Soudan: Guerre pour le pouvoir - Ces désertions de soldats qui doivent interpeller

Des renforts militaires en route depuis Khartoum pour l'État de Gedaref pour être déployés à la frontière éthiopienne. Des camions chargés de soldats, de pièces d'artilleries et des blindés.
analyse

Au sixième jour de la guerre pour le pouvoir à Karthoum, les combats faisaient toujours rage entre l'armée régulière fidèle au Général Al-Burhan et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du Général Mohamed Hamdane Daglo dit Hemeti. Au même moment, on apprend que des soldats soudanais se sont retrouvés de l'autre côté de la frontière, au Tchad voisin, où ils ont trouvé refuge, après s'être rendus à l'armée tchadienne qui a procédé à leur désarmement et leur cantonnement.

« Ce sont 320 éléments de l'armée soudanaise, des gendarmes, policiers et militaires, qui ont peur d'être tués par les FSR, qui se sont rendus à nos forces », précise notamment un officier supérieur de l'armée tchadienne. Si ce n'est pas de la désertion en temps de guerre, cela y ressemble fort.

Mais quoi qu'il en soit, le moins que l'on puisse dire, c'est que les conséquences de cette guerre pour le pouvoir à Karthoum, qui a déjà fait de nombreuses victimes au Soudan, sont en train de s'exporter en touchant certains pays voisins, avec ces défections de soldats. Et rien ne dit que la saignée ne va pas se poursuivre d'ici là, si les combats doivent s'intensifier et pousser d'autres combattants à adopter la même conduite, en succombant à la tentation de prendre le large.

Le Général Al-Burhan doit s'interroger sur la justesse de son combat

Mais au-delà de l'hospitalité des autorités tchadiennes qui ont pris le problème à bras-le-corps en accueillant ces fugitifs soudanais, alors même que Ndjamena avait déjà pris des précautions en amont en fermant ses frontières et en appelant à la désescalade, ces désertions de soldats doivent interpeller. D'abord la communauté internationale, sur la nécessité de trouver les voies et moyens de faire taire les armes. Cela est un impératif, si l'on veut éviter qu'à la crise politico-militaire qui est en train de désarticuler le pays, vienne se greffer une crise humanitaire en cas de déplacements massifs de populations fuyant les combats.

Ensuite, le général Al Burhan qui perd ainsi des combattants. Et subsidiairement son rival qui n'est peut-être pas lui non plus à l'abri d'éventuelles défections dans son propre camp. Car, n'étant pas dans la tête des soldats, on peut se poser des questions sur les sentiments qui les animent. Surtout les déserteurs qui ont dû se résoudre à prendre la poudre d'escampette. Est-ce juste pour sauver leur vie ? Est-ce parce qu'ils pensent que ce combat n'est pas véritablement le leur et ne mérite pas leur sacrifice suprême ?

Est-ce pour ne pas tomber sous le coup du jugement de l'histoire en se rendant coupables d'éventuelles exactions sur les populations ? Bien malin qui sourait répondre à ces questions. En attendant, quelles que soient les motivations de ces soldats fuyards, leur désertion est un mauvais signal pour leur chef, en l'occurrence le Général Al-Burhan qui doit aussi s'interroger sur la justesse de son combat. Car, si la contagion devait gagner d'autres combattants au sein de ses troupes, on ne doute pas de l'issue des combats qui pourraient rapidement tourner en faveur de son adversaire.

Il est temps de savoir raisonner le Général Al-Burhan et son rival Hemeti

Mais le chef de la junte au pouvoir à Khartoum, est-il encore capable d'une telle introspection ? Rien n'est moins sûr ! Tant l'officier militaire fait preuve d'une obnubilation par le pouvoir à nulle autre pareille et semble mu par la volonté d'en finir militairement avec un ex-allié décidé à contrarier ses ambitions en le délogeant du palais présidentiel pour devenir calife à la place du calife. C'est sans doute le sens de son combat qui l'a vu trahir la lutte du peuple soudanais résolument engagé dans la voie du changement et qui était loin de se douter qu'en se débarrassant de l'autocrate Omar El-Béchir, il ouvrirait la voie à une autre dictature.

C'est pourquoi on ne dénoncera jamais assez l'attitude de la communauté internationale qui n'a pas fait le necessaire pour soutenir conséquemment la lutte du peuple soudanais qui n'a eu de cesse de demander le départ pur et simple des militaires du pouvoir. Un peuple visiblement abandonné à son triste sort et obligé de compter aujourd'hui sur ses propres forces. Mais que peut un peuple aux mains nues, face à des militaires assoiffés de pouvoir et lourdement armés ?

Des officiers qui, au nom de leurs ambitions, sont prêts à tirer sur tout ce qui bouge, y compris sur des hôpitaux dont au moins neuf ont déjà fait les frais de ces combats insensés. C'est dire s'il est temps de savoir raisonner le Général Al-Burhan et son rival Hemeti, tous deux engagés dans une lutte pour le pouvoir manifestement étrangère aux intérêts du peuple soudanais.

En tout état de cause, il est impératif de ne pas laisser cette guerre s'étendre dans la durée, sous peine de conséquences encore plus dommageables pour le pays et ses habitants. C'est en cela que la communauté internationale est aussi vivement interpellée.

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