Soudan: Un accès « sûr et immédiat » est nécessaire pour l'aide d'urgence, exhorte Guterres

António Guterres.

Les combats au Soudan doivent cesser maintenant avant que le conflit et la catastrophe humanitaire qui s'étend ne ravagent davantage le pays et la région, a déclaré mercredi le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres.

Le chef de l'ONU s'est adressé aux journalistes depuis la capitale kenyane, Nairobi, où il présidera une réunion des chefs de l'ensemble du système des Nations Unies.

Depuis que la violence a éclaté au Soudan le 15 avril, plus de 334.000 personnes ont été déplacées à l'intérieur du pays et plus de 100.000 ont fui vers les pays voisins, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA).

Les hostilités entre les forces armées soudanaises et les forces de soutien rapide (RSF) font rage depuis près de trois semaines, malgré les annonces répétées et les prolongations infructueuses de cessez-le-feu entre les deux parties.

Les derniers chiffres des Nations Unies font état d'au moins 528 morts et de près de 4.600 blessés, mais on pense que beaucoup d'autres personnes ont péri en raison de l'interruption des services essentiels, notamment des soins de santé.

Paix et retour à un régime civil

« Toutes les parties doivent faire passer les intérêts du peuple soudanais en premier », a déclaré le chef de l'ONU. « Cela signifie la paix et le retour à un régime civil, permettant le développement du pays ».

« Nous plaçons ces objectifs au coeur de nos discussions avec les parties au conflit et nous travaillons main dans la main avec l'Union africaine et l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) », a-t-il ajouté.

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M. Guterres a rappelé que le peuple soudanais était « confronté à une catastrophe humanitaire » alors que des millions de personnes sont désormais confrontées à l'insécurité alimentaire.

Il a déclaré que les Nations Unies étaient « prêtes à agir », sous la direction de son Représentant spécial et chef de la mission des Nations Unies au Soudan (UNITAMS), Volker Perthes. « L'aide doit être autorisée à entrer au Soudan et nous avons besoin d'un accès sûr et immédiat pour pouvoir la distribuer aux personnes qui en ont le plus besoin », a dit M. Guterres.

Conclure des accords de passage sûrs

Quelques heures après son arrivée à Port-Soudan, ville portuaire sur la côte soudanaise de la mer Rouge où est basée désormais la présence de l'ONU dans le pays, le chef de l'humanitaire des Nations Unies, Martin Griffiths, a exhorté mercredi les parties belligérantes du Soudan à s'engager à assurer le passage en toute sécurité des secours, alors que les civils terrifiés continuent de fuir le pays.

« Nous pouvons et devons apporter de l'aide aux différentes parties du Darfour, à Khartoum... et les représentants des agences que j'ai rencontrés ici ce matin sont unanimes à ce sujet. Mais pour cela, nous avons besoin d'accès, de ponts aériens, de fournitures qui ne soient pas pillées », a déclaré le Coodonnateur de l'aide d'urgence.

M. Griffiths a indiqué que le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies avait signalé que six camions se dirigeant vers le Darfour avaient été pillés mercredi « en dépit des assurances de sécurité ».

Afin d'aider les communautés les plus vulnérables du Soudan et d'empêcher tout nouveau pillage des secours, M. Griffiths a insisté sur la nécessité de « s'assurer que les deux armées s'engagent publiquement et clairement à protéger l'aide humanitaire et à respecter l'obligation de permettre aux populations de se déplacer ».

Cet engagement devrait s'appliquer même en l'absence d'un cessez-le-feu national formel, a-t-il poursuivi, au moyen d'arrangements locaux « sur lesquels on peut compter ».

Khartoum confrontée à de graves pénuries d'eau

Dans son dernier rapport de situation, OCHA note que des infrastructures d'électricité, d'eau et de télécommunications, ainsi que des entreprises et des habitations, ont été endommagées, pillées ou détruites. Mais c'est l'accès à l'eau, qui reste l'un des principaux défis.

Plusieurs quartiers de la capitale soudanaise, Khartoum, sont toujours confrontés à de graves pénuries d'eau en raison de pannes d'électricité, du manque de carburant et des dommages causés aux systèmes d'approvisionnement en eau.

Outre les problèmes d'eau à Khartoum, l'unité de traitement de la qualité de l'eau, la foreuse et d'autres équipements ont été détruits à El Tahir ; alors qu'à El Fasher (Darfour), l'accès à l'eau a été interrompu en raison d'une panne d'électricité.

Un accès limité à l'eau dans les camps de personnes déplacées internes a également été signalé en raison du manque de carburant. Par ailleurs, le prix des produits de base dans certaines régions, comme l'eau en bouteille, les denrées alimentaires de base et le carburant pour la cuisine et les voitures, a augmenté de 40 à 60%, selon l'UNICEF.

Besoins sanitaires désespérés

Soulignant l'ampleur des besoins dans les zones touchées par des tirs nourris et des frappes aériennes, le chef des secours de l'ONU a rappelé que le rétablissement de l'assistance médicale était la priorité dans la capitale, Khartoum, où plus de six établissements de santé sur dix sont fermés et où seul un sur sept fonctionne normalement.

« De nombreux patients souffrant de maladies chroniques, comme les maladies rénales, le diabète et le cancer, ne peuvent pas accéder aux établissements de santé ou aux médicaments dont ils ont besoin », a indiqué OCHA.

L'approvisionnement en eau potable reste également une priorité vitale, afin d'encourager les communautés à rester là où elles se trouvent pour pouvoir recevoir de l'aide. « Nous avons un plan pour acheminer les fournitures dans ces endroits » à travers le pays, y compris au Darfour, a déclaré M. Griffiths. « Nous savons comment nous pouvons le faire et nous allons commencer à le faire ».

