Afrique: Paludisme - Les innovations face aux résistances du parasite

Prise de sang pour tester le paludisme.

« Innover, investir et mettre en oeuvre les innovations », c'est le thème de la Journée mondiale du paludisme cette année 2023. La maladie a encore tué près de 600 000 personnes en Afrique, en 2021, mais l'éventail de nouvelles solutions s'élargit pour contourner la résistance du parasite ou de son vecteur, le moustique, aux médicaments et aux insecticides.

En Afrique, 29 pays ont constaté que l'insecte était devenu résistant aux pyréthrinoïdes (ou pyréthroïdes).

Face à cela, deux nouvelles moustiquaires ont été mises au point, BPO Nets et G2, qui combinent un pyréthroïde avec un autre produit, pyriproxyfène ou chlorfénapyr. Là où la première a été déployée, « la mortalité due au paludisme a reculé de 40 % », souligne le Dr Corine Karema, directrice générale par intérim du Partenariat pour faire reculer le paludisme (Roll back Malaria).

Les chercheurs de l'Imperial College de Londres ont aussi mesuré une baisse du paludisme dans les cinq pays où la deuxième a été testée (Cameroun, Côte d'Ivoire, RDC, Tanzanie et Togo).

Nouvelles moustiquaires, nouvelle prophylaxie infantile

L'inconvénient de ces nouvelles moustiquaires, c'est qu'elles sont chères. L'OMS et Unitaid travaillent avec les compagnies pharmaceutiques pour faire baisser leurs coûts de production à mesure que le marché se développe. Encore importées en Afrique, elles pourraient à terme être produites localement.

Du côté des traitements, une nouvelle méthode plus simple d'administration est prônée pour les enfants de moins de 5 ans (86% des victimes du paludisme) dans les régions sahéliennes où le parasite est très saisonnier.

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La chimio-prévention saisonnière (CPS) consiste en un traitement de trois jours, pendant quatre mois, juste avant la saison pluvieuse.

« Elle a donné de très bons résultats au Sénégal et au Burkina Faso, avec une baisse de la prévalence du paludisme dans les communautés », explique le Dr Karema.

Distribuée à large échelle, depuis 2020, cette prophylaxie a été adoptée en 2021 par 13 pays d'Afrique dont le Bénin, le Niger et le Togo.

RTS,S et R21 : ruée sur les nouveaux vaccins

Résultat de trente années de recherche, deux vaccins ont été mis au point pour les enfants de moins de 5 ans. Le RTS,S développé par GSK, premier vaccin antipaludique de l'histoire, homologué par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), doit être administré en quatre doses, la première année, avec ensuite un rappel par an.

« Déjà mis en oeuvre dans trois pays d'Afrique (le Ghana, le Kenya et le Malawi), il a fait l'objet d'une demande à l'Alliance du vaccin Gavi de la part de 21 États du continent pour une mise en oeuvre l'an prochain », le temps de préparer la logistique et de sensibiliser leur population. Gavi a pu mobiliser 160 millions de dollars, de 2022 à 2025.

Autre sérum prometteur, le R21 Matrix-M, conçu par Novavax pour induire une plus grande réponse des anticorps au parasite.

« Il a été testé au Burkina Faso et est efficace à 75% après 12 mois chez les enfants ».

Toujours en phase d'étude (en deuxième phase de test sur quatre au total), il n'a pas encore été approuvé par l'OMS, mais deux pays, le Ghana et le Nigeria, n'ont pas attendu ce feu vert pour l'approuver de leur propre chef. Ces États ont des structures de régulation bien implantées et ont probablement été motivés par les promesses du groupe pharmaceutique d'installer une usine de fabrication au Ghana et de donner des doses au Nigeria.

En attendant le moustique génétiquement modifié

Autre voie de recherche prometteuse, celle de la modification génétique des moustiques qui en est à sa deuxième phase de test.

Après avoir travaillé sur la production de mâles stériles, les chercheurs privilégient la piste du « mâle biaisé », où l'on aboutit à une descendance mâle à 95 %, pour limiter la reproduction de cet insecte vecteur du paludisme, mais aussi pour limiter la transmission du parasite, sachant que c'est l'anophèle femelle qui pique les humains.

Cette piste génétique ne sera pas opérationnelle avant quelques années, selon le Dr Lea Pare Toe de l'Institut burkinabé de recherche en Sciences de la santé et responsable de l'impact des parties prenantes dans la recherche de Target Malaria.

La technique pourrait, selon elle, être également très utile à l'avenir pour lutter contre un nouveau vecteur qui a fait son apparition dans les villes d'Afrique, le moustique asiatique (anopheles stephensi).

Déjà présent dans huit pays africains, de l'est à l'ouest du continent (Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Kenya, Somalie, Soudan, puis Ghana et Nigeria), c'est un nouveau et grand défi pour la lutte contre le paludisme en Afrique, dans un contexte d'urbanisation galopante.

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