Burundi: Le pays plaide en faveur d'une sortie de la Politique sauvegarde supplémentaire

Prise de sang pour tester le paludisme.
analyse

Le 2 décembre 2016, le Burundi faisait son entrée dans la liste des pays sous Politique de sauvegarde supplémentaire (PSS) du Fonds mondial, et ce, en raison des retards constatés dans la mise en oeuvre des subventions, lesquels avaient un impact marqué sur les résultats programmatiques et la capacité d'absorption des ressources.

Entrée en vigueur en 2004, la politique de sauvegarde supplémentaire est invoquée pour permettre au Fonds mondial d'instituer des mesures appropriées d'atténuation des risques en cas de risque de mise en danger de ses fonds.

« Les raisons permettant d'invoquer une sauvegarde supplémentaire sont notamment liées à la faiblesse de la gestion et à l'absence de capacités de contrôle interne des récipiendaires principaux et des sous-récipiendaires, à la faiblesse des capacités et de la supervision de l'instance de coordination nationale, et à l'instabilité politique. Du fait de fragilités structurelles permanentes, les mesures de protection suivantes demeurent en place : sélection des récipiendaires principaux par le Fonds mondial, supervision spécifique de la sélection et de la gestion des sous-récipiendaires par le Fonds mondial, mécanismes personnalisés d'atténuation des risques et d'approvisionnement. »

Extrait tiré du Rapport d'audit de suivi Subvention du Fonds mondial en République démocratique du Congo mise en oeuvre par Population Services International. (p. 16)

Cela dit, cette Politique soulève énormément de défis au Burundi et laisse le pays spectateur de la lutte contre le VIH/SIDA dans son propre espace géographique.

Défis

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Du choix des récipiendaires principaux (PR)

En application de cette Politique, le Fonds mondial a procédé à la nomination du PNUD comme bénéficiaire principal des subventions du portefeuille du Burundi en date du 12 octobre 2017.

Seulement, cette nomination unilatérale sans autres formes de consultation de la part du Fonds mondial constitue un réel problème pour l'Instance de coordination nationale (ICN) et les programmes nationaux en charge au premier chef de la lutte contre les 3 maladies. En fait, cette situation a relégué de facto les programmes nationaux au rang de sous-récipiendaires (SR).

Soulignons que le PNUD nommé Récipiendaire Principal (RP) ne disposait pas de compétences clés requises pour la mise en oeuvre des subventions du Fonds mondial. Ceci est d'autant vrai qu'il a dû procéder à des recrutements des profils requis tant au niveau national qu'international..... ce que les programmes nationaux pouvaient pourtant réaliser si on leur en avait donné l'occasion !

Plus fondamentalement, il convient de noter que la PSS semble être une directive sans issue puisque dès qu'on y entre, il semble impossible d'en sortir. En effet, la mention n'est faite nulle part du délai d'application de la mesure.

Le renforcement des capacités des structures nationales, un voeu pieux

La lettre de nomination du PNUD comme RP lui confiait un mandat transitoire de gestion des subventions du Burundi assorti d'une obligation de renforcement des capacités des nationaux pour un transfert rapide de la gestion aux entités nationales conformément au principe d'appropriation de la Déclaration de Paris sur l'aide au développement.

Malheureusement, ce renforcement des capacités des entités nationales n'a pas encore été effectif. Il y a d'ailleurs lieu de se demander si cette insuffisance de capacités évoquée ne constitue pas un prétexte quand on sait qu'objectivement parlant, les programmes nationaux regorgent de compétences qui ne demandent qu'à être reconnues à leur juste titre par le Fonds mondial. Ce même prétexte a prévalu pour reconduire le PNUD comme RP des subventions 2021-2023 et plus récemment pour les subventions du cycle 2024-2026 (cf. Lettre d'allocation 2022-2025). Ce faisant, une partie importante de devises conventionnées dans les accords de dons n'atterrira pas dans les comptes de la banque nationale ou dans les banques commerciales. Elle sera gérée à partir des comptes se trouvant à l'étranger. Quelle est la plus-value pour le Burundi dans ces conditions ?