Plus de deux tiers des hôpitaux ne sont pas fonctionnels en raison d'attaques directes, de l'occupation par des parties belligérantes, du manque d'électricité, d'approvisionnement en eau ou de carburant, ou d'une rupture de stocks de médicaments.

Selon l'Agence sanitaire mondiale de l'ONU, des équipements de la chaîne du froid, des véhicules, des dossiers et des biens ont été pillés ou détruits. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que la moitié des vaccins ont été perdus.

« Selon le syndicat des médecins du Soudan, les stocks médicaux sont extrêmement bas dans les zones touchées par le conflit, avec une pénurie de toutes les fournitures médicales et chirurgicales, y compris d'oxygène et de poches de sang », a détaillé OCHA.

Course contre la montre à l'approche de la saison des pluies

Les humanitaires craignent que la situation au Soudan ne se détériore davantage si les belligérants ne garantissent pas l'acheminement de l'aide.

« L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM) m'ont parlé aujourd'hui de l'importance d'acheminer de la nourriture et des semences dans des endroits qui seront difficiles d'accès en raison de la saison des pluies qui arrive en juin et de la saison des semis qui se déroule également de mai à juillet », a déclaré M. Griffiths.

« Nous aurons toujours besoin d'accords et d'arrangements pour permettre la circulation du personnel et des fournitures.... C'est un environnement instable », a-t-il ajouté. « Je pense que si nous disposons d'un bon financement, nous serons en mesure de faire exactement ce que le peuple soudanais attend de nous et ce qu'il est en droit d'attendre de nous ».

« Nous devons agir maintenant », avertit le chef de l'OIM

Dans un communiqué publié mercredi, António Vitorino, chef de l'agence des Nations Unies pour les migrations (OIM), a déclaré que le monde « ne peut pas fermer les yeux » sur la crise au Soudan.

« Il est impératif que nous - en tant qu'agences des Nations Unies, donateurs, particuliers et gouvernements - agissions collectivement et soutenions les populations du Soudan et des pays voisins », a maintenu M. Vitorino.

Le chef de l'OIM a félicité toutes les nations qui gardent leurs frontières ouvertes aux personnes fuyant la violence, appelant à des efforts accrus pour améliorer les conditions aux postes frontières, afin de permettre l'acheminement d'une aide plus importante.

Il a ajouté que l'OIM travaillait avec ses partenaires sur un plan de réponse et un appel inter-agences et coordonné, afin d'augmenter l'aide vitale. Jusqu'à présent, il y a six entrepôts avec des fournitures dans cinq Etats à l'intérieur du Soudan, et plus de 10.000 kits de secours de base prépositionnés.

70% des déplacés se trouvent dans les Etats du Sud-Darfour et du Darfour occidental

Sur les plus de 334.000 personnes déplacées à l'intérieur du Soudan depuis le 15 avril, plus de 70% se trouvent dans les Etats du Sud-Darfour et du Darfour occidental.

Dans le Darfour occidental, la plupart des habitants de la ville d'El Geneina sont partis en raison des combats qui ont éclaté le 24 avril. Bien que les chiffres ne soient pas confirmés, on estime qu'environ 195.000 personnes sont déplacées dans cet État. L'État d'Aj Jazirah accueille environ 8.000 personnes qui ont principalement fui Khartoum.

Les besoins prioritaires comprennent la nourriture, l'accès à l'eau et les articles ménagers non alimentaires, y compris les matelas, les couvertures, le combustible de cuisson ainsi que les fournitures d'hygiène, selon les conclusions de l'évaluation préliminaire des ONG partenaires des Nations Unies.

Du côté des frontières soudanaises, le nombre de personnes fuyant les combats continue d'augmenter. Selon l'Agence de l'ONU pour les réfugiés, plus de 100.000 personnes, dont des réfugiés, des rapatriés et des ressortissants de pays tiers, sont entrées dans les pays voisins depuis le 15 avril. Les mouvements transfrontaliers les plus importants à ce jour concernent les réfugiés soudanais arrivant au Tchad et en Égypte, et les Sud-Soudanais retournant au Soudan du Sud.

Les humanitaires accroissent leur réponse

Face à cet afflux important de réfugiés et de déplacés internes, de l'augmentation rapide des besoins et malgré les contraintes, notamment les difficultés d'accès et les combats incessants, les partenaires humanitaires s'efforcent d'accroître leur réponse.

Le PAM devrait commencer la distribution de nourriture dans les États de Gedaref, Aj Jazirah, Kassala et du Nil Blanc dans les prochains jours.

De son côté, l'UNICEF a fourni des kits sanitaires d'urgence, des fournitures essentielles et des médicaments aux hôpitaux et aux centres de soins de santé primaires afin de soutenir le traitement des blessés et l'accès aux services de santé vitaux. Cela comprend des kits de santé et de nutrition pour cinq centres de soins de santé primaires et un centre de stabilisation à El Fasher, au Darfour Nord.

Avec le soutien des agences onusiennes, l'hôpital d'El Fasher a été approvisionné en eau par camion. Elles ont fourni des produits chimiques pour le traitement de l'eau, des réservoirs d'eau et des conteneurs au ministère de la Santé à Khartoum pour soutenir les services d'eau, d'assainissement et d'hygiène dans six hôpitaux.

Les partenaires humanitaires aident également les réfugiés et les autres personnes arrivant dans les pays voisins.

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