire, les Forces de soutien rapide (RSF) - qui sont en désaccord sur le retour à un régime civil - ont éclaté samedi. La plupart des combats se sont déroulés dans la capitale Khartoum, où les habitants sont piégés chez eux depuis des jours.
« Je lance un appel pour qu'un cessez-le-feu ait lieu pendant au moins trois jours, marquant les célébrations de l'Aïd al-Fitr, afin de permettre aux civils pris au piège dans les zones de conflit de s'échapper et de chercher des soins médicaux, de la nourriture et d'autres fournitures essentielles », a déclaré le Secrétaire général de l'ONU lors d'un point de presse à l'issue de cette réunion organisée par l'Union africaine.
Selon lui, ce cessez-le-feu « doit être la première étape pour offrir un répit aux combats et ouvrir la voie à un cessez-le-feu permanent ».
Un tiers des hôpitaux sont « hors service » - OMS
Alors que les médias indiquent que des milliers d'habitants de Khartoum se pressent sur les routes pour fuir les violences, près de 300 personnes ont été tuées et un tiers des établissements de santé sont « hors service », à la suite des affrontements, selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Si ce sont surtout les hôpitaux de la capitale, Khartoum, et des provinces voisines qui sont « hors service », la Représentante au Soudan de l'OMS, la Dre Nima Saeed Abid, estime qu'au total, un tiers des établissements de santé du Soudan « sont aujourd'hui hors d'état de fonctionner ».
« À ce jour, 20 hôpitaux ont été contraints de fermer en raison d'attaques ou d'un manque de ressources, selon le ministère soudanais de la Santé, », a ajouté lors d'un point de presse virtuel depuis Le Caire, Dr Ahmed Al-Mandhari, Directeur régional de l'OMS pour la Méditerranée orientale.
Huit autres établissements de santé risquent de fermer en raison de la fatigue du personnel ou du manque de médecins et de fournitures médicales.
Un accès aux hôpitaux désormais très difficile
Alors que de plus en plus d'hôpitaux ne fonctionnent plus en raison du manque de fournitures médicales, un groupe spécialisé (comprenant l'OMS, le ministère de la Santé et les équipes de gestion des pertes massives) coordonne avec les pharmacies la disponibilité des fournitures et veille à ce que les médicaments et les fournitures soient acheminés là où ils sont le plus nécessaires.
Dès que la situation le permettra, l'OMS entend aussi acheminer d'autres fournitures médicales à partir de sa plate-forme logistique de Dubaï. « Avant l'escalade, nous avions fourni des fournitures parce que notre évaluation des risques indiquait la nécessité d'un soutien. Mais ces fournitures sont en train de s'épuiser », a affirmé le Dr Richard Brennan, Directeur régional des urgences de l'OMS.
Dans ce contexte d'insécurité, l'OMS note que les déplacements sont limités dans la capitale soudanaise en raison de l'insécurité. La Dre Nima Saeed Abid note que l'accès aux hôpitaux est désormais très difficile pour les personnes qui en ont besoin et pour celles qui veulent fournir du matériel médical à ces hôpitaux.
Ce qui complique la tâche des médecins, des infirmières, des patients et des ambulances qui doivent se rendre dans les établissements de santé. Une telle situation met en danger la vie des personnes qui ont besoin de soins médicaux d'urgence.
Les combats font près de 330 morts parmi les civils
« Nous appelons toutes les parties à mettre en oeuvre une pause humanitaire durable dès que possible afin que les personnes piégées par les combats puissent trouver refuge, que les civils puissent accéder à la nourriture, à l'eau, aux médicaments et à d'autres articles essentiels, et que les personnes ayant besoin de soins de santé puissent obtenir l'attention dont elles ont besoin », a fait valoir le Dr Al-Mandhari, relevant que « la guerre a un impact sur tous les aspects de la vie, au-delà des personnes directement blessées, et les conséquences négatives sur la santé peuvent être à long terme ».
Autre défi pour les agences humanitaires, « les pannes généralisées d'électricité, qui se poursuivent. Selon l'OMS, le manque d'électricité dans certaines zones et certains hôpitaux expose les patients à un risque élevé.