Poser les jalons d'une sortie de la Politique de sauvegarde supplémentaire

Des progrès encourageants malgré les défis persistants

D'énormes progrès ont été faits en matière de paix et sécurité, de bonne gouvernance et d'ouverture aux partenariats extérieurs, ce qui est un climat favorable pour l'expression de des capacités organisationnelles du Burundi.

Sur le principe, la PSS devrait être évaluée et assortie d'un délai d'application. Comme il n'y pas encore eu d'évaluation conjointe par les parties, il y a lieu de se demander sur quelle base objective, le Fonds mondial continue de maintenir cette Politique sur le portefeuille du Burundi.

A y regarder de près, cette Politique ne permet pas au pays de s'approprier véritablement les subventions du Fonds mondial. Elle entraine l'indifférence voire les spéculations de certaines parties prenantes à l'égard des subventions actuelles et futures du Fonds mondial. Pire, elle ne favorise aucunement l'expression et l'épanouissement des capacités nationales. Ceci fait perdurer l'argument du Fonds mondial selon lequel le pays n'a pas de capacités suffisantes pour la gestion des subventions et l'on se retrouve dans un cercle vicieux.

Des initiatives en cours

La ministre de la Santé publique et de la Lutte contre le Sida et Présidente de l'ICN Burundi a effectué 2 visites au Fonds mondial. La première visite (mai 2022) avait pour but de rencontrer l'équipe pays du Fonds mondial et le pôle chargé des ICN. Lors de la deuxième visite, elle a été reçue par le Directeur de la division gestion des subventions du Fonds mondial, M. Mark Eldon Edington. En retour, Mark Edington a effectué une visite au Burundi et a été reçu en audience par le premier ministre du Burundi. L'équipe pays du Burundi a quant a elle effectué régulièrement des missions de supervision de la mise en oeuvre des programmes dès juin 2022. Ces visites ont permis d'améliorer la communication entre le Fonds mondial et le Burundi et de nouer un dialogue franc sur les sujets d'importance pour redynamiser le partenariat Fonds mondial -Burundi.

L'ICN Burundi vient d'organiser de manière transparente et dans le respect des recommandations de l'Eligibility and Performance Assessment (EPA) 2022, un processus de sélection de nouveaux membres de l'ICN Burundi dans le cadre du renouvellement de ses membres en fin de mandat.

Les deux points ci-dessus augurent la restauration de l'éligibilité de l'ICN Burundi aux financements du FP et une nouvelle dynamique de fonctionnement de l'ICN Burundi vis-à-vis du Fonds mondial et des autres partenaires pour garantir la performance des subventions et l'atteinte des résultats d'impact. Ils créent aussi, croyons-nous, un environnement favorable à la révocation de la PSS imposée au portefeuille du Burundi.

Feuille de route pour le retour de la gestion des subventions aux entités nationales

Évaluer la mise en oeuvre des ASP au Burundi ;

Maintenir le dialogue entre la direction de l'ICN et le Fonds mondial ;

Analyser les défis structurels qui persisteraient dans la gouvernance de l'ICN Burundi et faire un plan réaliste pour les résoudre dès le deuxième trimestre de 2023 ;

Adapter le plan de renforcement des capacités en faveur des structures nationales, mobiliser les ressources nécessaires et procéder à sa mise en oeuvre à partir du trimestre 2 de 2023 ;

Mettre en place une équipe technique pour l'élaboration d'un plan de transition et en assurer le suivi selon le calendrier convenu ;

Proposer des modalités de mise en oeuvre prenant en compte les entités nationales comme RP lors de la formulation des demandes de financements pour le Cycle de subvention 7.

NB : Ce texte est une version remaniée d'un article initialement publié dans le bulletin d'information de l'African Constituency.

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