« Il y a de graves pénuries d'eau et de carburant dans les établissements de santé, et un certain nombre de stations d'eau à Khartoum sont hors service. Dans les hôpitaux, il y a une grave pénurie de personnel médical spécialisé, d'oxygène et de poches de sang », a insisté le Dr Al-Mandhari.
Par ailleurs, le bilan est toujours provisoire et déjà plus de 330 civils ont été tués depuis samedi au Soudan et près de 3.200 autres ont été blessées à la suite des combats entre l'armée régulière et les forces paramilitaires à Khartoum et dans certaines provinces, y compris les États du Darfour ».
L'escalade de la violence met en danger des millions d'enfants
Sur un autre plan, le Dr Al-Mandhari fait état de « rapports très préoccupants d'agressions sexuelles contre des travailleurs humanitaires internationaux, tout comme les rapports de plus en plus nombreux d'attaques contre les soins de santé, y compris les agressions contre les travailleurs de la santé, l'occupation militaire des hôpitaux, et le pillage et le détournement des ambulances ».
Dans un tel climat d'insécurité, « de multiples épidémies circulent actuellement dans le pays, notamment la rougeole, le poliovirus, la première épidémie de dengue à Khartoum et des cas croissants de paludisme dans tout le pays ». Or « les personnes qui ont besoin de soins réguliers pour des maladies chroniques ne peuvent pas accéder au traitement, et les besoins en matière de santé mentale et psychosociale, en particulier chez les enfants, augmentent », a détaillé le Directeur régional de l'OMS pour la Méditerranée orientale.
De son côté, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) note qu'au moins 9 enfants auraient été tués dans les combats, et plus de 50 enfants auraient été blessés alors que les hostilités se poursuivent à Khartoum, au Darfour et au Nord-Kordofan.
« Il est très difficile de recueillir et de vérifier les informations en raison des conditions de sécurité précaires qui règnent dans tout le pays, mais nous savons que tant que les combats se poursuivront, les enfants continueront d'en payer le prix », a déclaré dans un communiqué, Catherine Russell, Directrice exécutive de l'UNICEF, ajoutant que « cinq jours d'hostilités intenses au Soudan et quatre cessez-le-feu ratés ont déjà eu un effet dévastateur sur les enfants du pays ».
Des enfants réfugiés dans des écoles et des centres de soins
L'agence onusienne indique avoir reçu des rapports faisant état d'enfants réfugiés dans des écoles et des centres de soins alors que les combats font rage autour d'eux. Des hôpitaux pour enfants ont été contraints d'être évacués alors que les bombardements se rapprochent.
De plus, les combats ont interrompu les soins essentiels et vitaux pour environ 50.000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère. « Ces enfants vulnérables ont besoin de soins continus, 24 heures sur 24, qui sont mis en péril par l'escalade de la violence », a indiqué Mme Russell.
Les combats mettent également en péril la chaîne du froid au Soudan, y compris plus de 40 millions de dollars de vaccins et d'insuline, en raison des coupures d'électricité et de l'impossibilité de réapprovisionner les générateurs en carburant.
Malgré des besoins humanitaires « plus élevés que jamais », l'UNICEF et ses partenaires ne peuvent pas l'apporter si la sécurité de leur personnel n'est pas garantie. « De telles attaques contre les travailleurs et les organisations humanitaires sont des attaques contre les enfants et les familles que nous servons », a conclu la cheffe de l'UNICEF.
L'UNICEF appelle également toutes les parties à s'abstenir d'attaquer les infrastructures civiles dont dépendent les enfants, comme les systèmes d'approvisionnement en eau et d'assainissement, les établissements de santé et les écoles.
La faim menace d'augmenter
De son côté, le Programme alimentaire mondial (PAM) a averti que la violence pourrait avoir pour conséquence que des millions de personnes souffrent de la faim.
Le PAM avait prévu de venir en aide à quelque 7,6 millions de personnes au Soudan cette année, mais a été contraint d'interrompre temporairement ses opérations car les combats empêchent les équipes de mener à bien des activités telles que la livraison de vivres d'urgence essentiels, la fourniture de repas scolaires et la prévention et le traitement de la malnutrition.
L'agence onusienne a également subi d'immenses pertes. Trois membres du personnel ont été tués dans des tirs croisés samedi et deux ont été grièvement blessés. Le PAM a ajouté que son personnel, ses bureaux, ses véhicules, son équipement et ses stocks de vivres ont également été directement visés.